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ATTENTAT CONTRE UN BUS DE LA GARDE PRESIDENTIELLE EN TUNISIE : Faut-il apprendre à vivre avec la peur terroriste ?


Un bus de la garde présidentielle stationné sur l’Avenue Mohamed V, a été visé par un attentat, le mardi 24 novembre dans le centre ville de Tunis. Les autorités tunisiennes qui ont fait état de 13 morts et de 20 blessés, dénoncent “un attentat terroriste à l’explosif”. L’objectif de cet acte abominable, selon le conseiller du président Essebsi, est “d’atteindre la République et la nouvelle démocratie tunisienne”. La plausibilité de cette analyse officielle est très forte. Car, la Tunisie est coutumière des actes terroristes depuis la chute de Ben Ali. La sécurité présidentielle est dans le collimateur des djihadistes depuis que celle-ci, en plus de ses tâches traditionnelles, est montée en première ligne dans la lutte contre le terrorisme. Mais cette analyse gouvernementale n’évacue pas les questions que l’on peut se poser sur le mode opératoire de l’attentat.

La Tunisie vit au rythme des attentats terroristes

En effet, la bombe dont le pouvoir fait cas, a-t-elle été actionnée de l’extérieur ? Etait-elle à l’extérieur du bus ? Dans la première hypothèse, l’on pourrait en déduire que les terroristes comptent au sein de la garde présidentielle des complices. Au cas où cette hypothèse serait avérée, cela ne ferait que renforcer la psychose dans laquelle se trouvent déjà les populations. Pour revenir à la lecture du pouvoir tunisien à propos de cet attentat, selon laquelle les terroristes cherchaient par là, à atteindre la démocratie tunisienne et la République, l’on peut aller dans leur sens en se fondant sur l’idée de Bernard Poulet selon laquelle : « Le fanatique craint la démocratie comme le vampire la lumière du jour». En effet, la démocratie, c’est non seulement la tolérance, mais aussi, par essence, la fin des certitudes, des vérités révélées et éternelles. Toutes ces valeurs sont, de toute évidence, aux antipodes du credo porté par les djihadistes, quelle que soit leur obédience. Or, la Tunisie d’aujourd’hui est une démocratie. Celle-ci est le couronnement du printemps arabe dont la Tunisie a été la porte d’entrée et la pionnière et qui avait permis de bouter hors du pays le dictateur Ben Ali. Depuis lors et plus particulièrement depuis que Béji Caïd Essebsi a été porté au pouvoir par les urnes, l’on peut facilement faire le constat que la Tunisie vit au rythme des attentats terroristes. Au départ, les attaques se faisaient du côté des monts Chaambi et Semmama, à l’Ouest du pays, vers la frontière algérienne et elles étaient revendiquées par la section locale de Al-Qaïda au Maghreb islamique. La menace s’est invitée par la suite en ville. La barbarie a pris davantage des proportions inquiétantes en 2015, respectivement au Musée du Bardo en mars et sur une plage prisée des Occidentaux à Sousse, en juin dernier. Ces deux attaques contre ces hauts lieux de l’ouverture de la Tunisie sur le monde, avaient fait au total 60 morts et choqué bien des Tunisiens. Pas plus tard que le 24 novembre, 13 personnes sont donc venues s’ajouter à ce chiffre macabre. Cette fois-ci, ce sont des éléments de la garde présidentielle. Et le moins que l’on puisse dire est que les terroristes viennent de réussir un grand coup comme pour signifier que les personnes censées être les plus outillées pour les combattre, ne sont pas si invulnérables qu’on le croirait. En frappant donc cette institution emblématique de l’appareil sécuritaire de la Tunisie au cœur de la capitale et en plein jour, les terroristes ne pouvaient pas mieux marquer les esprits.

L’on peut être gagné par le pessimisme à propos des mesures prises par les uns et les autres contre le péril terroriste

Au rythme où vont les choses, l’on peut être sceptique quant à la capacité du pouvoir tunisien à freiner la machine à tuer des terroristes. Et pour cause. D’abord, l’on peut avoir l’impression que les terroristes aiment qu’on leur lance des défis. L’on se souvient, en effet, que suite aux attaques du Bardo et de la plage à Sousse, le gouvernement avait bandé les muscles pour rassurer les Tunisiens que la terreur allait changer de camp. Dans la foulée, il avait pris des mesures draconiennes dont l’Etat d’urgence, pour casser du terroriste. L’évaluation de cet engagement ferme et martial peut être faite à l’aune de l’attentat dont a été victime la garde présidentielle. Cet engagement est loin d’avoir atteint les effets escomptés. Plus que jamais, le terrorisme se porte à merveille. Ensuite, l’on peut avoir l’impression que dès lors que les terroristes prennent pied dans un pays, comme c’est le cas de la Tunisie, les en déloger relève d’une mission quasi impossible. Car ils sont partout et nulle part. Et chacun est susceptible d’en être un. Le voisin, l’oncle, le chef de police, le muezzin du quartier, bref, le citoyen le plus insoupçonnable peut être un terroriste sous des dehors d’ange. La troisième et dernière raison qui justifie notre pessimisme est liée au fait que les Etats démocratiques éprouvent plus de difficultés à traquer les terroristes que les Etats totalitaires. La raison  est que les premiers sont obligés d’intégrer dans leur riposte, les libertés individuelles. Ce qui fait l’affaire des djihadistes qui se servent de cette valeur cardinale de la démocratie, pour bafouer la liberté des autres. Les Etats totalitaires qui ne se font aucun scrupule en matière de violation des libertés individuelles, ont plus de succès dans la lutte contre le djihadisme. L’on peut citer, à ce sujet, l’exemple de l’ancien président Ben Ali. Sous son règne, en effet, la Tunisie qui était un véritable Etat policier, ne connaissait pratiquement pas d’attaques terroristes. Pour toutes ces raisons, l’on peut être gagné par le pessimisme à propos des mesures prises par les uns et les autres contre le péril terroriste. De ce point de vue, la tentation est forte de se poser la question suivante : faut-il apprendre à vivre avec la peur terroriste ? De ce qui précède, l’on peut répondre par l’affirmative tout en recommandant de ne pas baisser la garde. L’on peut suggérer, pour réduire le terrorisme, que les démocraties intègrent dans leur législation des mesures qui concilient le respect des libertés individuelles et les exigences commandées par la lutte contre la plus   grande terreur de ce début du 21e siècle. A cela, il faut ajouter l’union sacrée et inclusive de tous les pays qui en sont victimes et apporter des réponses concrètes aux besoins existentiels des populations en termes de santé, de logement et de travail décent.

« Le Pays »


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