72e ASSEMBLEE GENERALE DES NATIONS UNIES : Les années passent, la « vieille Dame » reste égale à elle-même
La 72e Assemblée générale de l’Organisation des Nations Unies s’est ouverte hier à New York. C’est aussi parti pour le traditionnel ballet des chefs d’Etat pour délivrer leurs speechs à la tribune mondiale, avec ce piquant en moins que le monde a perdu ses grands orateurs qui enflammaient l’instance. Parmi eux, l’on peut citer Thomas Sankara, Mouammar Kadhafi, Hugo Chavez ou encore Fidel Castro. Mais l’on devrait pouvoir compter avec l’atypisme d’un Donald Trump ou les philippiques anti-américaines du Vénézuélien Nicolas Maduro ou du président philippin Rodrigo Duterte.
Le thème inscrit à l’ordre du jour de cette grand-messe diplomatique, « Priorité à l’être humain : Paix et vie décente pour tous sur une planète préservée », ne souffre d’aucun débat quant à sa pertinence.
Même si les débats se mènent entre tous, les décisions les plus importantes se prennent finalement à huis clos
En effet, le rendez-vous annuel de la quasi-totalité des dirigeants du monde intervient dans un contexte où la paix, sur notre planète, est plus que jamais menacée, non seulement par les guerres en Syrie ou en Irak, la recrudescence des actes terroristes à travers le monde ou le péril nucléaire lié aux essais nucléaires de Pyongyang, mais aussi par la survenue de plus en plus fréquentes des catastrophes naturelles liées au réchauffement climatique où la responsabilité humaine n’est plus à démontrer. Sans nul doute que ce sont ces éruptions spectaculaires de l’histoire humaine ou de la nature qui touchent plus les intérêts des grands de ce monde qui vont ravir la vedette des débats, plutôt que les conditions de vie de la majorité pauvre des habitants de la planète.
En attendant les conclusions de ce raout des têtes couronnées du monde, l’on ne peut qu’être admiratif du fonctionnement de cette instance de l’ONU qui donne l’image d’une démocratie mondiale où les grands et les petits ont tous droit à la parole. L’on doit cependant déplorer le fait que, même si les débats se mènent entre tous comme sous l’arbre à palabre africain, les décisions les plus importantes se prennent finalement à huis clos entre grands. Et voilà qui remet au goût du jour les réformes onusiennes sans cesse réclamées par les Etats. Pour cette 72e Assemblée générale, la revendication est portée par Donald Trump hilmself, qui estime que l’institution manque d’efficacité en raison de sa lourdeur bureaucratique et de ses effectifs humains pléthoriques. Même si l’on comprend que le président américain, fidèle à son option de se consacrer en priorité aux problèmes américains, a pour souci de réduire la contribution financière des Etats-Unis, principaux bailleurs de l’ONU, il n’en demeure pas moins qu’il pose un problème crucial. Et les chances que les choses bougent du bon côté sont plus grandes aujourd’hui, car Trump s’engouffre dans une brèche déjà ouverte par le nouveau Secrétaire général des Nations unies, le Portugais Antonio Gutterres, favorable, lui aussi, à des réformes et soutenu par une bonne palette de pays. Mais il faudra sans doute compter avec l’hypocrisie des mêmes grandes puissances de la planète, qui, tout en réclamant des réformes, sont cependant peu enthousiastes sur celle portant sur le droit de veto qu’elles entendent préserver jalousement. Quoi qu’il en soit, il est aujourd’hui plus que jamais urgent de corriger cette injustice criarde qui accorde seulement à 5 Etats, le droit de régenter la marche de 189 autres nations, avec souvent des comportements à l’origine de grandes crises qui remettent en cause la stabilité mondiale, comme celle de la Libye.
A 72 ans, l’ONU est toujours confrontée aux mêmes problèmes qui ont été à l’origine de sa création
Cela dit, l’on peut se poser la question sur les prébendes que l’Afrique, notre continent, en particulier, peut tirer de cette 72e Assemblée générale de l’ONU. Nonobstant le fait que ses problèmes sont ceux de la démocratisation avec leur corollaire sur la paix et la sécurité, les problèmes de développement avec pour conséquences l’émigration des jeunes, la question du terrorisme et les problèmes de résilience aux changements climatiques, encourent le risque d’être éclipsés par les graves préoccupations internationales de l’heure. Il faut aussi compter avec les effets de l’arrivée, en rangs dispersés, des chefs d’Etat africains à cette session de l’ONU. Il ne fait aucun doute que ce manque de cohésion nuira à l’harmonie des voix quant à la revendication d’un siège permanent pour l’Afrique au Conseil de Sécurité. Mais le continent ne peut s’en prendre qu’à lui-même, parce que l’on ne peut plus émouvoir quelqu’un avec 72 années de larmes. Du reste, l’on peut, déjà, au moins, se féliciter du fait que cette 72e Assemblée générale de l’ONU ait déjà offert l’opportunité aux chefs d’Etat du G5 Sahel de sensibiliser le monde entier à sa cause et de sonner davantage la mobilisation des partenaires dans le but de les inciter à délier le cordon de la bourse.
De ce qui précède donc, il y a fort à parier que les pas de danse des princes de ce monde ne soient pas différents de ceux des bals précédents et c’est avec grand regret que l’on peut constater que les années passent mais « la vieille Dame » reste égale à elle-même, incapable de se métamorphoser comme le caméléon pour prendre les couleurs de son environnement. Et l’on comprend aisément pourquoi, à 72 ans, alors qu’elle était censée être dans l’âge de sagesse après un si long parcours, elle est toujours confrontée aux mêmes problèmes qui ont été à l’origine de sa création : les atrocités de la guerre avec le risque sans cesse accru de la menace nucléaire et les violations massives des droits de l’Homme dans certaines parties du monde, comme au Burundi ou en Birmanie avec le drame des Royingas, sans qu’elle ne puisse trouver véritablement la potion magique pour panser ces plaies béantes de l’humanité.
« Le Pays »