INVESTITURE DU PRESIDENT BURUNDAIS : N’kurunziza persiste à dresser un bûcher pour son pays

Le président burundais, Pierre N’kurunziza, a décidé d’affronter son peuple. C’est le moins que l’on puisse dire. Car, envers et contre tous, l’homme a été investi candidat à sa propre succession pour la présidentielle du 26 juin prochain et ce, en dépit des appels à lui lancés par l’Eglise catholique, la société civile, l’Union africaine et la communauté internationale. La clameur monte, mais N’kurunziza, même lâché par certains de ses proches, avance. Visiblement cuirassé contre les critiques, le pasteur président se croit investi d’une mission divine, si fait qu’il considère ses contempteurs comme des ennemis de Dieu qui travaillent contre les intérêts du Burundi. En fait, on ne le sait que trop bien, tous les dictateurs sont les mêmes. Ils ne savent jamais tirer leçon du passé. Généralement, ils croient dur comme fer que ce qui arrive aux autres ne peut jamais leur arriver, jusqu’au moment où, ne sachant plus à quel saint se vouer, ils se rendent à l’évidence que les mêmes causes ne peuvent que produire les mêmes effets. Et c’est peu dire. Car, jamais un dirigeant, fût-il dictateur de la pire espèce, ne peut sortir vainqueur d’un bras de fer engagé avec son peuple. Et N’kurunziza peut se convaincre qu’il ne fera pas l’exception ; lui qui, à l’image de Néron, a fini par dresser un bûcher pour son propre pays. Du reste, même les grands empereurs, après des moments de gloire que l’on appelle apogée, ont connu bon gré mal gré leur décadence.  C’est dire que N’kurunziza est aussi sur une pente descendante. Il y a des signes qui ne trompent pas. Car après avoir longtemps surfé sur la fibre ethnique, l’homme est passé à la vitesse supérieure en mettant en place une milice bien entraînée pour casser de l’opposant. Et ce n’est pas tout. Les autorités burundaises ont interdit jusqu’à nouvel ordre toute manifestation publique, promettant même de faire sortir l’artillerie lourde pour faire régner l’ordre. Mais c’était sans compter avec la détermination du peuple qui, ne voulant plus se laisser conter fleurette, est descendu encore massivement dans la rue, hier, pour dénoncer un coup d’Etat.

N’kurunziza doit respecter l’esprit et la lettre des accords d’Arusha

Le Burundi, faut-il le rappeler à N’kurunziza, revient de très loin. Si fait que ce pays dont l’histoire post-coloniale a été marquée par une longue guerre civile sur fond de massacres interethniques, ne veut plus réveiller les vieux démons et aspire profondément à vivre dans la paix. C’est pourquoi N’kurunziza doit respecter l’esprit et la lettre des accords d’Arusha qui lui enjoignent de faire valoir ses droits à la retraite, à la fin de son deuxième mandat en cours. A défaut, il court le risque de se faire chasser comme Blaise Compaoré qui, acculé par la rue, a fini par faire contre mauvaise fortune bon cœur en lâchant le pouvoir. La suite, on la connaît. Car l’homme est  contraint de vivre loin de sa patrie. En tout cas, N’kurunziza a été investi, mais rien ne dit qu’il prendra activement part à la présidentielle prochaine. A moins que celui-ci n’ait fait le choix de l’hécatombe, en réprimant dans le sang toute manif publique, comme ce fut le cas hier, 26 avril où l’on a assisté à ces scènes de violence à travers tout le pays, ayant entraîné officiellement deux morts par balles.  Mais là aussi, il risque de terminer sa carrière politique à la Cour pénale internationale (CPI), en compagnie de son pair africain, Laurent Gbagbo.

Boundi OUOBA