SEMPITERNELLES BAGARRES AU SEIN DU FPI : Faut-il en rire ou en pleurer ?
Plus les jours passent, plus le Front populaire ivoirien (FPI) se donne à un spectacle affreux. Une chose est sûre, avec leurs sempiternelles bagarres, les héritiers de Laurent Gbagbo ont fini par convaincre les plus sceptiques que la rupture est totalement consommée entre eux, eu égard à leur incapacité à laver leur linge sale en famille en recourant à la justice pour régler leurs différends.
Pour autant, les difficultés sont loin d’être aplanies, tant les adversaires déclarés montrent, chacun de son côté, une détermination à ne pas fléchir. Et dans cette guerre fratricide, tous les coups semblent permis.
Le dernier rebondissement en date est l’annonce, par l’aile dure du parti, de l’élection du célèbre prisonnier de la Haye, Laurent Gbagbo, à la présidence du parti, alors qu’une décision de justice avait rejeté cette même candidature fin décembre dernier. Cela dit, on se demande quelle peut être la portée juridique d’une telle élection, quand on sait que par décision de justice, Affi N’guessan détient la légalité de la direction du parti. Et dans les jours où semaines à venir, l’on ne serait pas étonné d’entendre un son de cloche dissonant venant de sa part. C’est à ne rien comprendre de cette cacophonie au sein du plus grand parti d’opposition de Côte d’Ivoire, depuis l’accession d’Alassane Ouattara au pouvoir. Tout cela ne fait ni sérieux ni responsable. Cela frise même le ridicule. On ne sait même pas s’il faut en rire ou en pleurer. Cela d’autant que les dirigeants de ce parti, qui cherchent le pouvoir d’Etat, n’arrivent même à s’entendre. En tout cas, ce n’est pas en se mettant des bâtons dans les roues qu’ils se donnent les meilleures chances de déboulonner ADO du palais de Cocody.
Même si le FPI partait uni à ces élections, ce n’est pas sûr qu’il prenne sa revanche sur ADO
En vérité, le FPI vit un véritable drame intérieur, lié à la perte du pouvoir dans des conditions qu’il n’a pas encore digérées. Mais le plus choquant, c’est que l’on a l’impression aujourd’hui que plutôt que de chercher à s’entendre, les dirigeants du FPI semblent s’être résolument tourné le dos et cherchent chacun à porter l’estocade à son adversaire. Aujourd’hui, il y a deux FPI : la tendance Affi N’guessan constituée de modérés qui montrent des dispositions au dialogue avec le pouvoir en place, et l’aile dure constituée de radicaux pour qui il n’est pas question de composer avec l’ennemi. Ce sont ces derniers qui demandent l’impossible, à savoir la libération de leur mentor comme préalable à toute discussion. Mais en adoptant une telle posture, les jusqu’au-boutistes du FPI apportent de l’eau au moulin de ceux qui pensent que leur objectif est de ne pas prendre part aux élections à venir pour ne pas légitimer le pouvoir d’ADO. C’est la raison pour laquelle ils font feu de tout bois, pour barrer la route à Affi N’guessan qui semble disposé à prendre part à la présidentielle prochaine. C’est pourquoi aussi l’on ne peut s’empêcher de penser qu’en portant Laurent Gbagbo à la tête du parti, l’objectif est sans doute de le porter candidat à la prochaine présidentielle pour couper l’herbe sous les pieds de Pascal Affi N’guessan, tout en sachant qu’en raison de son incarcération, il lui serait impossible de prendre part à la course.
Finalement, l’on a le sentiment que l’adversité qu’ils manifestent envers Affi N’guessan est à la hauteur de la haine qu’ils ont du pouvoir d’ADO. Et c’est ce qui trouble le jeu puisque toutes leurs actions semblent guidées par ce sentiment.
Mais ce serait peine perdue puisque Affi N’guessan a réaffirmé la présence du FPI à la prochaine présidentielle. Et il a la légalité avec lui. Le pouvoir n’a pas besoin de plus que cela. Dans une certaine mesure, que le candidat du parti soit du FPI originel ou pas, cela importe peu. Au demeurant, il n’est pas sûr que le FPI soit le seul parti qui puisse présenter un candidat de poids face à ADO à la présidentielle d’octobre prochain. Il y a les quatre mousquetaires du PDCI qui peuvent tout aussi bien relever le niveau de la compétition.
En tout état de cause, même si le FPI partait uni à ces élections, ce n’est pas sûr qu’il prenne sa revanche sur ADO. C’est peut-être alors une façon d’anticiper les choses pour sauver l’honneur. Toutefois, il y a lieu de croire que tant que ce parti ne fera pas le deuil de sa rancœur contre le régime actuel, il fera tout pour lui pourrir la vie. Même au prix de son implosion.
Pour en revenir à l’élection de Laurent Gbagbo à la tête du parti, l’on se demande en quoi cela fait avancer le parti, si ce n’est qu’à retourner le couteau dans une plaie déjà bien béante. Et Laurent Gbagbo lui-même dans tout ça : que dit-il ?
Outélé KEITA