AFFAIRE PATRICE TALON : Le tango de la justice béninoise

L’affaire Patrice Talon, du nom de ce richissime homme d’affaires béninois accusé de tentative d’empoisonnement du président Boni Yayi, vient de connaître un nouveau rebondissement. En effet, la Cour suprême béninoise vient d’annuler les arrêtés de la Cour d’appel qui avait rendu, en juillet dernier, un non-lieu en faveur des 6 personnes impliquées et détenues dans cette affaire. Elle estime que les juges de la Cour d’appel ont violé la loi, pour avoir appliqué des articles de l’ancien code de procédure pénal, au lieu de ceux du nouveau code qui venait juste d’entrer en vigueur. C’est dire que le feuilleton politico-judiciaire est loin de se terminer.

Les Béninois ont hâte de connaître les tenants et les aboutissants de cette affaire

En tout cas, cette affaire n’a pas encore livré tous ses secrets, car cette nouvelle décision n’est ni plus ni moins qu’un retour à la case départ, en ce sens que tous les dossiers doivent à présent être réexaminés. Cette décision serait-elle une manœuvre du pouvoir en place pour prolonger le séjour des accusés en prison ? Visiblement, le pouvoir de Boni Yayi ne veut pas lâcher prise. Il tient, selon toute apparence, à avoir la peau de Patrice Talon par ses co-accusés interposés, et ce, en dépit du fait que la Cour d’appel de Paris avait refusé de l’extrader au Bénin en décembre 2013. Avec ce tango de la Justice béninoise, va-t-on connaître la vérité un jour sur cette affaire? Espérons-le. En tous les cas, la Justice béninoise joue sa crédibilité. Il ne fait pas de doute que les Béninois ont hâte de connaître les tenants et les aboutissants de cette affaire. Mais seule la vérité permettra de savoir ce qui s’est réellement passé entre Boni Yayi et son ancien compagnon. Certes, le camp du pouvoir soutient mordicus que l’homme d’affaires est coupable des faits à lui reprochés. Mais pour les avocats de celui-ci, c’est une manœuvre savamment orchestrée par le camp de Boni Yayi pour nuire à Patrice Talon. Qui croire ? Pour leurs intérêts personnels, des hommes d’affaires sont capables du meilleur comme du pire, d’où la nécessité d’observer une certaine prudence. S’il est difficile d’affirmer que Patrice Talon est blanc comme neige dans cette affaire, il est tout aussi difficile de prendre la version du pouvoir pour parole d’évangile. Du reste, l’histoire nous enseigne que nombre de régimes en Afrique ont usé à maintes reprises de « complotites » pour éloigner ou réduire au silence des personnages gênants. Et le fait que la Justice béninoise tarde à élucider cette affaire laisse plus d’une personne perplexe.

Il urge que la Justice béninoise trouve une solution définitive à cette affaire

En tout état de cause, cette affaire risque d’empoisonner davantage le climat sociopolitique et institutionnel au Bénin. On sait déjà que le juge qui avait en charge le dossier a pris la poudre d’escampette et s’est retrouvé aux Etats-Unis, parce qu’il faisait l’objet, avait-il dit, de diverses menaces pour avoir rendu une décision non favorable au pouvoir en place. Et cette décision de la Cour suprême qui va à l’encontre de celle rendue par la Cour d’appel, risque de susciter un bras de fer entre les deux institutions judiciaires. Toute chose qui pourrait mettre à mal le bon fonctionnement de la Justice béninoise.
Le mandat de Boni Yayi doit prendre fin bientôt, en 2016, et il serait mieux, pour lui, qu’il travaille à quitter les affaires dans un climat beaucoup plus sain et apaisé. En tout cas, il urge que la Justice béninoise trouve une solution définitive à cette affaire qui divise magistrats et avocats, pour enfin passer à autre chose. Mais surtout, qu’elle fasse preuve d’indépendance et de lucidité dans cette affaire qui ternit de jour en jour son image.

Dabadi ZOUMBARA