HomeLe fait du jourRASSEMBLEMENT POPULAIRE CONTRE LE REFERENDUM : Pari réussi pour l’opposition

RASSEMBLEMENT POPULAIRE CONTRE LE REFERENDUM : Pari réussi pour l’opposition


La campagne contre le référendum, initiée par l’Opposition politique, a été lancée le samedi 31 mai 2014 à Ouagadougou. Le lancement officiel de cette campagne a été marqué par un rassemblement populaire au stade du 4-Août, qui a connu la participation de nombreux militants et sympathisants opposés au référendum. Sur la mobilisation autour de l’évènement, le Chef de file de l’opposition politique (CFOP), Zéphirin Diabré, a affirmé que « le stade a été rempli recto verso et que le débat est clos ». Constat et temps forts de la manifestation.

C’est parti, depuis le 31 mai, pour la campagne contre le référendum initiée par l’opposition politique. A l’occasion du lancement officiel de cette campagne, des milliers de personnes ont effectué le déplacement au stade du 4-Août pour participer au rassemblement populaire. A notre arrivée sur place aux environs de 8h, difficile d’avoir rapidement accès à la cuvette du stade. Les fouilles et contrôles à l’entrée par les agents des forces de sécurité étaient très minutieux, ce qui ralentissait l’avancée des files de rangs à de nombreux endroits. A l’intérieur, plusieurs militants avaient déjà pris d’assaut les gradins et des artistes se succédaient sur le podium d’animation musicale pour tenir en haleine le public en attendant le début de la cérémonie. Pendant ce temps, les militants continuaient d’affluer. Pour faciliter l’entrée, les organisateurs multiplient les appels en direction des responsables chargés de la sécurité. A 9h 30mn, un groupe de personnes en situation de handicap fit son entrée et salua le public. Ce groupe a été accueilli par le président du comité d’organisation, Ablassé Ouédraogo. Sept minutes plus tard, ce sont les leaders du mouvement Le Balai citoyen, Sam’s K Le Jah et Smokey, qui montent au créneau. « Nous sommes au stade du 4-Août et le 4 août nous rappelle la Révolution », soutient en substance Sam’s K Le Jah qui ajoute qu’une révolution contre le référendum va démarrer à partir du stade du 4-Août. « Nous n’allons pas tolérer une seconde de plus, une minute de plus, une heure de plus à cette forfaiture qui est en train de se déployer pour la modification de l’article 37 », renchérit Smokey. Pour dénoncer la modification de l’article 37, les deux artistes engagés ont annoncé une série de concerts que leur mouvement (Le Balai citoyen) organisera à Ouagadougou et à Bobo-Dioulasso. Ils seront soutenus dans leur tournée par les artistes du mouvement « Y en a marre » du Sénégal. A 10h, les leaders des partis de l’opposition dont Saran Séré Sérémé, Arba Diallo, Roch Marc Christian Kaboré, Bénéwendé Stanislas Sankara, Tahirou Barry, firent leur entrée. Ces leaders, conduits par le Chef de file de l’opposition politique (CFOP), Zéphirin Diabré, sillonnent les différents coins de la cuvette du stade pour prendre un bain de foule avant de rejoindre la tribune officielle. Dans cette tribune avaient déjà pris place d’autres leaders de l’opposition comme Simon Compaoré, Salif Diallo, le Larlé Naaba Tigré. Non loin de là, à côté de la tribune de presse, une forte présence des chefs coutumiers était visible. 10h 10mn : fin de l’installation des leaders de l’opposition et des invités. La cérémonie pouvait enfin débuter par l’exécution de l’hymne national. Aussitôt après, Zéphirin Diabré (Zeph) engage des pas de course en direction du podium. Une fois monté sur le créneau, il revient sur la mort du juge Salifou Nébié sur la route de Saponé. « Notre rassemblement se tient quelques jours après le décès brutal du juge constitutionnel, Salif Nébié, victime d’un crime crapuleux, dans des circonstances non encore élucidées. Il faisait partie du collège qui doit nous départager dans le débat sur la révision de l’article 37 et sur le référendum. Sa disparition en ce moment même où le débat sur l’article 37 de la Constitution gagne en notoriété interpelle donc fortement la communauté nationale et internationale. C’est pour cela que l’opposition exige que l’enquête sur sa mort soit bouclée immédiatement et que les auteurs du crime odieux soient punis à la hauteur de leur forfait », a justifié Zeph, interrompu par les cris de cœur de la foule qui réclame aussi justice : « Justice, justice pour Salif Nébié ». Une minute de silence a été observée en mémoire du juge Nébié et du Pr Ali Lankoandé, ancien leader de l’opposition dont Zéphirin Diabré est revenu également sur le décès. A la suite de ces annonces nécrologiques, Zéphirin Diabré retourne à sa place, toujours au pas de course. Quelques instants après, juste le temps que Dick Marcus n’entonne une chanson, le président du comité d’organisation, Ablassé Ouédraogo, prit la parole. Il est 10h 30mn. Il se réjouit de la mobilisation constatée qui a été, selon lui, à la « hauteur des attentes ». Il scande, par la suite, les trois messages forts de la lutte de l’opposition : « Non au référendum ; Non à la modification de l’article 37 ; Non au pouvoir à vie ». De même, le président du parti Le Faso Autrement a lancé un appel à contribution pour aider, dit-il, le CFOP à exécuter les sept grands chantiers qu’il s’est donné le défi de réaliser. L’artiste Humanist qui a succédé à Ablassé Ouédraogo à la tribune pour sa prestation dévoile, quant à lui, qu’il ne pouvait en aucun cas manquer ce jour pour chanter « Non au référendum ».

A 10h 45mn, le président du PDS/Metba, Arba Diallo, monte à son tour au créneau. « En vous voyant ce matin dans ce stade et, comme dirait l’autre, rempli recto verso, on voit bien qu’il y a dans notre pays des gens pour lesquels la parole donnée et l’honneur ont encore un sens. Vous êtes des gens que l’on ne peut pas acheter, que ce soit avec des crédits pour le secteur informel, des promesses de crédits pour les femmes ou des permis de conduire. Vous êtes des gens pour lesquels le Burkina Faso ne peut s’identifier à un seul homme, à une seule famille, à un seul clan. Bien sûr, il y a toujours ces politiciens toujours en retard d’un combat et qui courent à la soupe quand la table est désormais desservie. Ils se réclament tantôt de l’opposition, tantôt du centre, tantôt d’un Front prétendu républicain. La vérité, c’est qu’ils ne croient plus en rien, c’est que personne ne prend au sérieux ces girouettes, leurs militants sont ici d’ailleurs. La vérité est que leur seul objectif est de se rapprocher du pouvoir pour en recueillir rapidement quelques miettes avant qu’il ne soit trop tard ». Et Arba Diallo de poursuivre son message par un cours d’histoire : « Il y a 30 ans, c’était la Révolution et avec le capitaine Thomas Sankara ; nous nous retrouvions dans ce stade pour dénoncer l’impérialisme extérieur et tous ses valets locaux. Aujourd’hui, c’est un autre impérialisme intérieur, cette fois, qui veut nous imposer coûte que coûte ses décisions populaires, ses procédures populistes abusivement baptisées démocratiques. Mais comme l’autre impérialisme, il pense que ce qui est bon pour lui est bon pour le Burkina Faso. D’abord, il est venu avec le Sénat, nous lui avons dit : non, pas de Sénat. Il est revenu avec l’article 37, nous lui avons dit non. Maintenant il veut un référendum et crie partout le peuple, le peuple. Nous lui répondons, pas de référendum, tu ne t’occupes du peuple que pour tes campagnes électorales. Laisse-le tranquille ; pas de référendum ». Celui qui est présenté comme « le sage, le doyen » des leaders de l’opposition s’interroge par la suite : « Pourquoi un référendum ? Pour permettre au président Compaoré qui est président depuis 27 ans d’être encore candidat en 2015 ? Et pourtant, depuis 2000, après l’assassinat de Norbert Zongo et de ses compagnons à Sapouy, la Constitution n’autorise qu’un mandat de 5 ans renouvelable une seule fois. Donc comme cela, un président peut organiser un référendum pour changer ce qui lui plaît dans la Constitution ou seulement parce qu’un parti le lui a demandé ? Et son serment de défendre et de respecter la Constitution ? Oublié. Et le vote unanime de l’Assemblée nationale en 2000 ? Oublié. Et le travail du Collège de sages ? Oublié. Mobilisons toutes les forces patriotiques de notre pays pour défendre notre Constitution et notre démocratie. Plus que jamais, rappelons-nous ce que disait Pr Joseph Ki-Zerbo : « Nan Laara, an saara ! » Camarades, ce que je vous demande, c’est de vous tenir debout et nous allons dire au président Compaoré, carton rouge », lance Arba Diallo à l’endroit des militants, brandissant le carton rouge en main. Le président de l’UNIR /PS, Bénéwendé Stanislas Sankara, qui a emboîté le pas au « doyen » Arba, ne veut non plus entendre parler de référendum, ni de Sénat. Pour lui, l’unité dans la diversité de tous les acteurs s’impose pour relever le défi. Le jeu en vaut la chandelle car, explique-t-il, « il s’agit de la lutte finale. Nous sommes dans ce stade en bons sportifs pour avertir ceux qui veulent nous divertir. Le point de départ de ce matin augure des lendemains de combats décisifs à travers villages, villes, dans tous les hameaux et contrées. Nous allons réaliser l’alternance car dans mon parti, nous disons : pas un seul pas sans le peuple. L’opposition a choisi de faire chaque pas avec son peuple. C’est la seule façon de réussir l’alternance ». Après lui, c’est le président du Mouvement du peuple pour le progrès (MPP) qui est annoncé pour son message. Pour se rendre au podium, Roch Marc Christian Kaboré est suivi, telle une escorte, par quelques chefs coutumiers. Tous les autres « bonnets rouges » assis devant la loge officielle se lèvent pour l’ovationner. Du reste, il a commencé par délivrer son message en rendant hommage à la chefferie coutumière et autres couches sociales. « Votre mobilisation de ce jour témoigne de votre engagement et de votre détermination à vous battre pour barrer la route à la modification de l’article 37, à la mise en place du Sénat et à la parodie du référendum. Nous devons rester mobilisés, nous devons, dans nos villages et secteurs, œuvrer à ce que notre message soit entendu et suivi par des millions de Burkinabè. Nous disons qu’il n’y aura pas de référendum au Burkina Faso. Ce n’est pas nous qui chassons Blaise Compaoré ; c’est la Constitution qui exige son départ. Nous voulons le respect de la Constitution. Préparons-nous au combat pour l’alternance dans l’unité et l’engagement pour une victoire qui est certaine », se convainc le patron du MPP. Par ailleurs, Roch a évoqué des problèmes d’actualité auxquels restent confrontées les populations : « Nous sommes à Ouagadougou ; il y a des problèmes d’eau et d’électricité. Il n’y a pas d’argent pour résoudre ces problèmes, mais il y en a pour organiser un référendum. Nous ne pouvons pas accepter cela. Nous disons et le répétons qu’il n’y aura ni Sénat ni référendum. Certains ont fait des sorties pour dire que, « tchogo tchogo », le référendum aura lieu. Qu’il se tienne et l’on verra ce que cela va donner ».

La série des interventions a été bouclée par Zéphirin Diabré. «  Nous avons réussi notre pari malgré toutes les manœuvres de sabotage. Nous nous sommes rassemblés ici ce matin parce que nous pensons qu’un référendum sur la révision de l’article 37 est inutile et dangereux. Il est inutile parce que le peuple a déjà dit ce qu’il voulait et dangereux parce qu’il divise les Burkinabè. Nous ne voulons pas un mandat présidentiel illimité car le Burkina Faso n’est pas un royaume. C’est une République où les hommes passent et les institutions demeurent », martèle le CFOP. Et Zeph d’ajouter que l’opposition n’est qu’à la phase de dissuasion dans sa lutte. Si cette étape ne donne pas les résultats escomptés, l’opposition passera, à l’en croire, à une autre étape en utilisant les moyens légaux possibles pour faire barrage à l’organisation du référendum. Pour ce faire, il a annoncé « ici et maintenant », le mot d’ordre de la mise en place de Comités contre le référendum (CCR) dans chaque village, secteur, commune, province, entreprise, établissement secondaire ou supérieur, service et dans chaque pays d’accueil pour la diaspora. Ces CCR constituent, selon lui, « le fer de lance de leur combat démocratique ». Pour relever le défi, il a appelé à l’union sacrée des acteurs politiques et de la société civile: « Notre détermination est totale. Il n’y aura ni Sénat, ni référendum, ni révision de l’article 37 de la Constitution », a déclaré Zéphirin Diabré à la fin du rassemblement populaire, sous un soleil de plomb, aux environs de 12h. Rendez-vous a été pris pour Bobo-Dioulasso où il est prévu un 2e rassemblement au stade Sangoulé Lamizana, le samedi 14 juin.

Saïdou ZOROME, Issa SIGUIRE, Thierry SOU

 

 


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