AN I DE LA MORT D’ALBERT EBOSSE : Veut-on empêcher le cadavre de livrer ses secrets ?
Il s’appelait Albert Ebossé. Ceux qui l’ont vu sur le terrain savaient que ce jeune Camerounais était promis à une belle carrière footballistique, tant il était pétri de talent. Malheureusement, il a trouvé la mort, le 23 août 2014, lors d’un match de championnat à Tizi Ouzou, en Algérie. Un an après, la Justice n’a jamais révélé les résultats de l’enquête ouverte sur la mort de ce joueur. On a plutôt eu droit à une passe d’armes entre le médecin légiste de l’hôpital de Tizi Ouzou, qui attestait qu’Albert Ebossé avait été tué par un objet tranchant et contondant lancé à partir des tribunes, et son homologue camerounais qui estimait que tout était mis en œuvre pour « maquiller un meurtre ». En tout cas, tout se passe comme si l’on voulait, à tout prix, empêcher le cadavre de livrer ses secrets. Car, on se rappelle qu’en décembre dernier, le ministre algérien de la Justice déclarait à qui voulait l’entendre, que le dossier Ebossé avait été confié à un juge d’instruction. Mais plus rien, depuis lors. Et comme pour ne rien arranger, le club algérien dans lequel évoluait Ebossé, la JS Kabylie, s’est empressé de remettre la bagatelle de 100 000 dollars à la famille éplorée ; comme si l’argent pouvait compenser la vie d’un être humain. Cette attitude suspecte, et pour le moins indécente, traduit un mépris souverain vis-à-vis des proches de l’infortuné. Ce d’autant plus que le ministre algérien des Sports avait lui-même déclaré tout de go que la thèse de l’acte prémédité était à écarter, alors même que l’enquête n’était pas terminée.
L’Algérie joue sa crédibilité
C’est dire qu’il n’y a aucune lisibilité dans l’enquête ouverte sur la mort du joueur camerounais. Car, on ne sait pas qui est ministre et qui est juge d’instruction. Tous, dans le cas d’espèce, semblent avoir la même vocation et ce, nonobstant le sacro-saint principe de la séparation des pouvoirs qui consacre l’indépendance de l’appareil judicaire. Dans ces conditions, comment ne pas donner raison à ceux qui pensent que la mort d’Albert Ebossé n’est plus ni moins que le résultat d’un acte raciste ? Surtout quand on sait que les supporters de la JS Kabylie ont, naguère, obtenu la levée des sanctions qui pesaient sur leur club, avant même que justice ne soit rendue à la victime. Que se serait-il passé si, (touchons du bois) en lieu et place d’Albert Ebossé, c’était un joueur algérien qui était ainsi envoyé ad patres dans un stade camerounais ? La réponse est évidente. Car, l’Algérie, on le sait, se serait montrée intraitable au point qu’il ne viendrait à l’esprit d’aucun joueur camerounais de fouler le sol algérien au risque de se faire lyncher. Ce manque de fair-play, on l’a vu d’ailleurs avec le Onze national du Burkina Faso, qui, pas plus tard que l’année dernière, a livré un match sous une pluie de projectiles en Algérie, on ne sait trop pour quelle raison. Et on peut multiplier les exemples, tant ils sont nombreux. En tout cas, l’Algérie, dans l’affaire Ebossé, joue sa crédibilité. Elle a intérêt à ce que la lumière soit faite sur ce crime, si tant est qu’elle veuille faire mentir tous ceux qui accréditent la thèse d’un acte prémédité sur fond de racisme. Du reste, on croyait que le président de la Confédération africaine de football (CAF), étant lui-même camerounais, s’impliquerait personnellement pour que justice soit rendue à son compatriote. Seulement voilà ! Le président de la Fédération algérienne de football est son ami. C’est donc ceci qui pourrait expliquer cela.
Boundi OUOBA