SACCAGE DE VILLAGES PAR BOKO HARAM Y a-t-il encore un Etat au Nigeria ?
En sonnant la mobilisation internationale, et en promettant à son peuple « une guerre totale » contre Boko Haram, le président nigérian, Goodluck Jonathan, tient, à travers des discours martiaux, à montrer que face à la secte terroriste, « l’Etat fédéral » ne s’avoue pas vaincu. En d’autres termes, que cet Etat est capable d’assurer aux citoyens du Nigeria, la sécurité, une vie libre et digne.
Décréter la « guerre totale » ne suffit pas à vaincre Boko Haram
Et pourtant, avant-hier, les combattants de Boko Haram ont attaqué et incendié trois villages du Nord-Est du Nigeria, dans l’Etat de Borno, faisant une cinquantaine de morts. Rappelons que la liste macabre des victimes de la secte terroriste ne cesse de s’allonger : 2000 personnes tuées depuis le début de 2014. Comme quoi, décréter la « guerre totale » ne suffit pas à vaincre Boko Haram. A travers l’intensification de ses attaques, la secte renvoie et réduit les autorités nigérianes à l’incantation et à l’impuissance politique. Et nul signe plus frappant d’une telle impuissance que l’enlèvement spectaculaire de plus de 200 jeunes filles à Chibok, et dont les familles continuent de vivre dans une angoisse sans fin.
Comme si, désormais, tout le Nigeria est livré au bon plaisir de la haine et de la terreur aveugle de Boko Haram. Dans un tel contexte de psychose et de peur généralisée, deux redoutables questions méritent, inéluctablement d’être posées : qui représente et dirige réellement l’Etat fédéral nigérian ? En d’autres termes, existe-t-il encore un Etat au Nigeria ? Ou encore, le Nigeria est-il encore un Etat ?
Evidemment, on ne voit pas les mesures que prennent les autorités nigérianes pour atténuer, de manière efficace, les souffrances du peuple nigérian. Et leur passivité explique aisément, aujourd’hui, l’inexistence de l’Etat. Souvenons-nous que, durant les décennies sombres de lutte contre les islamistes du FIS et des GIA, l’Etat algérien avait tenu bon, il n’avait pas sombré.
L’Etat fédéral doit relever la tête
En effet, l’un des enjeux majeurs de la guerre contre Boko Haram, reste la question de l’organisation intérieure de l’Etat fédéral nigérian, en tant que tel. Or, face à l’entreprise totalitaire d’avilissement et d’asservissement de chaque citoyen nigérian par la secte terroriste, on ne voit pas du tout, autour du président Goodluck Jonathan, l’union sacrée de tous les Nigérians. Pire, il se retrouve, face à Boko Haram, dans une extrême solitude politique.
Pourtant, il faudra bien apporter un réconfort moral et politique au peuple nigérian, à défaut de vaincre militairement Boko Haram. Cela dit, les autorités fédérales, malgré la faillite des corps de l’Etat face à la secte terroriste, ne doivent, en aucun cas, céder au renoncement. Bien au contraire, en faisant renaître le sens de la chose publique, en montrant aux Nigérians que dans ce combat, la religion n’est qu’un instrument de propagande dans la stratégie de domination totalitaire de Boko Haram, les autorités nigérianes pourront redonner espoir et confiance à leur peuple. Quoi qu’il en soit, malgré sa fuite en avant destructrice, Boko Haram ne réussira pas à éradiquer l’humanité chez ses victimes.
Oui, l’Etat fédéral nigérian se retrouve affaibli, impuissant face aux attaques intensives de la secte terroriste. Mais Dieu merci, l’Etat fédéral n’est pas encore vaincu : il peut relever la tête, il doit la relever, afin de « gagner » cette « guerre d’épuisement ». Décidément, avec Boko Haram, personne n’est en mesure d’établir rationnellement, comment des individus ordinaires deviennent soudainement de fanatiques cavaliers de l’apocalypse.
Abdoulaye BARRO