MONNAYAGE DE PLACES DANS LES ETABLISSEMENTS PUBLICS DE L’ETAT : Un commerce florissant à Banfora
C’est un secret de Polichinelle : le monnayage de place dans les établissements publics de l’Etat a pion sur rue au Burkina Faso. A Banfora, la pratique n’émeut plus personne. Pire, elle prend de l’ampleur au point que l’on se demande si elle n’est pas devenue légale. Pour cette rentrée scolaire 2015-2016, les «monnayeurs» de place ont monté les enchères dans la cité du Paysan Noir. Entre 40 000 et 65 000 F CFA, c’est le montant qu’il faut désormais débourser pour obtenir une place. Soixante douze (72) heures d’immersion dans cet univers nous ont permis de mesurer l’ampleur de la pratique.
Le monnayage des places est devenu une pratique courante à Banfora. Dans la cité du Paysan Noir et chef-lieu de la région des Cascades, ce qui se passe dans certains établissements publics semble ne même plus émouvoir personne.
Chaque année, et ce depuis 2005, les places attribuées de droit aux enseignants, sont monnayées par certains
d’entre eux à des prix allant de 15 000 à 30 000 F CFA l’unité. La pratique a atteint des proportions inquiétantes, ces dernières années. En effet, au cours des 2 premières années de mise en œuvre du Continuum éducatif, les montants varient de 40 000 à 65 000 F CFA. La transaction s’effectue entre les enseignants affairistes et des parents d’élèves visiblement désemparés. Le phénomène date de plus d’une décennie dans cette ville frontalière du Burkina.
Au regard du montant réclamé, et du silence des autorités en charge de l’enseignement secondaire, nombreux sont ceux qui sont conscients que la pratique est illégale. Le caractère illégal de l’opération ne décourage pas pour autant les parents d’élèves. Sans hésiter, la plupart d’entre eux acceptent de payer les différents montants pour obtenir une place au secondaire pour leur progéniture. Surtout lorsque l’élève n’a pas réussi à son concours d’entrée en 6e ou en seconde, ou lorsqu’il est exclu d’un établissement. « C’est un sacrifice que nous acceptons volontiers puisqu’une fois la place acquise, il ne nous reste plus que les frais de cotisation APE à payer. Or, généralement, ils ne dépassent guère 15 000 F CFA l’an à payer, et cela durant tout le cycle », confesse un parent d’élève ayant requis l’anonymat. Un autre de renchérir : « En 2009, la place qui était monnayée à 20 000 F est passée à 30 000 F CFA en 2012 avant d’atteindre 40 000 F et 65 000 selon la spécificité de la classe. Il n’est plus possible de trouver une place à moins de 40 000 F CFA de nos jours ».
Les vacances, propices à la démarche
La pratique étant bien connue, les démarches sont entreprises dès les grandes vacances par les demandeurs de places. La période est, en effet, propice à ce genre de « deal ». Le montant connu, il faut attendre le 15 septembre, date de la rentrée administrative, pour entrer en possession du « précieux sésame ». C’est à ce moment que les bons d’inscription sont délivrés aux enseignants par le chef de l’établissement. Selon certaines indiscrétions, ces bons sont reconnus par des textes ministériels qui indiquent toujours que chaque agent d’un établissement public de l’Etat, a droit à deux places dans l’établissement pour la scolarisation de ses enfants. Sauf que tous les bénéficiaires ne sont pas forcément des parents. Ne pouvant donc pas occuper les places, certains n’hésitent pas à les vendre. « Jusqu’au mois de novembre de chaque année, des places sont toujours disponibles. Pour en acquérir, il suffit d’entrer en contact avec « les petits » de chefs d’établissement impliqués. Entendez par-là les démarcheurs chargés de décrocher le bon », révèle un citoyen.
Des témoignages accablants
La pratique perdure en raison de l’omerta qui règne dans le milieu. Certains témoignages sont tout de même accablants. Assis sur un morceau de bois devant un établissement secondaire public de Banfora, le 5 octobre 2015, N. S. fait le pied de grue. En réponse à notre question de savoir ce qu’il fait là, il dit être dans l’attente d’un agent chargé de lui remettre un bon. Le fameux bon qui lui permettra de payer les frais d’inscription à l’intendance. «Pour avoir ce bon, j’ai remis à l’intéressé la somme de 40 000 F CFA il y a plus d’une semaine. Présentement, je l’attends ici, comme il me l’a recommandé, pour récupérer le bon », souligne-t-il.
En revanche, S.T., un autre parent, avoue avoir plus de soucis. A l’en croire, deux situations se présentent à lui : d’abord, trouver une place en sixième pour son garçon qui s’est fait renvoyer l’année passée de son école. Ensuite dénicher une autre aussi pour sa fille qui vient de décrocher le Certificat d’études primaires (CEP). L’homme affirme avoir versé 80 000 F CFA à un professeur qui l’a rassuré qu’il n’y aurait pas de problème. Il lui reviendrait dès qu’il sera en possession de ses bons.
Ces bons sont en fait un papillon délivré par le responsable de l’établissement, notamment le proviseur. L’acceptation des frais de scolarité est donc subordonnée à la présentation de ce papillon. A l’instar des deux parents d’élèves cités précédemment, ils sont nombreux à confesser avoir recouru au « système » pour permettre à leurs enfants de poursuivre leur scolarité. A en juger par les propos des uns et des autres, le monnayage de places prend de l’ampleur et constitue un deal florissant pour ceux qui s’adonnent à cette pratique. « Il est même bénéfique », se convainc un parent d’élève. Pour ce dernier, cette pratique arrange ceux qui n’ont pas de moyens. « Chacun souhaite que son enfant fréquente un établissement public de l’Etat. Car, une fois la place acquise et les 15 500 F CFA payés comme scolarité pour cette première année ; les années suivantes, le parent n’a plus que la cotisation APE à payer ; jusqu’à ce que son enfant atteigne la classe de 3e ou la Terminale, avec pour lui la possibilité de redoubler une classe ». Un agent d’un établissement public d’enseignement secondaire de la cité du Paysan Noir qui a, lui aussi, requis l’anonymat confie que le monnayage de place leur permet de se tirer souvent d’affaire. « Il y a deux ans, compte tenu d’une nouvelle situation professionnelle que je devais avoir et qu’on savait difficile à l’avance, j’ai bénéficié de 5 places par la grâce d’un chef d’établissement. En son temps, j’ai pu faire occuper ces places contre de l’argent. Ce n’est pas légal, certes, mais la somme que j’ai perçue, m’a beaucoup aidé à l’époque. Vous savez qu’il n’y a que ça qui puisse permettre à l’enseignant d’avoir des ressources en dehors de son salaire », avance-t-il.
« Chacun répondra de ses actes »
Face à cette pratique, des parents n’hésitent pas à faire le jeu des enseignants qui ont des places à monnayer. Tout se passe comme si l’activité était légale. Et dire que les bénéficiaires légaux des bons ignorent que la pratique est illégale relève de la pire cécité intellectuelle. A preuve, le Directeur régional des Enseignements secondaire et supérieur (DRESS) des Cascades, Cyrille Bayala, dit être informé de la pratique. Il précise que des sanctions seront prises à l’encontre de ceux qui seront pris dans la nasse. « L’opinion publique l’a maintes fois décriée, et la question a même été évoquée au cours de l’une de nos dernières Conférences annuelles des enseignants du secondaire (CAES). C’est dommage que des parents soient obligés de payer pour une œuvre sociale qu’est l’Education et la formation de leurs enfants. Il faut aussi reconnaître que les professeurs ont le droit, et cela est consacré par des textes, d’inscrire deux enfants par an dans l’établissement dans lequel ils enseignent », soutient M. Bayala. Et d’ajouter que c’est à partir de cette disposition, que la pratique a pu voir le jour. «Sans vouloir m’ériger en avocat-défenseur, je dirais que de plus en plus, le personnel enseignant est jeune, et très souvent ils n’ont pas d’enfant en âge d’aller au secondaire. Cependant, ils tiennent coûte que coûte à faire occuper les places qui leur reviennent de droit. Est-ce cela qui les contraint à «vendre» lesdites places ? Sans doute », avance le DR qui prévient : « Mais en tout état de cause, c’est une pratique illégale ; et tel que le ministre nous l’a instruit lors de la CAES, j’ai prévenu les agents que celui qui sera pris, répondra de son acte » !
Mamoudou TRAORE
Le Continuum éducatif a-t-il contribué à faire monter les enchères ?
Certains acteurs du système éducatif burkinabé n’hésitent pas à établir un lien entre la mise en œuvre du Continuum éducatif et cette flambée des prix des places. En effet, à travers le continuum, de nouveaux concepts, tel le post-primaire qui regroupe les classes de la 6e à la 3e, ont fait leur apparition. Ces classes sont, dans le cadre de cette nouvelle disposition, gérées par les autorités déconcentrées du ministère de l’Education nationale et de l’Alphabétisation (MENA). Ce qui, de l’avis des observateurs, réduit considérablement la marge de manœuvre des acteurs du secondaire. En effet, avec cette politique que les parents saluent en dépit de ses insuffisances, au moins 50% des admis au CEP sont absorbés en 6e. Dans la ville de Banfora, les trois établissements publics de l’Etat n’ont pu absorber que 603 admis à l’entrée en sixième sur les 1831 élèves admis en 6e pour la session de 2015. A l’issue des travaux de la commission d’affectation, 222 élèves n’avaient pas été affectés. Il a fallu attendre jusqu’au 12 octobre 2015 pour qu’on leur trouve de la place dans des sites de fortune. Du coup, on en arrive à se demander ce que deviendront les salles qui accueillaient les élèves de 6e avant la mise en œuvre du Continuum ? Une chose est sûre : le Continuum qui devrait, en principe, être une aubaine pour les parents d’élèves semble avoir aggravé la situation. Avec sa mise en œuvre, l’Etat a désormais la charge de trouver une place aux enfants. Malheureusement, celui-ci, en raison d’une insuffisance criarde des infrastructures scolaires, n’arrive pas à absorber l’ensemble des élèves qui sont admis au concours d’entrée en 6e. Seulement, 8 salles de classes ont été construites au cours de l’année scolaire 2014-2015 ! Des locaux ont été empruntés, des écoles primaires ont dû abandonner leur 7e classe que la DPENA/Comoé a transformée en CEG.
Malgré tout, le problème de place persiste. D’où cette surenchère de la vente des places. Selon nos sources, chaque année, une fois les cours démarrés, alors qu’on espère ne jamais dépasser les 70 élèves par classe, l’effectif enregistré s’élève à 100 élèves et parfois plus.
La réaction de la coalition Education Pour Tous (EPT)
Sintchor Albert Traoré, Conseiller Pédagogique Itinérant, par ailleurs président de la coalition régionale EPT des Cascades, sans détour aucun, affirme que sa structure vient juste d’apprendre que le monnayage des places dans les établissements publics de l’Etat existe malheureusement dans la région des Cascades. Cependant, reconnaît-il, ils n’ont pas encore pu œuvrer à vérifier et à travailler contre cette pratique. «Mais pour sûr, nous condamnons fermement le monnayage des places qui est aux antipodes de nos missions et des objectifs que nous poursuivons », soutient M. Traoré. Et notre interlocuteur d’indiquer que « la coalition œuvre non seulement pour une Education de qualité, mais aussi pour l’accès à l’Education pour tous les enfants et même pour les adultes. Partant, il nous est difficile d’admettre que les parents qui se saignent pour assurer le minimum à leurs enfants, vus les difficultés auxquelles la communauté éducative est confrontée, soient encore victimes de spéculateurs qui n’ont d’autres desseins que de freiner l’accès à l’Education pour tous. Pour nous, ceux qui s’adonnent à cette surenchère, sont nos premiers ennemis. Car, ils rament à contre-courant de nos actions. Au niveau de la coalition EPT des Cascades, nous pensons que c’est l’existence de plusieurs départements en charge de la gestion de l’Eduction au Burkina qui favorise peut-être cette pratique. Les uns pensent qu’ils ne doivent pas rester solidaires des autres, et se disent par conséquent autorisés à la mener. Or l’Eduction, de notre point de vue, est un tout qui se tient. C’est pourquoi, de notre avis, un seul ministère pourrait mieux gérer la question. Cela pourrait prendre encore plus de temps avant de se réaliser, mais dans l’immédiat, nous allons inviter les parents d’élèves, l’ensemble des citoyens et des éducateurs honnêtes, à dénoncer cette pratique et à poursuivre ceux qui l’utilisent pour s’enrichir ».
Sessouma Ali, SG de la coordination F/SYNTER de la région des Cascades
« Nous constatons comme tout le monde que cette pratique existe. Il est de tradition qu’à la rentrée, les gens dans la recherche des places, se voient faire des propositions, du genre la place contre de l’argent, pour pouvoir inscrire leurs enfants. Comme je le dis, nous constatons comme tout le monde. En tant que défenseur et promoteur d’une Education de qualité, et du point de vue du syndicat, si l’on se réfère aux textes, nous disons que cette pratique telle que nous la vivons aujourd’hui, n’est pas réglementaire. Les inscriptions de droit sont des inscriptions qui peuvent se faire lorsque l’élève que l’on veut inscrire est sous tutelle. Ce qui voudrait dire qu’il vous est confié, et qu’il vit sous votre toit. L’élève peut aussi être la progéniture directe de celui qui l’inscrit. Dans tous les deux cas, lorsque la place doit être accordée, nous pensons qu’il faut aller à une identification complète de l’élève pour avoir la preuve qu’il est sous la tutelle de celui qui l’inscrit, ou qu’il s’agit de l’enfant biologique de celui-ci. Mais, il se trouve que c’est devenu une pratique commerciale qui est soutenue par une logique : c’est ce qui n’est pas bien qui est devenu la norme. Une chose est sûre : beaucoup d’inscriptions se font sur la base de l’argent, et aujourd’hui les gens voient mal qu’on veuille s’ériger contre cela. Mais tout cela n’est valable que sur le plan réglementaire. Parce que c’est clair aujourd’hui, que si vous demandez aux professeurs de prendre des enfants qui ne sont pas leurs protégés, et ce sans argent, ils vous diront clairement qu’ils n’ont pas de place ».
Alma Gildas Hié, représentant du secteur du SNESS
« Nous sommes au courant de la situation puisque nous vivons les réalités du milieu. C’est vrai que cette affaire de monnayage des places est une question embarrassante, d’autant plus qu’elle a été abordée pendant les CAESS passées. Des plaintes, il y en a beaucoup, et de plus en plus l’opinion publique s’élève contre cette pratique qui n’est pas du tout bonne. De nos jours, nous assistons à une montée des enchères par rapport aux places ; et en tant qu’éducateur, et pour dire vrai, ce ne sont pas des pratiques qui nous honorent. Le SNESS en tout état de cause par ma voix, et par d’autres plus autorisées que la mienne, condamne cette vente illégale de places. Conformément à l’esprit du syndicat, nous sommes contre ce genre de pratique. Mais nous disons qu’il n’y a pas de solution miracle à ce phénomène puisque plusieurs acteurs sont engagés dans le système. C’est dire qu’il n’y a pas que les professeurs. Il y a les parents d’élèves qui font monter les enchères lorsqu’ils disent aux enseignants que les prix qu’ils proposeront seront les leurs. Il y a donc des tentations qui alimentent ce monnayage des places. Mais, je crois savoir que du côté des enseignants, la sensibilisation est en cours, et nous espérons qu’elle portera des fruits ».
Mamadou Alassane Ouédraogo, proviseur du lycée municipal Héma Fadouga Gnambia
«Parlant des inscriptions de droit, il faut dire que les textes sont clairs. Et il ne revient pas à un proviseur d’aller chercher ce que les professeurs font. Je ne saurai m’engager à la place des professeurs. Ils ont des inscriptions de droit et ce qu’ils en font ne me regarde pas. Nous nous fixons des critères en fonction desquels nous recrutons les élèves et c’est la commission de recrutement qui travaille là-dessus. Lorsque les dossiers des collègues arrivent, c’est cette commission qui les analyse. Il y a des dossiers qui sont rejetés parce qu’ils ne respectent pas les critères et d’autres sont acceptés. Et comme je le disais tantôt, les textes sont assez clairs pour ce qui concerne les inscriptions de droit : « Soit c’est ton enfant, soit c’est un enfant qui vit sous ton toit ». Et aujourd’hui, avec ce qu’on connait de la famille africaine, il est difficile de vérifier. En fait, le chef d’établissement n’a pas cette capacité d’aller vérifier sous le toit de chaque professeur qui est sous sa tutelle. Voilà pourquoi nous comptons sur l’honnêteté des gens. Dans tous les cas, nous,
chefs d’établissements, sommes traités de tous les noms d’oiseaux ! Pourtant, nous recevons par jour pas moins de 200 personnes ces temps-ci, à la recherche de places. Imaginez ce que deviendraient nos salles de classes, si nous devions accorder la place à tout ce beau monde ! D’ailleurs, il y a une relecture de ces textes qui est en cours, et dont les résultats sont attendus pour bientôt », a-t-il fait remarquer.
Lassina Sagnon, président provincial des APE de la Comoé, lui aussi s’insurge contre cette pratique dont il tient l’Etat pour responsable. «Si l’Etat avait construit suffisamment d’infrastructures, quel parent serait obligé d’acheter la place aux monnayeurs ? Cela n’allait jamais arriver !», soutient-il. A l’en croire, la pratique existe depuis longtemps. Et depuis son arrivée à la tête de la structure provinciale des parents d’élèves, lui et les autres membres du bureau n’ont de cesse de mener la réflexion afin de pouvoir éradiquer le fléau. «Mais, le phénomène semble avoir la peau dure. C’est même difficile pour nous puisque nous constatons qu’avec la mise en œuvre du continuum, la situation s’est aggravée». avoue-t-il l’air
visiblement impuissant. Selon M. Sagnon, dès la mise en œuvre de cette politique, l’Etat a annoncé qu’il trouvera la place à tous les enfants qui sont admis au CEP. Et les parents qui ont appris et salué cette décision, sont restés les bras croisés, se disant qu’ils n’ont plus de places à chercher. «C’est à notre grande surprise qu’on nous dit que l’Etat ne peut pas prendre tout le monde », a-t-il ajouté avant de poursuivre : «Les parents surpris et déçus, se sont vus obligés de trouver les voies et les moyens pour envoyer leurs enfants dans les lycées ». Voilà pourquoi, explique le président Sagnon, certains ont recours aux professeurs qui n’ont pas d’enfants pour occuper les places qui leur sont octroyées de droit. «En tant que parents d’élèves, nous sommes farouchement contre cette pratique. Mais, comme on le dit dans nos langues, autant on doit toucher un mot à la souris, autant on doit recommander au propriétaire du soumbala de bien garder. En clair, que l’Etat prenne ses responsabilités, et qu’en plus de construire beaucoup plus d’infrastructures, il lui faut vite tenir des assises avec les promoteurs privés, pour voir dans quelles mesures les frais de scolarité peuvent être revus à la baisse à leur niveau », lâche-t-il.
Le point de vue des habitants de la cité du Paysan Noir est sans équivoque : cette pratique n’a pas droit de cité. Il faut l’éradiquer au plus vite, car elle rame à contre-courant des efforts que l’Etat déploie pour assurer une Education de qualité, et bien sûr gratuite pour l’ensemble des enfants burkinabé. Sagnon Lallé Mamadou paraît, lui, bien excédé. Pour ce parent d’élève très critique, il est plus facile d’obtenir toute autre chose à Banfora que de décrocher une place dans un établissement public de l’Etat pour son enfant. « Tout comme une traite, à chaque rentrée scolaire, il est de coutume de voir des gens qui ne sont pas professeurs, encore moins proviseurs, se promener dans la ville munis de bons d’inscriptions dans les lycées publics. Ils les vendent le plus souvent à une somme qui équivaut au triple des frais de scolarité des établissements », nous souligne-t-il. C’est dans sa boutique, non loin du Rond-point du Paysan noir de Banfora, que nous avons échangé avec cet électronicien reconverti en employé de commerce par la force des choses. Le regard fixé sur la circulation routière, il nous fait savoir que la population paie un lourd tribut à ces monnayeurs. Et de poursuivre : « J’ai personnellement été victime de cette pratique il y a quelques années. Et comme il m’était difficile de trouver la somme qui m’a été demandée, j’ai dû abandonner, me contentant d’envoyer l’enfant, qui est mon neveu au village à Tiéfora, à 25 kilomètres de Banfora ». Pour Sagnon Lallé Mamadou, les parents font le jeu des monnayeurs, parce que très souvent, ils n’ont guère le choix ; mais parfois, ils y gagnent. A l’entendre, c’est la première année qui est difficile. Pour la suite, il n’y a que les cotisations APE à payer. « C’est une pratique que je classe dans la catégorie des actes relevant de l’exploitation de l’homme par l’homme, et en tant que progressiste, je suis farouchement contre », s’indigne notre interlocuteur. « Nos populations sont déjà suffisamment pauvres, et il ne faut pas les appauvrir davantage. C’est pourquoi, il faut que les chefs d’établissements et les APE se donnent la main pour éradiquer ce phénomène qui n’honore pas notre pays ». martèle Mamadou Lallé Sagnon.
Sur la question, une source judiciaire qui a souhaité gardé l’anonymat, indique que les institutions judiciaires n’ignorent pas l’existence de cette pratique. D’ailleurs, fait-elle remarquer, elle se vit également dans d’autres villes du Burkina. Toutefois, confie notre source, il est souhaitable que les autorités du ministère des enseignements secondaire et supérieur, trouvent les moyens pour mieux encadrer l’octroi des inscriptions de droit aux professeurs et autres agents des établissements publics de l’Etat. Autrement, il revient aux parents, particulièrement tous ceux, victimes de ce monnayage des places, de porter plainte et de permettre l’ouverture d’une enquête pouvant permettre d’interpeller ceux qui s’y adonnent, soutient toujours la même source. « Et là encore, prévient notre interlocuteur, ce n’est pas demain la veille. Car, généralement ceux qui demandent les places, je veux parler des parents, le font avec des proches qu’ils ne sont pas prêts à dénoncer. Cela d’autant plus que l’article 42 de la loi n°004-2015/CNT du 03 mars 2015 portant prévention et répression de la corruption au Burkina Faso, sanctionne également le corrupteur au même titre et degré que le corrompu ».
Extrait de l’article 42 de la loi n°004-2015/CNT
… Est puni d’un emprisonnement de deux ans à cinq ans et d’une amende égale au double de la valeur des promesses agréées, des avantages indus ou des choses reçues ou demandées sans que ladite amende soit inférieure à deux millions (2 000 000) de francs CFA :
-Quiconque promet, offre ou accorde à un agent public, directement ou indirectement un avantage indu, soit pour lui-même ou pour une autre personne ou entité, afin qu’il accomplisse ou s’abstienne d’accomplir un acte dans l’exercice de ses fonctions ;
-Tout agent public qui sollicite ou accepte directement ou indirectement un avantage indu, pour lui-même ou pour une autre personne ou entité afin d’accomplir ou de s’abstenir d’accomplir un acte relevant de ses fonctions.
GENGNIEN
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Mais c’est une vieille pratique comme le monde. Moi j’ai fais le lycée de 1989 à 1996 et déjà les parents grouillaient comme ça pour avoir de la place pour nous.
16 décembre 2015