REVOLUTION EGYPTIENNE : Cinq ans d’illusions
Le 25 janvier 2011, naissait, en Egypte, la lame de fond qui avait fini par emporter le ci-devant président, Hosni Moubarak. C’était, on le sait, l’effet domino de la révolution tunisienne dite du Jasmin qui avait eu raison du satrape Zine Abidine Ben Ali. Cinq ans après, les Egyptiens sont-ils satisfaits de leurs nouveaux dirigeants? Assurément, non. Car, aujourd’hui plus qu’hier, les espaces de liberté ont été complètement refermés au pays des Pharaons, tant et si bien que l’on se demande à quoi aura finalement servi cette révolution qui a coûté la vie à des dizaines de centaines d’Egyptiens. A preuve, la Place Tahrir qui était devenue le symbole même du soulèvement, offrait l’image d’un cimetière de campagne tant elle était désespérément vide et silencieuse. Les nouvelles autorités ayant interdit toute manifestation à travers le pays. En clair, la Place Tahrir a été bouclée par un impressionnant dispositif policier et militaire qui, depuis plusieurs semaines, veillait au grain afin de décourager tout mouvement de contestation. Et ce n’’est pas tout. Près de 5000 appartements ont été visités par les forces de défense et de sécurité, on ne sait trop pour quelle raison, sans oublier la fermeture de plusieurs cafés et autres lieux de distraction. Autant de mesures impopulaires qui rappellent l’ère Moubarak où l’Egypte était sous la férule implacable des militaires. C’est dire que l’euphorie qui s’était emparée des Egyptiens au lendemain de la révolution, a vite cédé la place à la déception. En effet, n’était-ce pas déjà assez que le peuple égyptien qui a tant souffert des dérives théocratiques du président islamiste, Mohammed Morsi, en soit réduit aujourd’hui à subir les turpitudes du général Al-Sissi qui, pour un rien, n’hésite pas à sortir l’artillerie lourde contre son peuple ?
Les Egyptiens ne vivent pas seulement que de pain
Et ce ne sont pas les Frères musulmans qui diront le contraire ; eux qui, après la chute de leur mentor, ont dû faire profil bas, tant la répression était féroce. En effet, plus de 15 000 islamistes ont été jetés en prison, d’autres forcés à prendre le chemin de l’exil, sans compter ceux qui, à leur corps défendant, sont entrés dans la clandestinité pour sauver leur peau. Comparaison étant ici raison, on peut dire que le Général Al-Sissi est sur les traces du dictateur chilien Augusto Pinochet, si fait que l’on ne voit se dessiner aucune perspective démocratique en Egypte. Et cela, sous le regard indifférent et coupable des Occidentaux qui voient en Al-Sissi un allié de taille dans la lutte contre le terrorisme, surtout que le foyer libyen est toujours en incandescence. En tout cas, cinq ans après, l’Egypte semble revenue à la case départ d’autant plus qu’Al-Sissi se sera finalement montré plus féroce que ne l’ont été Moubarak et Morsi. Cela dit, les mêmes causes produisant les mêmes effets, Al-Sissi doit comprendre qu’il n’aime pas plus l’Egypte que Sadate et Moubarak qui, pour une raison ou une autre, ont fini par être chassés du pouvoir par la manière que l’on sait. Ça n’arrive donc pas qu’aux autres. Car, les Egyptiens ne vivent pas seulement que de pain. Ils aspirent aussi à la liberté et à la démocratie ; deux droits fondamentaux que cherche à leur denier le Général Al-Sissi qui semble avoir oublié cette vérité jamais démentie : « aucun dirigeant, si dictateur soit-il, ne peut triompher d’un bras de fer engagé avec son peuple ».
Boundi OUOBA