INVESTITURE DE JAMMEH A LA PRESIDENTIELLE GAMBIENNE : L’alternance, c’est pour les autres
Tous ceux qui rêvaient d’alternance en Gambie doivent déchanter. Car Yahya Jammeh, après 21 ans de pouvoir, n’en est pas encore rassasié. La preuve, il vient de se faire investir candidat pour la présidentielle du 1er décembre 2016. C’ était à l’issue d’un congrès de son parti, l’Alliance pour la réorientation et la construction patriotique (APRC), le 26 février dernier. Morceaux choisis : « nous sommes en démocratie et ils (Occidentaux) parlent de limitation de mandats. N’importe quel chef d’Etat occidental ou autre dirigeant d’Etat qui viendra parler de limitation de mandats en Gambie verra ce que je lui dirai », a déclaré le président Jammeh qui ajoute que « pendant mille ans, nous avons été assujettis à l’idéologie occidentale qui nous a ramenés en arrière ». Jammeh a donc prévenu. Il n’y aura ni alternance ni limitation du nombre de mandats présidentiels tant qu’il sera aux commandes en Gambie. La démocratie, c’est pour les autres. Le maître de Banjul est convaincu d’être sur la bonne voie. Et il ne tolèrera aucune ingérence dans les affaires intérieures de son pays qu’il se dit déterminé à « servir et à donner aux habitants les standards de vie parmi les plus élevés dans le monde ». Bienvenue donc au royaume de Jammeh 1er qui, aux côtés de son homologue togolais, s’était déjà ouvertement opposé à tout projet de limitation de mandats présidentiels dans l’espace CEDEAO (Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest). C’est à peine si Jammeh, connu pour ses frasques et ses lubies, ne nargue pas son voisin Macky Sall du Sénégal, qui, au moment où la tendance est de s’éterniser au pouvoir, voulait écourter son mandat en passant d’un septennat à un quinquennat.
La démocratie en Afrique, c’est une chaumière de singes en construction
Pour Jammeh, Macky Sall fait à tout le moins preuve de servilisme vis-à-vis des occidentaux. Pourtant, au-delà même du président Sall, bien des dictateurs du continent, à l’instar de l’Algérien Abdel Aziz Boutefilka et du Tchadien Idriss Déby Itno pour ne pas les nommer, ont compris la nécessité d’opérer des réformes politiques en limitant la durée des mandats présidentiels ; histoire de répondre au besoin de changement éprouvé par leurs peuples respectifs. On peut trouver à redire sur cette démarche qui ressemble à celle de dirigeants rassasiés du pouvoir, mais ils ont eu le mérite d’avoir osé, contrairement à d’autres comme Sassou Nguesso, Yoweri Museveni, Paul Kagamé, Paul Biya et Yayha Jammeh, pour ne citer que ceux-là qui, après des décennies de règne , refusent de s’imaginer toute vie en dehors du pouvoir. Ainsi va la gouvernance politique en Afrique. Pendant que les uns s’efforcent de tirer la démocratie vers le haut, d’autres la ramènent vers le bas, quand ils ne l’assassinent pas tout simplement. La démocratie en Afrique, c’est une chaumière de singes en construction. Pendant que les uns y mettent la paille, les autres la retirent. Au 21e siècle, c’est une honte.
Boundi OUOBA