REPONSE AU PROCUREUR DU FASO ET AU SAMAB : « Les membres du CCNOSC ne fléchiront pas face aux intimidations, d’où qu’elles viennent »
Ceci est la réponse du Cadre de concertation national des organisations de la société civile (CCNOSC) au parquet du Tribunal de grande instance de Ouagadougou et au Syndicat autonome des magistrats burkinabè (SAMAB). Pour le CCNOSC, les sorties médiatiques de ces deux entités avaient pour objectif de jeter un discrédit sur le sit-in qu’il a organisé au palais de justice de Ouagadougou pour protester contre les libérations tous azimuts de certains ex-dignitaires soupçonnés d’être impliqués dans le putsch manqué du 16 septembre dernier.
Suite à la manifestation pacifique organisée devant le palais de justice de Ouagadougou, le jeudi 2 juin 2016, le Comité exécutif du CCNOSC, à travers certains médias, a eu connaissance, le vendredi 3 juin, de la réaction du Procureur du Faso près le Tribunal de Grande Instance de Ouagadougou, et celle du Juge Antoine Kabore, Secrétaire général du Syndicat Autonome des Magistrats Burkinabè (SAMAB). Ces deux sorties médiatiques, qui avaient vraisemblablement pour objectif de jeter le discrédit sur l’objet du sit-in organisé par le CCNOSC, ont fini par nous conforter sur notre opinion relative au mal qui ronge la justice de notre pays. Il est regrettable de constater que le Procureur du Faso qui est sensé être un dépositaire du droit, sorte de son mutisme pour protester contre une autorisation légale transmise par la Délégation spéciale de la ville de Ouagadougou à L’APDC (organisation membre du CCNOSC). La liberté de manifester et d’opinion, telle que régie par la loi, s’impose à tous, y compris les acteurs de la justice. Il est important pour le CCNOSC de rappeler au SAMAB que le juge est investi du pouvoir du peuple, par conséquent, il est insensé d’exprimer une arrogance verbale tendant à dédouaner la justice de toutes critiques venant du justiciable. La démarche pacifique du CCNOSC, à travers cette initiative, avait pour but essentiel de lancer un message fort et ferme à l’égard de l’appareil judiciaire. Et cette démarche a naturellement fait suite à l’incompréhension née de la libération sans motifs valables d’individus trempés dans des crimes économiques et de sang. Fidèles à notre raie de veille Citoyenne, nous avons tiré la sonnette d’alarme. C’est pourquoi il est important de situer les propos tenus par la présidente d’honneur du CCNOSC (Mme Safiatou Lopez) dans son contexte. Sa mise en garde formulée en direction de la justice découle directement du mécontentement général de la population qui se manifeste au quotidien par un désaveu croissant vis-à-vis des décisions de cette même justice. Et c’est à juste titre qu’elle a interpelé la conscience de nos juges en se référant au sort subit par la défunte Assemblée nationale (symbole de l’aveuglement et de la déviation du régime déchu). Par principe oral, incendier un édifice public ou privé est condamnable. Cependant il faut reconnaître et admettre que les Burkinabè épris de liberté assument et restent fiers d’avoir posé cet acte ayant permis de mettre fin à l’oppression et à la présidence à vie de Blaise Compaoré. D’ailleurs, pour immortaliser la portée historique de ce haut lieu (Assemblée nationale en ruine), un musée y verra le jour et un monument y sera érigé pour symboliser la victoire du peuple burkinabè. Pour être plus concret dans la réalisation de ce projet, le Président de l’Assemblée nationale, Monsieur Salifou Diallo, a remis, il y a peu, un chèque de dix millions (10 000 000) de F CFA au Professeur Ibriga (représentant de la Société Civile) en guise de contribution. La vision de Madame Safiatou Lopez se résume en ces termes : « la justice doit se mettre au service du peuple et non à la disposition des bourreaux de ce peuple». Mme Lopez n’a fait que tirer la sonnette d’alarme dans l’espoir que l’appareil judiciaire s’inscrive dans une dynamique de justice équitable et crédible. Malheureusement le Procureur du Faso et le Secrétaire général du SAMAB ont mal assimilé l’objectif spécifique de cette manifestation. Pire, ces deux personnages s’inscrivent dans une dynamique d’arrogance, de menaces, et de mépris vis-à-vis des aspirations légitimes du peuple. Pour rafraîchir la mémoire de nos hommes de lois, il faut souligner que l’indépendance de la justice demeure le fruit de la lutte citoyenne, du combat populaire pour plus d’égalité, d’équité et de justice. L’indépendance de la justice découle du combat citoyen d’hommes et de femmes qui se sont battus fièrement pour l’alternance dans ce pays. Nos juges sont donc mal placés pour s’approprier exclusivement cet acquis populaire.
Dans la lutte glorieuse pour le changement et l’alternance, nos juges sont restés de paisibles téléspectateurs du combat citoyen. Paradoxalement, ils ont été des premiers à tirer profit des acquis populaires à travers l’indépendance de la justice. A l’annonce de la revalorisation salariale dont ils jouissent allègrement, nous sommes restés sereins sans verser dans la contestation. Tout simplement parce que nous estimions que cela mettrait fin à la corruption et à l’achat des consciences dans le milieu judiciaire. Nous avions espoir d’une justice au service de ce peuple longtemps assoiffé d’un changement vrai et non d’une justice au service des riches et des plus nantis. Le CCNOSC s’insurge contre cette justice à double vitesse. Des individus assoiffés de pouvoir ont porté atteinte à la sûreté de l’Etat et ont ôté la vie à d’honnêtes citoyens. Que cette justice nous dise pourquoi des personnes croupissent dans nos prisons, dans un état de santé piteux, sans avoir le privilège de bénéficier d’une quelconque liberté provisoire? Que pouvons-nous attendre d’une justice qui rend en une journée deux décisions contradictoires sur un même dossier. Cela dénote tout simplement de la grande magouille qui règne dan nos palais de justice. Une justice équitable et responsable, ne saurait agir de la sorte. Qu’allons-nous dire de ces juges qui sont mêlés à des affaires d’extorsions de plusieurs millions de nos francs au grand malheur de citoyens impuissants? Que dire des milliards de l’opérateur économique « Ousmane Concorde » que certains juges se sont partagés avec son ex-employé? Le Procureur du Faso observe un mutisme complice dans la gestion de ces dossiers. Aucun juge n’est au dessus de la loi, par conséquent, ils doivent répondre de leurs actes. En tout état de cause, le CCNOSC demeure une structure responsable, raison pour laquelle elle reste déterminée dans le combat pour plus de justice et d’équité. Ses membres, en aucun cas, ne fléchiront face aux intimidations d’où qu’elles viennent. Le Procureur du Faso ferait mieux d’engager des actions concrètes en vue de rehausser l’image fortement ternie de l’appareil judiciaire ! La corruption qui gangrène ce milieu contribue largement à l’essor d’une justice à double vitesse.
Voilà pourquoi, le CCNOSC :
- Dénonce avec la dernière énergie la décision honteuse de la justice burkinabè d’accorder des libertés provisoires sans motifs valables à des putschistes tels que Eddie Komboigo. La question, dans le cas d’espèce, n’est pas seulement de savoir si l’accusé remplissait les conditions de la mise en liberté provisoire ! Il s’agit plutôt de chercher à savoir pourquoi d’autres détenus, remplissant les mêmes conditions, n’ont point bénéficié de cette même liberté provisoire? Le citoyen lambda ne peut que se dire avec juste raison qu’il existe une justice à double vitesse. Celle qui favorise le plus fort, le riche, au détriment du plus faible.
- Réaffirme son attachement à l’indépendance de la magistrature, socle d’un Etat de droit.
- Réitère sa volonté ferme à œuvrer pour l’érection d’une justice digne et crédible. Le peuple ne saurait subir les conséquences désastreuses des décisions de justice rendues au nom de l’indépendance de la justice. Raison pour laquelle, il est plus qu’important que l’indépendance de la justice soit incarnée par des acteurs de justice crédibles en phase avec l’équité et la transparence.
- Il interpelle les acteurs de la Justice à plus de responsabilité, en particulier la Présidente du Conseil Supérieur de la Magistrature à œuvrer à la moralisation du secteur de la justice.
Enfin, le Cadre de Concertation National des OSC reste attaché à l’alerte sociale et la veille citoyenne ; il reste déterminé à conduire une lutte permanente contre toutes les formes d’injustice et d’impunité. L’action engagée le 2 juin contre la forfaiture et la parodie de justice n’est que le début de nos actions.
« La lutte continue jusqu’à l’érection d’une justice sociale digne et crédible en phase avec les aspirations légitimes du peuple » !
Fait à Ouagadougou, le 9 juin 2016
Pour le CCNOSC La Présidente d’honneur
Mme Safiatou Lopez1Zongo