GESTION DU MENA : Le SYNAPAGER interpelle le ministre
Ceci est une lettre ouverte du Syndicat national des personnels d’administration et de gestion de l’éducation et de la recherche (SYNAPAGER), adressée à leur ministre de tutelle. Le syndicat attire l’attention de l’opinion nationale sur les problèmes de tous ordres, qui minent le ministère de l’Education nationale et de l’alphabétisation (MENA).
Si faire du jeune burkinabè un citoyen responsable, productif et créateur est la finalité principale de notre système éducatif, force est de constater que la crise profonde que traverse le MENA n’augure pas un système éducatif efficace, efficient et durable.
En effet, Monsieur le Ministre, premier responsable du noble département en charge de l’éducation nationale, première personnalité à qui incombe le pilotage de la machine, des prémices d’un échec douloureux, nous obligent en tant que partenaires soucieux de l’intérêt général, d’attirer votre attention pour un nécessaire recadrage urgent de certaines de vos orientations, à ce tournant décisif de notre système éducatif.
Nous n’avons nullement la prétention de nous prononcer sur tous les contours de cette mutation. Nous nous contenterons, dans le cadre de cet écrit, de relever ce que nous estimons être des insuffisances dans notre domaine de compétence (L’ADMINISTRATION ET LA GESTION), et ce pourquoi nous avons été formés, sans égoïsme corporatiste : l’organisation et la gestion du système éducatif de notre pays. Si nous nous taisons, au regard de la gravité de la situation, nous serons, en tant que partenaire social du département en charge de l’éducation nationale, comptables devant le tribunal de l’Histoire de notre système éducatif.
Monsieur le Ministre, le rattachement des trois ordres d’enseignement (préscolaire, primaire et post-primaire) consacré par la loi 013-2007/AN du 30 juillet 2007 portant loi d’orientation de l’éducation non « consommée », est venu s’ajouter à celui du secondaire suite à l’avènement d’une nouvelle classe dirigeante dans notre pays.
Cependant, la mise en œuvre de ces changements, quoique salutaire au regard de la cohérence recherchée pour notre système éducatif qui les fonde, devait être précédée, pour plus de pertinence, d’un cadre règlementaire et d’un univers institutionnel conséquemment élaborés et suffisamment vulgarisés à cet effet. Pour preuve, depuis votre prise de fonction en date du lundi 18 janvier 2016, aucun dialogue inclusif ou des échanges directs entre les acteurs.
Si la mise en œuvre de l’organigramme du ministère adopté par décret n°2016-435/PRES/PM/MENA est en passe d’être une réalité, il reste que les organigrammes des structures centrales et déconcentrées, chevilles ouvrières de la mise en œuvre des politiques éducatives à la base, sont toujours à l’étape de projets. Et déjà, les directeurs techniques et les directeurs régionaux ont été nommés et installés dans leurs fonctions, sans que l’on ne sache leurs attributions. Comme à l’accoutumée au MENA, la charrue est mise avant les bœufs. Et bonjour les plaintes !
Monsieur le ministre, le rôle et la responsabilité d’ailleurs non clarifiés des acteurs chargés de la mise en œuvre de ces politiques, ne sont pas de nature à favoriser un esprit de travail empreint de concorde et de collégialité, facteur déterminant dans toute entreprise qui se veut féconde et productive. Les conflits de compétences et autres (de toutes natures), jadis réels de part et d’autre, ont également été fusionnés. Les emplois et les corporations diverses ont apporté avec eux leurs préoccupations et avantages spécifiques et divers.
A cette situation déjà délétère conjuguée au vide juridique dans l’organisation des emplois spécifiques du MENA entraîné par l’adoption de la loi 081-2015/CNT portant statut général de la Fonction publique d’Etat, si des erreurs de management venaient s’adjoindre, nous sommes convaincus que l’essentiel de votre temps sera consacré à la gestion des crises. Pour nous, spécifiques de l’Education, si d’ici là rien n’est fait pour réorienter le navire, le MENA sera un boulevard de crises jamais connues depuis son existence. Et l’incivisme, jusque-là circonscrit à l’univers des apprenants, pourrait gangrener tout le département : conflits divers entre acteurs, favoritisme, absentéisme, mauvais résultats, grèves, division entre acteurs. Dès lors, il ne restera plus qu’à chanter le requiem de l’éducation.
A titre illustratif, faute de référentiel d’appréciation idoine, nous nous expliquons mal la logique qui a prévalu dans les récentes nominations dans votre département (sur 13 DRENA aucun Personnel d’administration et de gestion (PAG), sur les 45 DPENA et 4 PAG : est-ce une logique de récompense politique, une logique de classification catégorielle, ou simplement une logique de peur ?
Le MENA a la chance d’avoir en son sein des pédagogues, des administrateurs et des financiers pour la bonne marche des structures éducatives. Ces cadres ne seront utiles et efficaces que si et seulement si, ils sont nommés aux postes qui conviennent à leur profil.
Monsieur le Ministre, sachez que si c’est la récompense politique qui a prévalu, un secteur social de premier ordre comme l’éducation, ne saurait s’accommoder d’une telle logique car elle tuerait l’esprit de sacrifice, de travail d’équipe et de respect mutuel, entre autres, gages d’une éducation par l’exemple. Le plus petit service de votre département sera alors politisé. Et même la gestion de la cantine scolaire ou du forage de l’école ne pourront échapper à cette politisation.
Par ailleurs, si c’est la logique de la classification catégorielle qui a été privilégiée au détriment des profils requis, cela est encore plus grave. Sinon, tous les ministres devraient relever de la catégorie P. Du reste, au-delà des catégories, des emplois et du pouvoir discrétionnaire dont dispose l’autorité dans le cadre des nominations, le SYNAPAGER estime que c’est l’intérêt général de la Nation qui doit prévaloir.
Enfin, si c’est la logique de la peur qui a dicté cette démarche, ce ne serait pas non plus moins grave, car c’est finir de nous convaincre que le département est devenu une jungle où la règle de droit, de justice et d’équité n’ont plus droit de cité. C’est le lieu pour nous de revendiquer encore l’adoption illico presto des décrets d’application de la loi 081, afin de recadrer les emplois du MENA pour sauver une éducation en déliquescence.
Monsieur le Ministre, le tableau de notre système éducatif est déjà très sombre. Nous n’avons pas besoin de le noircir davantage. Et pour éviter d’en arriver là, le SYNAPAGER recommande :
la dépolitisation de l’Administration éducative dans un contexte qui exige « la réforme des institutions, la modernisation de l’Administration pour plus de justice sociale, de démocratie, de liberté et la lutte contre les inégalités et la corruption », conformément au premier pilier des priorités présidentielles 2016 ; foi de Son Excellence Paul Kaba Thiéba lors de son discours de politique générale. Ce changement ne peut s’opérer en faisant des nominations politiciennes et non techniciennes ;
la relecture et la diffusion des textes règlementaires relatifs à l’organisation et au fonctionnement du cadre institutionnel (les organigrammes des différentes structures) ;
la relecture pertinente des attributions des uns et des autres en tenant compte des profils et des contenus des formations reçues dans les structures de formation professionnelle respectives. Vous respecterez et valoriserez ainsi chacune des composantes des emplois du département, et placerez alors l’Homme qu’il faut à la place qu’il faut : les administratifs et les gestionnaires à l’administration et à la gestion, les informaticiens et techniciens divers à leurs postes respectifs, les chauffeurs et les gardiens respectivement à la conduite et à la sécurité. Chacun fera ainsi ce qu’il sait faire le mieux et sera au poste qu’il a délibérément choisi d’occuper en optant pour un emploi donné. C’est inéluctablement à ce prix que vous parviendrez à galvaniser la troupe autour de l’idéal commun de l’Education pour Tous.
la relecture et l’application des textes règlementaires relatifs à la description des postes de travail pour une meilleure gestion des ressources humaines ;
la tenue effective des différentes conférences et sessions de formation annuelles de l’ensemble des acteurs du système éducatif. Car ces uniques sessions sont de véritables moments d’échanges directs, de partage de connaissances et de formation continue des travailleurs qui doivent obligatoirement être permanemment outillés en fonction de l’évolution technologique et pédagogique de l’ère, mais surtout en lien avec les orientations budgétaires du pays en général et les innovations majeures du ministère en particulier.
Enfin, au regard de la profondeur de la crise, il serait impératif d’organiser les états généraux de l’éducation dans un bref délai, regroupant tous les acteurs du système éducatif. Cette forme d’approche et de dialogue apparaît incontournable pour l’atteinte des objectifs assignés à la fusion des différents ordres d’enseignement, notamment la cohérence de notre système éducatif pour la formation d’un Burkinabè « responsable, productif et créateur ».
Nous demeurons convaincus, Monsieur le Ministre, qu’avec votre sens élevé de responsabilité et de discernement, vous saurez déployer les moyens nécessaires pour une année scolaire paisible.
Bonne rentrée administrative et pédagogique à toutes et à tous !
Vive la justice ! Vive les PAG ! Vive le SYNAPAGER !
UNITE-ACTION-EFFICIENCE !
Fait à Ouagadougou, le 15 septembre 2016
Pour le Bureau exécutif national, le Secrétaire général
Windyam ZONGO