BURKINA / COTE D’IVOIRE :Même destin
Une forte délégation ivoirienne, conduite par le président Alassane Ouattara, séjourne depuis le 29 juillet 2014, au Burkina, dans le cadre du Traité d’amitié et de coopération ivoiro-burkinabè. Ce rendez-vous entre les deux gouvernements est un événement annuel, organisé de manière tournante dans les deux pays. La première édition a eu lieu sous Laurent Gbagbo. Il représente un outil précieux et spécifique de coopération Sud-Sud qui demande à être entretenu et consolidé, au regard de l’espoir qu’il suscite pour les deux parties.
Ce patrimoine commun aux deux pays doit être sauvegardé
De ce point de vue, l’on doit saluer la clairvoyance des hommes politiques qui en ont eu l’initiative et souhaiter qu’elle se pérennise pour plusieurs raisons.
D’abord, une telle initiative peut contribuer à réduire certains préjugés et clichés que des hommes politiques des deux pays, en manque visiblement d’idées, ont su alimenter de manière machiavélique pour diviser deux peuples qui ont pourtant une communauté de destins forgée par l’histoire, la géographie et la culture. Ce patrimoine commun aux deux pays doit être sauvegardé contre vents et marées, notamment contre les aléas politiques dans l’intérêt supérieur des deux peuples. Tous les hommes politiques ivoiriens comme burkinabè, qui n’intègrent pas dans leur culture et pratique cette réalité, au nom très souvent d’un nationalisme dévoyé, sont véritablement enclins à mener un combat d’arrière garde qui peut déteindre négativement sur l’intégration des peuples dont nos Etats ont impérativement besoin pour aller au développement.
Ensuite, ce traité est porteur d’opportunités réelles de développement économique. En effet, les grands projets structurants qui seront évoqués dans ce cadre, s’ils venaient à être matérialisés, permettront de faire de l’émergence, qui semble une préoccupation majeure des deux pays, non pas un mythe, mais une réalité.
L’émergence, en effet, ne peut se construire à l’échelle de nos micro-Etats. Par contre, elle peut se réaliser plus facilement dans le cadre d’une mise en synergie des ressources et des projets de développement à l’échelle de la sous-région dont la Côte-d’Ivoire est justement la locomotive. Le projet de réhabilitation et de prolongement du chemin de fer Abidjan Ouagadougou- Kaya, le projet d’autoroute Yamoussoukro-Ouagadougou par exemple, pourraient participer de cette vision. Les objectifs pour lesquels ces projets ont été initiés sont tellement pertinents que tout doit être mis en œuvre pour les atteindre. L’axe Abidjan-Ouagadougou s’en trouverait renforcé. C’est en cela qu’il faut souhaiter que ces projets connaissent un début d’exécution dans des délais raisonnables, pour convaincre les deux peuples que leurs gouvernants sont dignes de confiance. En effet, très souvent, les peuples africains ont été tant bernés et abusés de par le passé qu’ils ont des raisons d’être sceptiques devant les promesses de leurs hommes politiques.
Le traité ivoiro-burkinabè doit transcender les individus
Le troisième avantage de ce traité est lié à l’intégration des peuples. Les projets structurants ci-dessus évoqués, qui sont liés aux transports, peuvent donner un coup de fouet à la mobilité des hommes et des biens sans laquelle il est difficile d’envisager l’intégration sociale et économique. Dans cette perspective, il faut travailler déjà en amont à susciter au sein des administrations des deux pays, une culture citoyenne de manière à les positionner comme des instruments facilitateurs de l’intégration. Ce qui est loin d’être le cas aujourd’hui au regard des rackets, des tracasseries de toute nature, et de la corruption qui se passent à ciel ouvert sous nos yeux en Côte d’Ivoire surtout. Tant que des actes forts et concertés ne seront pas pris par les deux gouvernements pour combattre dans l’immédiat et dans la durée ce genre de pratiques, le rendez-vous de l’intégration sera un véritable leurre. Les mesures de circonstance seront prises pour se donner bonne conscience et tromper les bailleurs de fonds. Cela dit, les chantiers ouverts ou qui sont sur le point de l’être par les gouvernements des deux pays, ont beaucoup d’enjeux pour les deux parties et les deux peuples. C’est pourquoi il faut souhaiter qu’ils profitent d’abord aux deux peuples. De ce point de vue, il ne faudrait surtout pas en faire une exploitation politique pour le compte d’intérêts partisans et égoïstes. Le traité ivoiro-burkinabè doit transcender les individus et les bas intérêts du moment pour prendre en compte les préoccupations véritables des deux peuples. Alassane Ouattara et Blaise Compaoré, qui sont aujourd’hui préoccupés par le renouvellement de leur mandat en 2015, sauront-ils s’élever à la hauteur des grands hommes d’Etat comme Kwame N’Krumah en Afrique et Robert Schuman en France, pour porter de manière désintéressée des grands projets pour les peuples ivoiriens et burkinabè ?
L’on peut avoir la faiblesse de le croire jusqu’à ce qu’ils apportent la preuve que derrière le traité, se cachent des visées bassement électoralistes.
« Le Pays »