HomeOmbre et lumièreVOTE DE LOI SUR LA COMMANDE PUBLIQUE : Le véritable problème est ailleurs

VOTE DE LOI SUR LA COMMANDE PUBLIQUE : Le véritable problème est ailleurs


Si l’on devait se baser seulement sur l’abondance des lois votées pour traquer les mauvaises pratiques en matière de gouvernance, le Burkina se verrait décerner la palme d’or, en Afrique. Et pour cause, chaque jour que Dieu fait, nos honorables députés légifèrent sur la question. Rien que le vendredi 2 décembre dernier, le parlement burkinabè a adopté une loi portant règlementation générale de la commande publique. L’objectif recherché est d’assurer la conformité du dispositif national de gestion de la commande publique avec les normes internationales et communautaires dont la mise en œuvre s’avère impossible à travers un texte de portée règlementaire ; de garantir l’indépendance du mécanisme de régulation en matière de commande publique ; de mettre en place un système de gestion solide par la consécration des principes fondamentaux prévus par la loi. Il faut souligner qu’à la suite de cette loi, qui a été massivement adoptée par les députés, l’on a procédé à un renforcement du dispositif de sanctions à l’article 50. Dans le même registre, des faits constitutifs des infractions ont été répertoriés. Il s’agit, entre autres, de l’octroi d’avantages injustifiés, de favoritisme, de surfacturation, de fraude, de violation des règles applicables en matière de conflits d’intérêts ; de non- respect des décisions en matière de litiges. Il faut, d’emblée, dire que le parlement, par-là, a mis le doigt sur l’une des plaies les plus béantes de la République, c’est-à-dire la magouille qui entoure la commande publique. La preuve, s’il en est encore besoin, c’est qu’à chaque publication du rapport annuel sur l’état de la corruption au Burkina du REN/LAC (Réseau national de lutte anticorruption), la loge officielle est occupée invariablement par les marchés publics. Et la raison est simple. C’est par ce biais que les agents indélicats peuvent réaliser, en un temps record, les plus grosses affaires juteuses de leur vie. En effet, non seulement les plus gros sous du pays transitent par ce canal, mais aussi la corruption qui s’y développe est tellement insidieuse que l’on peut être tenté de dire que toute tentative d’assainissement du milieu s’apparente à l’œuvre des Danaïdes, du nom des cinquante filles de la mythologie grecque qui furent condamnées à remplir d’eau, un tonneau sans fond.

 

Tant que l’on ne va pas travailler à opérer la rupture, l’on ne fera que se chatouiller pour rire et amuser la galerie

 

 

La lutte contre la corruption et autres mauvaises pratiques est rendue d’autant plus difficile qu’au Burkina, l’on est plus enclin à s’attaquer aux conséquences des phénomènes qu’à leurs causes. Pourtant, celles-ci sautent à l’œil. Elles sont essentiellement liées aux faits suivants : il y a d’abord la politisation à outrance de l’administration. C’est cette pathologie, peut-on dire, qui permet que l’on nomme des copains ou des coquins à des postes où l’on brasse de l’argent. A charge pour les promus de retourner l’ascenseur à leurs bienfaiteurs. Dans ces conditions, tous les moyens sont bons pour se montrer généreux. La compétition est ainsi ouverte pour racketter à qui mieux mieux les bénéficiaires des marchés publics. Et très souvent, ils s’en donnent sans aucune modération, puisqu’ils savent que, quelque part, ils peuvent compter sur la protection des demi-dieux qui sont tapis parfois au cœur du pouvoir. C’est difficile à admettre, mais c’est ça qui est la vérité, pour parler comme les Ivoiriens. L’autre fait qui rend difficile la lutte contre les mauvaises pratiques en matière de commande publique, est lié à la collusion entre le monde des affaires et le monde politique au Burkina. C’est cette confusion des genres, entretenue à dessein, qui est à l’origine non seulement du phénomène des prête-noms observable dans bien des sociétés et entreprises de la place, mais aussi de la tendance quasi institutionnalisée des hommes d’affaires à mal exécuter les marchés publics et ce, pour le malheur des populations. Dans ces conditions, l’on peut se demander si le vote des lois pour assainir le milieu, ne relève pas de la diversion publique. Tant qu’à ce niveau, l’on ne va pas travailler à opérer la rupture, l’on ne fera que se chatouiller pour rire et amuser la galerie. Et puis, pour se donner toutes les chances pour que les Burkinabè accordent du crédit à la flopée de lois que les députés adoptent à l’effet de lutter contre la corruption, encore faut-il que ces derniers montrent l’exemple.

Dans ce Burkina post-insurrection, tout le monde doit comprendre que le peuple burkinabè surveille comme du lait sur le feu, le moindre acte posé, notamment par nos hommes politiques. Un adage de chez nous, ne dit-il pas que « si l’on perd sa mère des suites de morsure d’un serpent noir, l’on est en droit de se méfier de toute chose de la même couleur » ? En effet, dans le passé, les Burkinabè ont trop souffert des conséquences de la corruption. Ils ont également assisté à des adoptions de lois tendant à la combattre. Mais au finish, ils se sont rendu compte que c’était un véritable leurre.

 

Sidzabda


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