LE NOUVEAU PREMIER MINISTRE FRANÇAIS AU TCHAD : Une bouffée d’oxygène pour Idriss Deby

Promu le 6 décembre dernier, au poste de Premier ministre, Bernard Cazeneuve n’entend pas faire de la figuration à Matignon. Même avec le peu de temps qui lui reste, il compte imprimer sa marque voire faire autant, sinon mieux que son prédécesseur, Manuel Valls. C’est pourquoi moins d’un mois après sa nomination, l’ex-ministre de l’Intérieur devenu chef du gouvernement français, vient de prendre son bâton de pèlerin. C’est, du reste, sa première visite à l’étranger. Et c’est le Tchad de Idriss Deby Itno qui l’a accueilli avec tous les honneurs dus à son rang. Accompagné de son ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, Bernard Cazeneuve a exprimé « la gratitude du peuple français aux soldats de Barkhane » qui luttent contre le fléau terroriste. Au nombre de 4 000 hommes, ces soldats sont répartis dans cinq pays du Sahel à savoir le Mali, le Tchad, le Niger, le Burkina Faso et la Mauritanie. L’opération Barkhane, rappelons-le, a été mise en place à la suite de l’intervention Serval qui, en 2013, a mis en déroute les islamistes armés qui avaient mis sous coupée réglée le septentrion malien. Depuis 2015 à ce jour, au total, 16 soldats français ont péri dans des attaques meurtrières itératives perpétrées par les djihadistes qui, même militairement défaits, signalent leur présence à travers des actes de désespoir. C’est dire que le déplacement de Ndjamena était des plus attendus. Car, il constitue l’occasion pour Bernard Cazeneuve de remonter le moral des troupes qui combattent à mille lieues de chez elles. Et ce n’est pas tout. Bernard Cazeneuve et sa délégation en ont profité pour exprimer le soutien de la « France aux autorités tchadiennes ». Pour cela, le Premier ministre français n’est pas allé les bras ballants. Il a annoncé une aide budgétaire de cinq millions d’euros ainsi qu’un soutien humanitaire d’urgence de trois millions d’euros au Tchad. De quoi apporter du baume au cœur du président Deby dont le pays fait face à une grave crise économique et financière profonde ; en témoigne la grogne sociale qui va crescendo.

Même revenu de la Mecque, un chat ne deviendra jamais un rat

Comme le dit un adage bien connu de notre terroir, « un étranger sérieux vaut bien une fortune ». C’est le moins que l’on puisse dire du Premier ministre français. Et ce n’est pas le président Deby qui dira le contraire ; lui qui, par ses hauts faits d’armes, est devenu un allié stratégique et incontournable de l’Occident dans la lutte contre les djihadistes. Les faits parlent d’eux-mêmes. Car, activement engagés dans la lutte contre les islamistes de Boko Haram, les soldats tchadiens ont payé un lourd tribut au Nord-Mali où ils combattaient aux côtés de l’armée française, en 2013. Pour toutes ces raisons, Ndjamena valait bien un détour, surtout que pas plus tard que le 24 décembre dernier, une humanitaire française, en la personne de Sophie Pétronin, a été enlevée à Gao par des hommes armés non encore identifiés. En tout cas, le moment choisi par Bernard Cazeneuve est loin d’être un fait de hasard. Il vient encourager le « warrior » pour lui demander de s’impliquer davantage dans la lutte contre le terrorisme. Car, on le sait, si aujourd’hui, Boko Haram a été mis en déroute, c’est en partie grâce à l’engagement sans faille de Ndjamena qui ne badine pas avec les djihadistes. C’est la tolérance zéro. Il en est de même pour le Niger de Mahamadou Issoufou qui, maniant le bâton et la carotte, vient d’annoncer un plan de réinsertion d’ex-combattants de Boko Haram qui viennent de rompre les amarres avec la secte. Ce qui n’est pas mauvais en soi. Seulement, il faut craindre que cela ne donne des idées à d’autres apprentis-sorciers qui passeront par la case terroriste pour se trouver un emploi. C’est dire qu’en la matière, la prudence doit être de mise. Car, même revenu de la Mecque, un chat ne deviendra jamais un rat. C’est cela la triste réalité.

Boundi OUOBA