CRISE AU SOUDAN DU SUD :La seconde mort de John Garang
Le 9 mai dernier, les protagonistes de la crise sud- soudanaise s’étaient donné deux mois pour cesser les combats et mettre sur pied un gouvernement d’unité pour assurer la transition. Mais jusqu’au dimanche 10 août dernier, les négociations n’avaient pas permis d’y parvenir, car elles achoppent sur plusieurs points. Face à ces échecs répétés à parvenir à un accord, et à la violation sans cesse répétée du cessez-le-feu, l’on peut se demander si les protagonistes sud- soudanais sont réellement animés du désir d’aller à la paix, pour travailler à la construction de ce pays nouvellement indépendant.
Le plus dur n’était pas l’accession du pays à l’indépendance
Au regard du dur combat de John Garang, la figure emblématique de la lutte pour l’indépendance de ce pays, l’on pourrait dire que le président actuel, Salva Kiir et son rival Riek Machar qui se livrent une bataille de chiffonniers pour le pouvoir, sont des héritiers bien indignes, incapables de surpasser leurs ego pour la cohésion sociale et le développement du pays. Finalement, tout porte à croire que le plus dur n’était pas l’accession du pays à l’indépendance, mais bien la gestion de cette indépendance acquise avec la bienveillance de la communauté internationale, particulièrement des Etats-Unis.
Maintenant que la situation piétine, que va faire la communauté internationale pour sortir le pays de cette mauvaise passe? Question bien difficile ; ce d’autant plus qu’on a affaire à deux fortes personnalités engagées dans une guerre de légitimité. En vérité, un attelage Machar/Kiir, dans un gouvernement d’union, semble impossible pour l’heure, surtout quand on se rappelle que l’un a été le vice-président de l’autre, et que leur désaccord est né des velléités du premier, de prétendre au trône du second. Dans ces conditions, l’on se demande comment faire entendre raison aux deux protagonistes qui semblent se vouer une haine viscérale, et se sont engagés dans une lutte à mort pour le pouvoir.
Il y a lieu de craindre pour l’avenir de ce pays
La situation est d’autant plus complexe que sur le terrain, le rapport de force entre troupes loyalistes du président Salva Kiir et forces rebelles fidèles à Riek Machar, reste équilibré.
Eu égard à cette situation de blocage dont sont responsables ses héritiers, et qui ne fait qu’enfoncer chaque jour, un peu plus, le pays dans la chienlit, John Garang doit bien se retourner dans sa tombe. En outre, cette incapacité de ses deux héritiers à s’entendre sur l’essentiel, dans l’intérêt supérieur de la nation, sonne comme une deuxième mort pour lui, eu égard au combat d’avant-garde qu’il a mené pour l’indépendance du pays, jusqu’à sa mort en juillet 2005. Et l’on a bien peur, si une solution n’est pas vite trouvée, que cette guerre soit bien partie pour durer au moins autant que celle qui a conduit à l’indépendance du pays. Dans ces conditions, ce jeune Etat qui vient de souffler ses trois bougies le 9 juillet dernier, risque d’être condamné à une lente et douloureuse agonie. Il y a donc lieu de craindre pour l’avenir de ce pays, et espérer que sous la pression et les menaces de sanctions de la communauté internationale, le dialogue qui a été renoué au forceps la semaine dernière, permettra aux deux parties de parvenir à un accord dans les meilleurs délais, pour relancer le processus de paix et lui donner des chances de succès. D’autant plus qu’à l’heure actuelle, ce pays qui est déchiré par une guerre fratricide, ne serait pas à l’abri d’une grande famine dont la survenue compliquerait davantage la situation.
Outélé KEITA