LA NOUVELLE DU VENDREDI : L’aimer malgré lui
L’histoire commence par un dialogue. Un dialogue à Kalgondin, un quartier de la ville de Ouagadougou au pays des Hommes intègres. Il y a une dizaine d’années de cela. Et concerne Sékou fuyant le regard d’une demoiselle.
– Désolé Myriam, ça ne marchera pas entre nous. Tu sais bien que c’est Wendy que j’aime.
– Myriam, prenant la main du jeune homme dit :
Mais, Wendy ne t’aime pas. La preuve, elle a préféré se fiancer à Bouba, le fils du ministre. Loin de toi, ils sont partis vivre à l’étranger dans le luxe et le confort. Tu le sais. Mais moi, je t’aime…Je suis là à tes côtés. Pour le meilleur et pour le pire…
A défaut de Wendy, Sékou s’est consolé dans les bras de Myriam qui n’attendait que cela. Elle aime sincèrement avec le cœur. Elle a tout donné pour cela. Loin du Faso, la patrie de nos pères, Wendy la menace est partie avec son Bouba. Ouf de soulagement ! Noble terrain à conquérir. Myriam a su avec tendresse et amour consoler son Sékou ; panser ses plaies, lui faire oublier sa déception, lui redonner un nouveau souffle. Sékou s’est ressaisi, soutenu et encouragé par Myriam qui a laissé tomber ses études pour son homme. Le seul soleil de son existence. De son centre de formation, Sékou est sorti major de sa promotion. Equilibre aidant, il a trouvé un travail et s’est fait une place au soleil, dans le monde professionnel. Myriam et Sékou se sont mariés. Donnant une belle leçon de complicité et de patience à plus d’un. Devenant le couple miroir d’une génération. Ils ont trois enfants. L’image d’un mariage très réussi dont rêvent des milliards de solitaires en quête de complémentarité sur la terre. Myriam tient solidement le volant de leur amour des deux mains, lève de temps en temps le pied sur l’accélérateur, mais ne cesse de jeter des coups d’œil de prudence de gauche à droite sur les rétroviseurs. Le regard imperturbable et toujours fixé sur la route, dans l’espoir de conduire vers le graal leur amour et tendresse à destination.
Cela est bien beau dans la logique. Sauf que dans le réel de l’existence, la logique n’a ni le même goût, ni la même couleur de dame nature. La logique est parfois même imaginaire et inexistante dans la réalité.
Un soir, dans une cérémonie de quartier, Myriam apprend par le plus grand des hasards, par l’amie de l’amie à l’amie d’une amie que Wendy devenue très riche et fraîchement divorcée d’avec Bouba, qui a finalement préféré une autre, est de retour au pays depuis une année. Très riche et ayant lourdement investi dans l’immobilier. Riche et libre, la belle Wendy est rentrée pour profiter des fruits de son investissement. Myriam était alarmée par la nouvelle, mais le soir elle se rassura par la tendresse du père pour ses enfants et les caresses toujours électriques de l’époux. Les gestes ne mentent pas. Disait l’autre.
Et la cerise sur le gâteau, de ses missions de responsabilité de plus en plus fréquentes, Sékou rentrait avec de beaux et nombreux cadeaux. Pour elle, l’épouse comblée, et les enfants. Des fils gâtés. Et en plus, Sékou de nature grognon mais tendre de l’intérieur, devint très agréable, souvent même au bord de l’euphorie. Une bénédiction divine !
Quoi de plus normal. La santé, le travail, une femme qui vous aime et des enfants qui travaillent bien à l’école.
Et surtout c’est cela qui fait le grand bonheur du chanceux Sékou, une belle et riche maîtresse qui se trouve être son éternel amour de toujours…
Le retour et la reconquête de son amour de toujours… Wendy.
Que désirer de plus ? Sinon remercier la vie, se la couler avec douceur en priant que ça s’éternise. Oui, c’est cela qui donnait le sourire à Sékou.
C’est aussi cela que Myriam, l’infortunée Myriam découvrira par les confidences de l’amie de l’amie d’une amie à une amie en faisant ses courses au marché.
Les grandes douleurs sont muettes, disait mon voisin. Et les flèches dans le cœur aussi. Myriam touchée dans l’âme se refugia dans le silence, des larmes secrètes et la prière. Puis, un soir, constatant que son Sékou qu’elle partageait dans la douleur muette avec l’autre s’échappait de ses bras, elle décida d’agir. Mais dans pareil cas, il faut agir avec des preuves. Chose qui ne fut pas trop difficile à faire. Il suffisait de tendre un filet.
Pris une nuit en flagrant délit, Sékou regarda Myriam et s’excusa
– Désolé Myriam, tu sais bien depuis le début que c’est Wendy que j’aime !
Je suis désolé ! Vraiment désolé !
« Le salop ! » s’indignera notre lectrice très sensible sur la chose morale.
Hélas, comme le chantait l’autre :
en amour il ne faut jamais forcer.
En pensant avec compassion à Myriam, je me permets d’ajouter ceci :
l’amour est loin d’être un champ ordinaire où l’on sème pour récolter les mêmes fruits.
Ousseni Nikiema
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