PUGILAT AU PARLEMENT OUGANDAIS : L’opposition résiste comme elle peut au « roi » et à ses courtisans
Hier, 26 septembre 2017, le Parlement ougandais s’était réuni pour une séance au cours de laquelle les députés du parti au pouvoir étaient censés soutenir une motion en vue d’un amendement constitutionnel qui supprimerait la limite d’âge des candidats au poste de président. Finalement, la motion n’a finalement pas été débattue et pour cause. Des députés en sont venus aux mains dans l’hémicycle, lorsque le chef du groupe parlementaire d’opposition a accusé un ministre de l’avoir menacé et d’avoir apporté un pistolet au Parlement. S’en est suivie une empoignade qui a opposé des députés de la majorité à leurs homologues de l’opposition. Ce spectacle est désolant et honteux pour des « parlementaires » qui devraient donner l’exemple de comportement responsable aux jeunes Ougandais. Malheureusement, ce qui est fait est fait. Mais faut-il s’étonner que ces députés en viennent aux mains, quand on sait que le pouvoir de Yoweri Museveni tient à imposer aux Ougandais un règne éternel ? Au regard des rapports de force et de la détermination des partisans du président, l’opposition ne peut que répondre aux coups, même avec des méthodes peu recommandables. Car, en réalité, le pugilat d’hier relève de l’engagement et de la détermination des opposants à défendre la démocratie en Ouganda. Dans ce combat, les opposants peuvent compter sur le soutien de la population, puisque pendant que les coups de points se propageaient à l’hémicycle, des centaines d’étudiants, une nouvelle fois, bravaient une interdiction de manifester et manifestaient sur le campus de la principale université du pays, Makerere. En rappel, l’Assemblée nationale ougandaise veut statuer sur la proposition de loi introduite par le parti de Yoweri Museveni, le Mouvement de Résistance nationale (NRM) et qui vise à déverrouiller la clause limitative d’âge qui frappe la fonction présidentielle. En l’état, la Constitution ougandaise prévoit que les candidats à la magistrature suprême doivent être âgés de moins de 75 ans. Pour la petite histoire, les députés du parti présidentiel avaient déjà modifié en 2005 la Constitution, pour supprimer la limitation de l’exercice de la fonction de chef d’Etat à deux mandats consécutifs de cinq ans.
Museveni sur les traces d’Idi Amin Dada
L’on peut s’interroger sur le bien-fondé de ces modifications constitutionnelles consécutives, si ce n’est juste des réajustements pour permettre à Yoweri Museveni de se maintenir au pouvoir. En effet, le maître de Kampala, aujourd’hui âgé de 73 ans et aux commandes du pays depuis la décennie 80, ne devrait pas pouvoir briguer un troisième mandat, si l’on s’en tenait à la volonté du Constituant originel de l’Ouganda. Or, alors que lui-même soutenait dans un entretien avec un organe de presse que « je ne pense pas que quelqu’un puisse être un leader efficace après 75 ans », il serait candidat à sa propre succession en 2021. Si l’on peut comprendre que frappé de sénilité, l’homme peut être amnésique, l’on comprend moins la plaidoirie en avocat du diable dans laquelle s’est lancé le ministre de la Justice, Kahinda Otafiire, qui s’est ainsi interrogé : « Qu’y-a-t-il de si spécial à propos de l’article 102 ? Est-ce un commandement de Dieu ? ». La réalité est que Kahinda Otafiire fait partie de ces Raspoutine qui arpentent les arcanes du palais présidentiel ougandais et qui, au nom de leurs tubes digestifs, ont vendu leur âme au diable. Cela dit, peut-on s’étonner de la levée du verrou limitatif de l’âge dans un pays que le président, selon ses propres dires, considère comme « sa bananeraie » ? En réalité, le déclenchement de la procédure de révision constitutionnelle n’est qu’un hommage hypocrite que le pouvoir ougandais fait à la démocratie.
Sinon, personne n’est dupe de l’essence réelle du régime ougandais qui est une dictature qui a su se donner les moyens pour embastiller le peuple et réduire l’opposition au silence des cachots. La figure emblématique de la souffrance de ce peuple martyr de l’Ouganda est l’opposant Kizza Besigye, devenu, en raison de ses arrestations répétées, un véritable souffre-douleur du pouvoir. De ce qui précède, l’Ouganda, il faut le dire, est le Gondwana incarné. Et cette nouvelle révision constitutionnelle n’est que l’acte de naissance d’un nouveau royaume où, sans nul doute, s’établira la dynastie Museveni. Surtout que ceux qui sont dans les secrets des dieux, soupçonnent l’existence d’un plan de succession qui fait du probable héritier du trône, le fils de Museveni, Muhoozi Kainerugaba, le plus jeune major général de l’armée ougandaise par ailleurs haut conseiller à la Présidence. Une chose est certaine, et les opposants en sont conscient, en réussissant un nouvel attentat contre la Constitution ougandaise, Museveni qui marche déjà sur le bas-côté de l’histoire, fait un pas de plus sur les traces du pire président que le pays ait connu, Idi Amin Dada. Le pire dans tout ça, est qu’il bénéficie de l’onction silencieuse des Etats-Unis et de la subite aphonie de la Communauté internationale.
Le Pays