INTERPELLATION DE FRANÇOIS COMPAORE : Le « petit président » sera-t-il rattrapé par son passé ?
Le Burkina Faso commémore, ce 30 octobre, le troisième anniversaire de la chute de Blaise Compaoré, suite à une insurrection populaire elle-même consécutive à son refus obstiné d’écouter les mises en garde de la majorité des Burkinabè par rapport à l’organisation d’un référendum qui devrait prolonger son bail au Palais de Kossyam. On se rappelle que lui et quelques membres de sa suite ont été exfiltrés in extremis par les forces spéciales françaises du Commandement des opérations spéciales basées à Ouagadougou, alors que le peuple était toujours dans la rue pour dénoncer avec véhémence toutes les tares de l’ancien régime. Dans sa fuite en catastrophe vers la Côte-d’Ivoire, Blaise Compaoré a emporté dans son sillage son frère et Conseiller économique, François Compaoré dont le nom est associé à plusieurs scandales politico-économiques, et qui est considéré comme le commanditaire du crime sans exemple dans l’histoire de notre pays : l’assassinat, en 1998, par les armes et par le feu, du célèbre journaliste Norbert Zongo. Depuis, le « petit président » comme on l’appelait, faisait la navette entre Abidjan, Cotonou et Paris, en toute impunité, narguant à la limite la Justice burkinabè qui avait fini par lancer un mandat d’arrêt contre lui dans l’affaire Norbert Zongo. Il avait, en effet, déclaré récemment, dans Jeune Afrique, qu’il était serein malgré la « fatwa » que la Justice burkinabè lui a lancée, et que cela n’aurait aucune incidence sur son « errance » entre la France où réside sa famille nucléaire et les capitales africaines où il séjourne régulièrement. Il n’en faillait pas plus pour que beaucoup de Burkinabè soupçonnent les autorités françaises, de protéger l’un des hommes les plus recherchés du Burkina, ce qui est, à leurs yeux, une « provocation » de plus, après avoir refusé de déclassifier les dossiers relatifs à l’assassinat de Thomas Sankara. Seulement voilà, celui qui croyait bénéficier d’une immunité de fait, a été cueilli, incroyable ironie du destin, par la police des frontières à l’aéroport Roissy-Charles De Gaulle, dans la capitale du pays qui l’avait aidé à sauver sa peau trois années plus tôt, en l’embarquant à bord de l’un de ses hélicoptères Gazelle stationnés à Ouagadougou.
Les Burkinabè pourront pousser un soupir de soulagement
L’interpellation de François Compaoré à Paris, aux premières heures de la matinée du dimanche 29 octobre, alors qu’il revenait d’Abidjan, a été accueillie d’abord avec surprise, puis avec soulagement par bien des Burkinabè qui attendaient avec incrédulité et impatience, la fin de la cavale de celui qui symbolise à lui tout seul les dérives autoritaires et sanglantes du régime de son grand frère de président. Certes, on peut croire qu’il ne sera pas immédiatement extradé vers le Burkina, les procédures judiciaires étant complexes, mais c’est indéniablement un bond spectaculaire vers la reddition des comptes. François Compaoré dans la nasse, c’est incontestablement un pas de géant dans la recherche de la vérité sur le dossier Norbert Zongo que le régime Compaoré avait réussi le tour de force d’enterrer en prononçant scandaleusement un « non-lieu », le 19 juillet 2006, au grand dam de la famille des victimes et des défenseurs des droits de l’Homme. Espérons que les tentatives de négociations qui seront menées depuis Abidjan, pour sauver le soldat François, n’aboutiront à rien, et que la soif de justice qui était le ferment de la lutte contre l’ancien système, connaîtra un début d’étanchement, et enfin, que les Burkinabè qui ont réclamé la lumière sur l’horrible autodafé de Sapouy, pourront enfin pousser un soupir de soulagement. L’espoir est d’autant plus permis que c’est en France, pays des « droits de l’Homme », que François Compaoré a été alpagué suite au mandat d’arrêt lancé par le Burkina en mai dernier, et que le timing est plus que favorable à la remise de M. Compaoré aux autorités judiciaires de notre pays, car le président français, Emmanuel Macron, sera notre hôte, sauf changement d’agenda de dernière minute, à la fin du mois de novembre. Peu importe qu’il y ait une relation de cause à effet entre ces deux événements, le plus important étant l’interpellation, puis, nous l’espérons, l’extradition de l’un des plus gros poissons de la mare particulièrement trouble de la IV République. Tant mieux pour le Burkina et particulièrement pour les autorités actuelles qui, malgré quelques éclaircies à mettre à leur actif sur le plan judiciaire avec la poursuite de l’instruction des dossiers à charge émotionnelle très élevée, rouverts sous la Transition, font de plus en plus l’objet de critiques par rapport à l’économie burkinabè et surtout à l’apparente panne de stratégies pour lutter efficacement contre l’insécurité et le terrorisme, qui semble s’installer durablement dans la partie septentrionale du Burkina. Cela dit, on peut, malgré tout, affirmer que le troisième anniversaire de l’insurrection populaire sera célébré sous de bons auspices, puisqu’il y a désormais une forte probabilité que François Compaoré réponde enfin de ses actes, de même que d’autres figures emblématiques du régime Compaoré.
Hamadou GADIAGA