AFFRONTEMENTS INTER-ARMEES EN RCI : Bienvenu au pays du gbangban* !
Alors que l’on croyait la crise militaire définitivement résorbée par la magie des millions de francs CFA, les habitants de Bouaké au centre de la Côte d’Ivoire, ont de nouveau eu le sommeil perturbé par le crépitement des armes. Des tirs nourris ont, en effet, été entendus le 9 janvier dernier dans la ville. A l’origine de ce mouvement d’humeur, l’on indexe un contentieux entre les militaires du 3e bataillon d’infanterie et les soldats du Centre de coordination des décisions opérationnelles (CCDO). Le bilan serait d’un mort et d’un blessé. Cette nouvelle montée d’adrénaline entre frères d’armes, serait due, selon les uns, à des querelles personnelles entre un lieutenant du CCDO et d’autres militaires. Quelles que soient les raisons de cette crise entre corps habillés, l’on ne peut que se résoudre à admettre que l’armée ivoirienne est traversée par un profond malaise qui donne même à la plus petite peccadille une consonance particulière. Ce malaise, pourrait-on avancer, pourrait être dû essentiellement à deux raisons. La première raison est que l’Armée ivoirienne est une sorte de « salad bowl » où les ingrédients refusent de se mélanger. En effet, l’on y retrouve du tout : des soldats de métier ayant fait les écoles de formation et issus de l’armée loyaliste, des soldats de guerre aux origines hétéroclites et ex-nouvelles.
ADO a intérêt à ouvrir l’œil et le bon
La gestion inéquitable des deux entités qui se sont autrefois combattues, est à l’origine de graves frustrations que même le temps ne parvient pas à gommer. La deuxième raison est que l’on a l’impression que la guéguerre entre Guillaume Soro, président de l’Assemblée nationale, et Hamed Bakayoko, ministre de la Défense, s’est déplacée au sein des troupes qui se combattent par personnes interposées. Cela dit, quels que soient les motifs invoqués pour ce duel fratricide, l’on peut tirer de ces affrontements deux principales leçons. La première est que la politisation de l’Armée est extrêmement dangereuse. Car, on peut dire tout de l’Armée ivoirienne sauf qu’elle est une armée républicaine. La deuxième leçon est que pour discipliner l’Armée, l’argent seul ne suffit pas. La preuve, pour endiguer la vague de mutineries qui a secoué le pays en 2017, le gouvernement a dû se résoudre à cracher au bassinet, mais rien n’y fit. L’on peut donc en déduire que le président Alassane Dramane Ouattara (ADO) a échoué à mettre sur pied une armée républicaine au service de la Nation ivoirienne. Et l’on peut déjà avoir des sueurs froides pour son successeur qui devra hériter d’une Armée complètement divisée. Mais en attendant, pour bénéficier du sursis qui le mènera aux prochaines élections qui décideront de sa succession, ADO a intérêt à ouvrir l’œil et surtout le bon, afin de gérer au mieux cette affaire de militaires, qui empêche les Ivoiriens de dormir tranquilles.
SAHO
* gbangban : mot utilisé par les Ivoiriens pour désigner le désordre sur fond de tension