PARENTE A PLAISANTERIE : Mossé et Samo s’éclatent chez le Mogho Naaba
L’association Sitoi-Lawa a organisé la 4e édition des 48 heures du Rakiré. Entendez par là, la parenté à plaisanterie entre Sanan et Mossé. La cérémonie d’ouverture a eu lieu le 24 mars 2018, au palais royal du Mogho Naaba. A l’occasion, les initiateurs du projet ont demandé au Mogho Naaba Baongho d’intercéder auprès du gouvernement burkinabè afin qu’une journée nationale soit dédiée à la parenté à plaisanterie au Burkina.
Mossé et Samo se sont donné rendez-vous dans la matinée du 24 mars 2018 chez le Mogho Naaba pour perpétuer une tradition, celle de la parenté à plaisanterie ou encore « rakiré » ! C’était à la faveur de la 4e édition des 48 heures du « Rakiré » entre Mossé et Sanan (pluriel de San), initiée par l’association Sitoi-Lawa. Ce jour, les discours courtois ou classiques n’avaient pas leur place. Seules les injures et les histoires avaient droit de cité. «Fils de pauvre, affamés, mangeurs de chien, villageois » ; autant de piques lancées par les uns à l’endroit des autres sur un ton de plaisanterie. Chaque camp cherchant à incriminer l’autre dans la courtoisie. Même le Mogho Naaba recevait quelquefois des coups de la part des Sanan qui trouvent que les Mossé sont leurs esclaves et vice-versa. Ils sont allés jusqu’à baptiser le Mogho Naaba «Lawo Kô Paré » qui signifie en langue San, Dieudonné Paré. Et ce, eu égard à ses multiples actions en faveur de la cohésion sociale. Mais ce n’était pas tout. Il a même eu droit à un cadeau hors du commun. Il s’agit d’un ensemble d’objets sans aucune importance, pour ne pas dire des ordures.
Réclamer le loyer au Mogho Naaba
Pour couronner le tout, un groupe s’était posté devant l’entrée principale du palais royal pour, ont dit les Sanan, réclamer le loyer au Mogho Naaba. Ayant compris ce qui se tramait, c’est par une autre entrée que Sa Majesté a rejoint son palais, déjouant ainsi le piège des Sanan. Pour Cyriaque Paré, parrain San des 48 heures du « rakiré » Sanan-Mossé, la parenté à plaisanterie est une valeur sociale qui permet de préserver la paix sociale au Burkina, de fluidifier les relations humaines, de faciliter les échanges entre les personnes, entre les ethnies, bref, de préserver la paix sociale. C’est une pratique que l’on rencontre ailleurs, mais au Burkina, elle se pratique beaucoup.
Pour que cette pratique soit mieux protégée, les parrains des deux communautés ont demandé au Mogho Naaba d’intercéder auprès du gouvernement. « La parenté à plaisanterie est une valeur sociale qui mérite d’être célébrée au plan national à travers une journée qui pourrait donner l’occasion aux différents parents à plaisanterie de se rencontrer et de vivifier cette valeur. On ne dira pas que c’est une pratique qui tend à disparaître, parce que sur les réseaux sociaux, il y a des groupes où la parenté à plaisanterie est pratiquée », a indiqué Dr Cyriaque Paré.
Une requête qui semble avoir eu un écho favorable auprès des plus hautes autorités, selon le représentant du ministre de la Culture, des arts et du tourisme, Léonce Ky. A l’en croire, le rakiré a déjà été recensé comme un élément du patrimoine culturel immatériel. « L’institution d’une journée nationale est un long processus. Dans la démarche administrative, c’est beaucoup plus complexe. Pour pouvoir instituer une journée du rakiré, il faut faire l’état des lieux. C’est pourquoi le Burkina a mis en place un projet d’inventaire du patrimoine culturel immatériel, dans lequel le bien a été identifié. Après l’identification, vient un autre processus, celui de voir quels sont les éléments majeurs
qui concourent à l’équilibre social », a-t-il expliqué. Actuellement, a-t-il poursuivi, le ministère en charge de la culture est en train de faire ce travail. Et dès qu’il sera fait, les textes seront introduits pour pouvoir l’instaurer.
Issa SIGUIRE