ASSASSINAT DES MOINES DE TIBEHIRINE ET DE HERVE GOURDEL :Bientôt la vérité ?
Le meurtre odieux d’Hervé Gourdel, on le sait, s’est produit sur le sol algérien. Il a été revendiqué par les soldats du Califat, on le sait aussi. Mais quelles sont les identités des personnes qui ont posé l’acte ? A cette question, le gouvernement algérien vient d’apporter un début de réponse. Il s’agirait de l’Algérien Bachir Kherza, connu des services de renseignements pour s’être déjà illustré dans plusieurs opérations terroristes. Dans cette affaire, l’on peut dire que l’on va vers la lumière, même s’il est clair qu’une chose est d’identifier le meurtrier et qu’une autre chose est de l’arrêter pour qu’il réponde de ses actes. L’on peut faire confiance au gouvernement algérien dont la réputation de ne pas badiner avec les terroristes sur son sol est connue. Si dans la traque des meurtriers de Hervé Gourdel, l’on peut délivrer un satisfecit à l’Etat algérien, dans l’affaire de l’assassinat des moines de Tibéhirine, il pourrait avoir plutôt droit à un blâme. En effet, depuis 1996, date de leur disparition tragique, des zones d’ombre demeurent quant aux circonstances dans lesquelles ils ont été tués.
– Ont-ils été tués, puis décapités ?
– Qui les a réellement tués ?
Le séjour algérien du juge français ne sera pas de tout repos
C’est pour tenter de répondre à ces questions que le juge français, Marc Trévidic, s’est rendu à Alger le dimanche 12 octobre pour une visite d’une semaine. Au regard de la complexité du dossier, l’on peut déjà dire que le séjour algérien du juge français ne sera pas de tout repos, d’autant plus que la partie française semble ne pas se satisfaire de la version de l’Etat algérien, selon laquelle les moines ont été assassinés par les éléments du Groupe islamiste armé (GIA) qui, à l’époque des faits, sévissaient dans presque tout le pays. La visite du juge français, initialement prévue en mars dernier et qui avait été annulée 2 fois par les autorités algériennes, pourrait donner lieu à une infirmation de cette thèse. L’hypothèse d’une bavure de l’armée, maquillée soigneusement en acte terroriste, pourrait être sérieusement envisagée par le juge Marc Trévidic. Cette hypothèse est certes crédible, mais elle pourrait très difficilement se vérifier pour les raisons suivantes.
Toute la vérité doit être connue
D’abord, l’équipe du juge est composée d’experts algériens. Ces derniers pourraient avoir été dûment mandatés par les autorités algériennes pour compliquer la tâche du juge, au cas où celui-ci voudrait prendre une autre direction que celle qui blanchirait l’Etat algérien. Cette inquiétude est d’autant plus fondée que le gouvernement algérien a toujours vu d’un mauvais œil la volonté de la justice française de participer à la manifestation de la vérité dans le cadre de l’assassinat des moines de Tibéhirine. De ce point de vue, le fait même d’accorder maintenant, après tant de tergiversations, l’autorisation à la justice française de conduire une enquête sur le sol algérien, peut paraître suspect. Des précautions pourraient avoir été prises pour brouiller l’enquête. Ensuite, la science dont on dit qu’elle a son mot à dire dans la manifestation de la vérité dans le cadre de cette affaire, pourrait vite montrer ses limites. En effet, 18 ans après les faits, les indices susceptibles de fournir de la matière à des analyses scientifiques, peuvent faire défaut. A cela, l’on peut ajouter le fait que même la science peut être instrumentalisée, surtout quand on sait que les experts qui doivent faire le travail sont des Algériens.
Cela dit, toute la vérité doit être connue aussi bien dans l’assassinat de Hervé Gourdel que dans celui des moines de Tibéhirine. Cela nécessite une collaboration franche entre Paris et Alger. Mais n’oublions pas que les deux parties sont installées dans une attitude de méfiance réciproque, liée aux vicissitudes de l’histoire, qui pourrait nuire à la franche collaboration, débarrassée de tous les a priori.
Pousdem PICKOU