REVISION DU CODE ELECTORAL : Les députés de l’opposition claquent la porte, la loi adoptée
La première session extraordinaire de l’Assemblée nationale a pris fin le lundi 30 juillet 2018. Et c’est à cette clôture de la session que les députés se sont penchés sur le dossier numéro 9 relatif au projet de loi portant modification de la loi du 3 juillet 2001 portant Code électoral. Si juste avant le vote de la loi, les députés de l’opposition parlementaire ont claqué la porte, ceux de la majorité présidentielle l’ont adoptée.
44 députés de l’opposition (groupes parlementaires CDP, UPC et PJRN) ont quitté l’hémicycle juste après la lecture, par le député Nicolas Dah, de leurs motifs afin de ne pas prendre part au vote du projet de loi portant modification de la loi du 3 juillet 2001 portant Code électoral. Pendant ce temps, leurs camarades de la majorité présidentielle qui étaient 79 dont l’UPC/RD, après justification de leurs choix, ont, dans leur ensemble, adopté la loi. Sur les 127 députés, on a enregistré 123 présents et 4 absents non excusés. Et bien avant l’adoption de cette loi, la Commission des affaires étrangères, institutionnelles et des droits humains (CAGIDH), par la voix de son rapporteur, Alphonse Nombré, a présenté le rapport des différentes séances de travail. Des séances de la CAGIDH auxquelles ont pris part le gouvernement représenté par le ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation, Siméon Sawadogo, des représentants des autres commissions générales de l’Assemblée nationale. Le Chef de file de l’opposition politique (CFOP), des organisations de la société civile, des Organisations non gouvernementales, ont été entendus. Tous ont salué, selon le rapport, cette initiative du projet de loi parce qu’elle constitue une avancée dans le processus électoral par la matérialisation du vote des Burkinabè de l’étranger et les différents acteurs ont apporté des contributions. Malgré tout, des inquiétudes ont été relevées par rapport aux documents et certains lieux de vote. Mais, il faut retenir auparavant que les différentes modifications portent sur trois points. Dans un premier temps, cette modification porte sur les documents d’inscription sur les listes électorales et de vote. Ensuite, celle qui consiste à introduire un nouveau titre relatif à la tenue du référendum et une autre qui porte sur la mise en œuvre des dispositions relatives au vote des Burkinabè de l’extérieur. Au niveau des points de divergences, on note surtout ceux concernant les documents de vote. A ce sujet, l’Alliance des partis de la majorité présidentielle (APMP) propose que la CNIB et le passeport ordinaire soient les seuls documents officiels retenus pour le vote des Burkinabè de l’intérieur et de l’extérieur. Pendant ce temps, l’opposition propose l’utilisation de la carte consulaire, du passeport et de la CNIB comme documents de vote pour une période transitoire de cinq ans. Ce fut le véritable point d’achoppement et le gouvernement a justifié le choix de la CNIB et du passeport ordinaire comme seuls documents pour voter au Burkina et à l’extérieur.
Pour le gouvernement, le choix des documents ne signifie pas l’exclusion des Burkinabè de l’extérieur.
Ainsi et selon Siméon Sawadogo, ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation, on retient qu’en Côte d’Ivoire, sur environ 985 000 Burkinabè qui ont une carte consulaire, 300 000 disposent d’une CNIB, 300 000 d’un acte de naissance burkinabè et plus de 100 000 d’un passeport ordinaire. Lors de sa réaction, on constate que le ministre Siméon Sawadogo s’étonne que l’opposition rejette le fait que ce soit les documents qui soient retenus. En effet, affirme-t-il, le Chef de file de l’opposition politique leur a fait parvenir un document où il a souhaité que soient retenus la CNIB et le passeport ordinaire comme documents pour le vote, pour les Burkinabè de l’intérieur et de l’extérieur. Tout en soulignant que ce choix n’est pas une idée d’exclure des Burkinabè et que les uns et les autres comprennent que seuls la CNIB et le passeport sont les documents qui prouvent de la nationalité burkinabè. Par rapport aux lieux de vote, il a été choisi l’enceinte des ambassades et des consulats généraux. Et le ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation de faire savoir que le Burkina compte 36 ambassades et 12 consulats généraux dans le monde. Avant de demander qu’il faille aller de façon progressive pour la transparence dans le processus électoral. Le rapport de la CAGIDH fait ressortir qu’il est prévu, sur la base d’un consensus de la classe politique, une disposition transitoire dans le projet de loi, selon laquelle les dispositions relatives au vote des Burkinabè de l’extérieur entrent en vigueur le 1er janvier 2020. Ainsi, le référendum envisagé avant 2020, ne connaîtra donc pas la participation des Burkinabè de l’extérieur. En faisant le point de cette session extraordinaire, Alassane Bala Sakandé, président de l’Assemblée nationale, a souligné que c’est en quinze jours que huit projets de loi ont été soumis aux députés, par le gouvernement. C’est dans ce sens qu’il a félicité l’ensemble des députés et les différents acteurs qui ont apporté leurs contributions. Par rapport à l’attitude de l’opposition qui n’a pas participé au vote, le président Alassane Bala Sakandé estime qu’elle avait intérêt à rester dans la salle pour défendre leurs points de vue. Pour lui, exiger la CNIB et le passeport ordinaire comme seuls documents de votation ne signifie pas exclusion, car ce sont des documents que tout Burkinabè doit avoir.
Antoine BATTIONO
Réactions de députés
Yahaya Zoungrana, député du CDP
« Finalement, c’est la part du crapaud qu’on a accrochée dans un arbre »
« La première observation que nous avons faite, c’est que les députés ont reçu le rapport de la CAGIDH hors délai, alors que le règlement prévoit que le rapport soit déposé auprès des députés au plus tard 72 heures avant le vote. Dans le fond, la partie qui a cristallisé les débats est le vote des Burkinabè de l’extérieur. Il est vrai que le chef de l’Etat a maintes fois affirmé qu’ils vont voter mais finalement, c’est la part du crapaud qu’on a accrochée dans un arbre. Il ne peut pas dire qu’on ne lui a pas donné, mais il ne peut pas en bénéficier et pourquoi. Dans un pays comme la Côte d’Ivoire, et le ministre le reconnaît, il y a 400 000 Burkinabè qui vont voter, mais comment ? A partir du moment où le gouvernement s’interdit, à travers ce nouveau projet de loi alors que la loi Chérif le permettait, de demander au gouvernement des autres pays de mettre à leur disposition des lieux publics pour voter, comment les 400 000 Burkinabè de Côte d’Ivoire pourront-ils voter en une journée, dans l’enceinte d’une ambassade et d’un consulat ? Le ministre n’a pas répondu à cette préoccupation. L’idée de l’exclusion vient des manœuvres de ce pouvoir MPP pour conserver le pouvoir et c’était cela à l’époque de la loi Chérif. En 2020, c’est la majorité des Burkinabè de l’extérieur qu’on va empêcher de voter ».
Reine Sakandé, député MPP
« C’est grâce à nous que les Burkinabè de l’extérieur vont voter »
« Je voudrais saisir l’occasion pour rendre hommage au président du Faso, Roch Marc Christian Kaboré, qui avait pris l’engagement de faire voter les Burkinabè de l’extérieur. Dans cette loi, il y a des points de divergences et de convergences. Au niveau des divergences, on note les pièces de votation. Pour le gouvernement, les pièces concernées sont la CNIB et le passeport ordinaire, mais l’opposition refuse cela et veut que les Burkinabè de l’extérieur votent également avec la carte consulaire. Dans tous les pays où les Burkinabè peuvent voter, les cartes consulaires ne sont pas les mêmes puisqu’il y en a qui sont faites à main levée, d’autres qui ne sont pas biométriques et celles qui le sont, concernent surtout la Côte d’Ivoire. Tous les Burkinabè naissent libres et égaux, comme le dit la Constitution, en droits et en devoir. Si l’on s’en tient à cet article, nous pouvons dire qu’à partir du moment où les Burkinabè de l’intérieur voteront avec la CNIB ou le passeport ordinaire qui sont des pièces fiables, nous disons également que les Burkinabè de l’extérieur peuvent aussi voter avec ces deux pièces. L’opposition est dans son rôle mais souvent, elle en sort pour jouer un autre rôle masqué. Nous n’avons rien contre les Burkinabè de l’extérieur puisqu’au contraire, c’est grâce à nous qu’ils vont voter. C’est un bon projet de loi et il permet à tous ceux qui étaient exclus en 2015 d’être candidats en 2020 puisque le verrou a été levé et l’opposition n’en parle pas en se focalisant sur la carte consulaire ».
Propos recueillis par A.B