VERS UNE LIBERATION PAR BOKO HARAM DES LYCEENNES DE CHIBOK :Coup de bluff électoraliste ou vérité ?
Boko Haram sévit depuis longtemps au Nigeria où il s’illustre par des actes terroristes dévastateurs. Mais l’on peut avoir l’impression que le monde entier a pris conscience de l’ignominie des djihadistes nigérians, depuis que ces derniers ont jeté leur dévolu sur les lycéennes de Chibok en avril dernier. L’émotion avait saisi la planète entière. Celle-ci s’est alors mobilisée pour obtenir leur libération. Mais rien n’y fit. Le sort des adolescentes est resté en l’état. Pire, l’on pouvait même avoir le sentiment que plus personne ne s’en préoccupait encore. C’est pourquoi l’annonce par le Nigeria, d’un accord de cessez-le-feu avec le groupe islamiste armé et prévoyant la libération des lycéennes, retient l’attention de tous. Mais l’annonce de leur libération est une chose. Leur libération effective en est une autre. Tout le monde attend de voir pour croire. Ce scepticisme est d’autant plus fondé que le Nigeria, de par le passé, était passé maître dans l’art de l’intox, en matière d’informations à propos de Boko Haram. De ce point de vue, l’on peut se poser la question de savoir si la présente annonce par le Nigeria, de s’être entendu avec « les barbares » de Boko Haram sur la libération des lycéennes de Chibok dans les jours à venir, relève du coup de bluff électoraliste ou de la vérité. Pour abonder dans le sens de la première hypothèse, l’on peut dire que le sort des lycéennes était devenu un véritable boulet aux pieds de Goodluck Jonathan. En effet, tant que les lycéennes seront entre les griffes de Boko Haram, l’on voit mal comment le président nigérian peut arriver à convaincre ses compatriotes de lui accorder leurs suffrages à l’occasion de la présidentielle à venir.
La politique de la négociation est en passe de se substituer au tout répressif
Le moins que l’on puisse dire, est que ses principaux challengers n’auront pas besoin de se fouler la rate pour réunir contre lui des arguments face auxquels il pourrait ne pas avoir d’objections. L’un de ces arguments est de toute évidence le sort des jeunes filles. En annonçant leur prochaine libération par Boko Haram, il pourrait sauver le peu de crédit qui lui reste aux yeux des Nigérians, dans la perspective de se donner plus de chances de succéder à lui-même à l’occasion de la présidentielle à venir. Cette hypothèse qui s’inscrit dans une démarche électoraliste n’est donc pas farfelue. Mais l’on peut envisager une autre hypothèse selon laquelle l’annonce faite par le Nigeria, correspondrait à la vérité au regard des considérations suivantes. D’abord, l’on peut avoir l’impression que le Nigeria et dans une certaine mesure le Cameroun, ont changé de méthodologie dans leur rapport avec Boko Haram. La politique de la négociation et des rançons est en passe de se substituer au tout répressif. La libération des 27 otages camerounais et chinois enlevés fin mai dernier, pourrait être inscrite dans ce nouveau paradigme. Ensuite, l’implication du gouvernement tchadien à travers son ministre des Affaires étrangères, Mahamat Moussa dans les tractations, pourrait faire croire à la véracité de l’hypothèse. Le diplomate a même reconnu en des termes explicites que c’est à la demande du gouvernement nigérian et de Boko Haram que son pays a servi de médiateur pour arracher cet accord.
Cela dit, si l’hypothèse d’une négociation entre Boko Haram et le gouvernement nigérian venait à se confirmer, l’on ne devrait plus avoir peur de dire que le califat créé par les djihadistes de Boko Haram sur le sol nigérian, est désormais une réalité. Non seulement cette entité islamiste a un territoire, mais aussi et surtout, elle s’est octroyé la prérogative de mandater certains de ses membres pour négocier en son nom. Ce faisant, les attributs du califat sont en train d’être réunis pour que celui-ci évolue vers le plein exercice de sa souveraineté. De ce point de vue, l’on peut dire que Boko Haram a désormais un visage. Entre le fait d’accepter cette réalité, quitte à remettre en cause l’intégrité territoriale du Nigeria, et celui de laisser perdurer le sort des lycéennes de Chibok, Goodluck Jonathan semble avoir opté pour la libération des adolescentes. Si cela doit passer par des concessions à faire à Boko Haram, il pourrait le faire sans état d’âme, sachant qu’il s’en trouverait peu de personnes dans son pays et ailleurs pour lui jeter la première pierre.
Pousdem PICKOU