HomeA la uneBAGARRE ENTRE CIVILS ET MILITAIRES AU SOUDAN. : Jusqu’où ira le bras de fer ?

BAGARRE ENTRE CIVILS ET MILITAIRES AU SOUDAN. : Jusqu’où ira le bras de fer ?


 

Au Soudan, militaires et civils s’étaient donné trois jours, à compter de samedi soir, pour mettre en place un « Conseil conjoint de souveraineté » censé gouverner le pays durant la transition politique. A l’expiration du délai, c’est-à-dire hier, 2 mai 2019, aucune avancée notable, tant les positions restent tranchées. Objet du blocage : l’introuvable consensus sur la composition du fameux Conseil conjoint et le nombre de ses membres ainsi que sur la durée de la transition. En effet, alors que le Comité militaire au pouvoir, veut dix membres dont sept en uniforme, la Coalition de la liberté et du changement représentant la société civile, réclame, pour sa part, un Conseil de quinze membres dont huit civils. C’est manifeste : l’Armée soudanaise veut s’attribuer la part du lion ; toute chose qui souligne un appétit pantagruélique et témoigne de sa volonté de récupérer la révolution du peuple soudanais, entamée depuis le 19 décembre dernier. A cet égard, l’on peut dire que les civils se seront montrés moins gloutons et donc moins égoïstes puisqu’ils auront proposé une clé de répartition des postes, plus équitable, à savoir huit civils et sept militaires pour un Conseil conjoint de quinze membres au total. Mais là pourrait s’arrêter leur mérite. Car, aussi surprenante et curieuse que cela puisse paraître, la seconde proposition de la Coalition veut que la transition s’étale sur quatre ans, alors que la junte militaire au pouvoir n’en demande que deux. Quatre années pour une transition, avouez que c’est bien long ; quasiment la durée d’un mandat présidentiel ! Alors, de la junte militaire accrochée à ses sept précieux maroquins ou des civils plaidant pour une transition plus longue, à qui devrait revenir la palme de la gourmandise ?

En demandant à l’Armée soudanaise de l’aider à se débarrasser de Béchir, le peuple prenait le risque d’inciter la soldatesque à réclamer sa part de révolution

Il faut croire que pour les deux camps qui ne parviennent toujours pas à s’accorder sur le partage du gâteau national, les intérêts personnels passent d’abord, ceux du Soudan ensuite. Tout cela est indécent d’autant qu’il jure avec les justes et nobles motivations de la révolution. C’est, à la limite, une insulte à l’intelligence du peuple soudanais et à ce rythme, ce n’est pas demain la veille que ses aspirations seront satisfaites. Mais que l’on en soit arrivé à un tel blocage, le fait n’est pas étonnant. Car en demandant à l’Armée soudanaise de l’aider à se débarrasser de son oppresseur, Omar el- Béchir, le peuple prenait le risque, sans le savoir, d’inciter la soldatesque à réclamer « in fine » sa part de révolution et, en conséquence, à revendiquer les premiers rôles dans la gestion du pouvoir post Béchir. En tout cas, au Soudan comme ailleurs, à quelques rares exceptions près, c’est à ce triste scénario qu’on aboutit généralement quand les militaires sont appelés à la rescousse pour venir à bout des satrapes. La junte militaire soudanaise au pouvoir, n’a eu aucune gêne à le seriner : dans sa logique, elle a aussi été actrice de cette révolution pour avoir destitué le dirigeant soudanais, aujourd’hui incarcéré. L’argument paraît pour le moins spécieux. Car c’est bien la révolution du peuple et non la sienne, étant rappelé que le mouvement de contestation déclenché le 19 décembre, faisait suite au triplement du prix du pain. Une réalité dramatique qui n’était certainement pas partagée à l’époque par la hiérarchie militaire. Cela dit, les négociations étant au point mort, d’autres pourparlers s’engageront sans doute. Reste à savoir si elles aboutiront. En tous les cas, le peuple soudanais est prévenu ; son destin est entre ses mains et il devrait, par conséquent, continuer à maintenir la pression. On en aura la preuve encore aujourd’hui à travers la « marche du million » qu’il a réédité hier, 2 mai, pour que les objectifs de sa révolution ne soient pas, pour son plus grand malheur, vendangés.

« Le Pays »


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