CRISE INSTITUTIONNELLE EN GUINEE-BISSAU:La CEDEAO joue sa crédibilité
La Guinée-Bissau traverse encore une grave crise. En effet, à moins d’un mois de la présidentielle du 24 novembre, le pays a deux Premiers ministres et deux gouvernements. Il s’agit de celui d’Aristide Gomes, limogé par le président mais qui refuse de débarrasser le plancher parce qu’estimant que son limogeage est illégal, et de celui de Faustino Imbali, nommé le 31 octobre dernier, par le président José Mario Vaz et dont l’équipe a illico presto, prêté serment. Et c’est dans cet imbroglio politique que la campagne électorale pour la présidentielle, a été ouverte, le 2 novembre dernier.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que le président Vaz aurait voulu une crise institutionnelle au sommet de l’Exécutif qu’il ne s’y serait pas pris autrement. Si sa volonté est de donner du grain à moudre à la CEDEAO, il aura réussi son coup puisque cette institution ouest-africaine s’est vue obligée de dépêcher une délégation en Guinée-Bissau pour jouer les médiateurs. Et en attendant de connaître les conclusions de la mission de la CEDEAO qui doit se montrer ferme, l’on ne peut s’empêcher de dénoncer l’ingratitude du président Vaz envers l’organisation régionale. Car, s’il est toujours aux affaires, c’est bien grâce à la CEDEAO puisque son mandat a expiré depuis juin 2019. Mais n’ayant pas voulu qu’une transition vienne compliquer la situation qui n’est déjà pas facile pour les Bissau-Guinéens, l’instutiton ouest-africaine a décidé de prolonger son mandat à la tête de l’Etat tout en réduisant ses pouvoirs. Et au lieu de lui être reconnaissant, le président a plutôt opté pour la fuite en avant.
En tout cas, c’est un véritable pied de nez que José Mario Vaz vient de faire à la CEDEAO en nommant un homme-lige pour diriger la nouvelle équipe gouvernementale chargée d’organiser les élections. Sans doute le fait-il pour se donner plus de chances de remporter la présidentielle en candidat libre, puisqu’il n’est plus soutenu par le Parti africain pour l’indépendance de la Guinée et du Cap vert (PAIGC) sous la bannière duquel il avait brigué la magistrature suprême en 2014.
Il faut contraindre la Guinée- Bissau à marcher sur le chemin de la démocratie
Cela dit, en multipliant les crises au sommet de l’Etat, Vaz pousse dangereusement son pays vers le précipice. Cela d’autant plus que la Guinée-Bissau n’est pas un pays comme les autres. En tout cas, c’est un Etat, si c’en est vraiment un, qui semble se plaire à marcher sur la tête. Depuis son accession à l’indépendance, chaque page de son Histoire s’écrit en lettres de sang. Véritable pays de narcotrafiquants, la Guinée-Bissau a une longue tradition de coups d’Etat. Et n’eût été le concours de la CEDEAO, Dieu seul sait ce que serait devenu aujourd’hui ce petit pays aux gros problèmes. Il ne fait aucun doute que Vaz qui joue au Zorro et son régime seraient déjà rangés aux oubliettes, renversés par une soldatesque à la gâchette facile. Il est encore temps que ce président qui semble méconnaître l’Histoire de son propre pays, se ravise, car il court dangereusement à sa perte. Rien ne sert de faire l’autruche. S’il peut s’opposer à son parti parce qu’il se croit toujours fort, il ne saurait le faire plus longtemps avec la CEDEAO qui dispose de moyens coercitifs pour refreiner ses ardeurs. Cette organisation sous-régionale doit bander les muscles, pour faire entendre raison à ce président qui se prend pour le nombril de son pays.
En tout cas, la CEDEAO joue sa crédibilité. Ce bicéphalisme au sommet de l’Exécutif bissau-guinéen, ne saurait être toléré au risque de constituer un précédent dangereux. Il ne fait aucun doute que cette crise a été provoquée à dessein par le président Vaz, en vue de s’offrir un bonus ou de réaliser un hold-up électoral et cela, la CEDEAO ne doit pas l’accepter. Il faut contraindre la Guinée-Bissau à marcher sur le chemin de la démocratie, même si, pour cela, il faille s’ingérer dans les affaires internes du pays. D’ailleurs, peut-on parler d’ingérence quand on sait que la Guinée-Bissau est incapable de construire à elle seule, la démocratie et l’avenir de ses filles et fils?
Dabadi ZOUMBARA