CINQ CANDIDATS PROVISOIRES POUR LA PRESIDENTIELLE DU 12 DECEMBRE:L’Algérie rate le virage de l’Histoire
L’autorité électorale algérienne a annoncé, le samedi 2 novembre dernier, avoir validé les dossiers de cinq candidats à l’élection présidentielle prévue le 12 décembre prochain. Il faut rappeler que vingt-deux candidats avaient déposé leurs dossiers en vue de participer à ce scrutin destiné à trouver un successeur à Bouteflika, contraint à la démission le 3 avril dernier, après 2 décennies passées au pouvoir. Les recalés sont donc une foultitude et leur nombre pourrait davantage grossir, puisque le Conseil constitutionnel qui est l’instance suprême de la validation des dossiers des candidats, n’a pas encore dit son dernier mot. En tout cas, il a sept jours pour le faire à compter du samedi 2 novembre dernier, date à laquelle l’Autorité nationale indépendante des élections (ANIE) a fait sa décantation.
En attendant le scanner du Conseil constitutionnel après d’éventuels recours, on peut faire le constat que le pouvoir algérien a hermétiquement fermé les oreilles face à la clameur de la rue qui, depuis la chute de Boutef, appelle à un changement de système.
Il se profile à l’horizon une remise en selle du système Boutef sans Boutef
Rien que le vendredi 1er novembre dernier, les partisans de cette option, et Dieu seul sait s’ils sont nombreux, l’ont rappelé bruyamment à travers tout le pays. Cet énième rassemblement de contestation du peuple algérien, qui est devenu presqu’un rituel depuis la démission forcée de Boutef, a donc laissé de marbre le pouvoir algérien qui persiste et signe dans le déroulement de son calendrier électoral. Et à décrypter les profils des noms qui ont reçu l’onction de l’ANIE, l’on peut être tenté de dire que le pouvoir algérien est en train de narguer tous les Algériens qui sont aujourd’hui vent debout pour exiger la fin du système Boutef et partant, du Front de libération nationale qui l’a fabriqué.
Il se profile donc à l’horizon une remise en selle du système Boutef sans Boutef, puisque presque tous les candidats qui ont été déjà sélectionnés par l’Autorité nationale indépendante des élections, ont, par le passé, trempé la barbichette dans la soupe de celui qui, pendant 20 ans, a consciemment inscrit l’Algérie sur la liste des « pays de merde ». En effet, les cinq candidats retenus ont travaillé sous l’autorité de Bouteflika : Ali Benflis, en tant que directeur de cabinet à la présidence puis Premier ministre ; Abdelmadjid Tebboune qui fut plusieurs fois ministre puis Premier ministre ; et Azzedine Mihoubi, ministre de la Culture sous le même régime.
Le quatrième candidat est Abdelkader Bengrina, ancien ministre du tourisme. Ce dernier a également été ancien député, issu d’un parti qui a soutenu sans aucun discernement Boutef. Le cinquième, Abdelaziz Belaïd, a, quant à lui, fait partie d’organisations de la société civile qui ont aussi prêché pour le compte de la même chapelle. Pour le moment donc, le général Ahmed Gaïd Salah, chef d’état-major de l’armée et homme fort du pays depuis la chute de Boutef, peut se permettre de boire son petit lait puisque sa volonté de maintenir l’Algérie sous la botte de l’armée et de l’ancien système, est en passe de devenir réalité. Il lui reste seulement à légaliser son plan par le truchement des urnes.
On peut s’attendre à ce que les électeurs ne se bousculent pas devant les urnes le 12 décembre prochain
A propos de ce scrutin dont la tenue représente pour l’actuel homme fort du pays, presqu’un défi personnel, on peut se poser la question de savoir s’il va véritablement intéresser les Algériens. L’on peut en douter. Car, les Algériens, en tout cas ceux d’entre eux qui appellent à un changement radical de système, ne veulent pas en entendre parler. De ce point de vue, l’on peut s’attendre à ce que les électeurs ne se bousculent pas devant les urnes le 12 décembre prochain. Face à un tel scénario, l’on peut se demander si le nouveau président qui sortira vainqueur d’un tel scrutin, aura la légitimité et l’autorité qui en découle pour gouverner l’Algérie. La réponse est non. C’est pourquoi l’on peut se permettre de dire, sans grand risque de se tromper, que l’Algérie est en train de rater le virage de l’Histoire.
En tout cas, on est très loin du scénario de la Tunisie voisine. En effet, ce pays a su négocier le sien pour avoir, via les urnes, remis les rênes de la Tunisie à une personnalité à qui l’on ne peut pas faire le reproche d’avoir trempé la main dans le cambouis politique des régimes qui se sont succédé à la tête du pays. Ce dégagisme qui a triomphé chez le voisin, est de nature à susciter des émules en Algérie. Et ce n’est pas seulement la Tunisie qui a été séduite par ce vent nouveau, il y a aussi des pays comme le Liban ou encore l’Irak dont les populations sont vent debout aujourd’hui contre la vieille classe politique. Tous ces pays ne sont pas loin de l’Algérie. Et le peuple algérien qui, depuis l’indépendance du pays, a vécu dans sa chair les excès de la gouvernance FLN, sait que l’on ne peut pas faire du neuf avec du vieux. C’est pourquoi, tous les vendredis, il bat le macadam pour un vrai changement. Mais dans le même temps, on peut se demander comment ce changement qui, au demeurant est légitime, peut s’opérer en dehors des urnes. Les Tunisiens, en tout cas, s’y sont essayé et ils ont plutôt réussi. Mais il faut reconnaître que la Tunisie n’est pas l’Algérie. Car, de Ben Bella à nos jours, c’est l’armée qui y détient la réalité du pouvoir. Dans ce sens, on peut dire que l’Algérie est la sœur jumelle de l’Egypte.
« Le Pays »