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NEGOCIATIONS AVEC LES TERRORISTES AU MAL


L’auteur du point de vue ci-dessous, Ablassé Ouédraogo, qui n’est plus à présenter, pense que le président du Faso, Roch Marc Christian Kaboré, gagnerait à prendre langue avec les terroristes comme l’a fait son homologue du Mali, Ibrahim Boubacar Kéïta (IBK). Lisez plutôt pour en savoir davantage !

« Depuis janvier 2016, date de prise du pouvoir de Roch Marc Christian Kaboré et du régime du Mouvement du peuple pour le progrès (MPP), l’insécurité, de par le fait du terrorisme et de l’extrême violence, a gagné incontestablement du terrain au Burkina Faso, et malgré la volonté et les efforts des gouvernants du moment, le constat cruel est que la situation n’a cessé de se dégrader, comme le montre l’évolution du nombre d’attaques terroristes qui est passé d’environ 40 en 2017 à environ 350 en 2018 et à plus de 1 000 en 2019.
Il est clair que le Burkina Faso est donc engagé de pleins pieds dans une longue guerre avec une issue incertaine et dont l’impact est aujourd’hui de plus en plus insupportable pour l’ensemble de la population.
Aujourd’hui, les conséquences évidentes de ces attaques et de cette insécurité croissante sont, entre autres, que :
– le Burkina Faso perd graduellement le contrôle de certaines parties du territoire national si bien qu’aujourd’hui, parler de souveraineté sur les 274 200 km carrés du territoire national relève du leurre et du mensonge ;
– la pression, exercée par les assaillants terroristes et grands bandits sur de nombreuses localités de notre pays, a entraîné depuis janvier 2016, la mort de près d’un millier de personnes, l’enregistrement de près d’un million de personnes déplacées internes, et de plus de deux millions de personnes en situation d’urgence humanitaire ;
– l’économie de notre pays est dans un marasme provoqué par l’insécurité et l’instabilité, qui ont entraîné la fuite des investisseurs et des capitaux tant nationaux qu’étrangers, et les conséquences sont un accroissement incontestable de la pauvreté et du chômage. Le Burkina Faso d’aujourd’hui est réellement une poudrière dont l’explosion peut conduire au chaos et à l’irréparable.
– l’avenir du pays est compromis avec la fermeture de près de 3 000 écoles, entraînant un arrêt de travail de plus de 10 000 enseignants.
– pour tout dire, le Burkina Faso est en sursis dans son existence même et la descente aux enfers se poursuit inexorablement comme l’illustrent, si besoin en était encore, les récents massacres de dix éléments de nos braves Forces de sécurité, le 29 février 2020 à Sebha dans la province du Yagha, et de 43 civils, le 8 mars 2020, dans la commune de Barga, province du Yatenga. Et le drame est qu’aucune perspective de redressement de la dynamique actuelle n’est perceptible à l’horizon.
Il va sans dire que les défis auxquels le Burkina Faso et l’ensemble des pays du Sahel font face demeurent les conflits locaux, le grand banditisme, la criminalité transnationale, l’extrémisme violent, le terrorisme et la gouvernance de la sécurité. Et clairement, le combat pour relever ces défis difficiles ne saurait concerner les pays pris individuellement, mais doit être global et concerté.  De l’analyse de la situation que nous vivons, il apparaît clairement que le gouvernement de SEM Roch Marc Christian Kaboré a opté, en tout cas pour l’instant, pour la stratégie du « tout-militaire » pour faire cette guerre asymétrique contre l’hydre du terrorisme et de l’extrémisme violent. En effet, la politique du gouvernement burkinabè pour combattre le phénomène de l’insécurité est bâtie, notamment, sur la programmation militaire, le programme d’urgence pour le Sahel, la révision du Code pénal, l’état d’urgence décrété dans certaines localités et le recrutement des volontaires pour la défense de la patrie.  Cette politique ne prospère pas et il est établi que le président Kaboré a failli au serment qu’il a prêté, à son investiture le 29 décembre 2015, de défendre l’intégrité du territoire national et de protéger les personnes et leurs biens. Par conséquent, il lui appartient de tirer les conséquences qui s’imposent ou aux institutions habilitées d’engager la procédure qui sied en pareille circonstance. Malgré la quantité énorme des investissements humains et matériels engagés dans cette guerre de longue haleine, les résultats obtenus sont loin des attentes. Et l’on peut même se convaincre aisément du déphasage, si ce n’est du décalage avec la réalité du terrain, où l’on tente d’apporter une réponse totalement militaire à un phénomène reconnu largement politique.  Malheureusement, le temps presse et il est plus qu’urgent d’explorer d’autres voies plus efficaces pour trouver la solution idoine à cette guerre atroce que nous subissons injustement. Si l’on applique le principe sacro-saint selon lequel, la force ne peut pas être une solution ou une réponse définitive à une situation de crise, il est facile d’accepter d’essayer la voie diplomatique, et celle de la discussion pour la recherche de la solution dans toutes les situations de crises qui commencent toujours par des actions militaires. D’ailleurs, l’expérience dans la gestion des crises et des conflits dans le monde démontre que  c’est toujours autour de la table et par le dialogue que le règlement final se fait.  C’est certainement dans cette perspective que le Mali, pays voisin du Burkina Faso, dans cette même situation de guerre depuis huit (8) ans, dont le gouvernement s’était jusque-là officiellement opposé au dialogue avec les groupes armés terroristes, s’est résolu à changer son fusil d’épaule, avec l’annonce faite par le président Ibrahim Boubacar Kéita, de dialoguer avec les chefs djihadistes, Amadou Koufa, chef de la Katiba Macina et Lyad Ag Ghali, chef du Groupe pour le Soutien à l’Islam et aux Musulmans (GSIM) , au cours de son entretien avec RFI et France 24, le 10 février 2020, en marge du 33e Sommet des Chefs d’Etat et de gouvernements de l’Union Africaine, tenu à Addis Abeba, en Ethiopie. Tout comme au Mali, au Burkina Faso, cette option du dialogue au-delà de tout orgueil personnel, de tout populisme et de toute démagogie, s’inscrit dans le cadre du dialogue national inclusif en vue d’aboutir à la réconciliation nationale, qui doit être inclusive, ouverte et sincère. C’est un impératif catégorique. Notre pays dispose des capacités et des compétences humaines requises pour réussir une telle démarche eu égard à l’expérience qu’il a accumulée dans les nombreuses médiations. L’objectif de cette démarche est d’épargner avant tout des vies humaines et de créer un environnement favorable de stabilité, de sécurité et de confiance, pour la reconstruction de l’économie pour un développement durable assis sur le vivre- ensemble et la cohésion sociale, et pour tout dire, faire du Burkina Faso, un havre de paix et de bonheur comme jadis.  Nous lançons donc un appel patriotique au président Kaboré pour qu’il change, immédiatement, de stratégie en emboîtant le pas du président malien, Ibrahim Boubacar Kéita, dans le combat contre le terrorisme en explorant d’autres voies que celles empruntées aujourd’hui, à savoir celle du « tout-militaire » qui coûte extrêmement cher matériellement et humainement. Ce faisant, la voie diplomatique et de la négociation que nous proposons, sera un complément naturel à l’option du « tout-militaire ».  Le peuple burkinabè a toujours des aspirations qui demandent à être satisfaites. Travaillons tous ensemble dans cette dynamique pour restaurer véritablement la paix, la stabilité, la sécurité, la confiance, le vivre- ensemble et la cohésion sociale. Et nous avons les hommes, les femmes et les moyens pour le faire.

« Rien n’arrête une idée arrivée à son heure »
Dr Ablassé OUEDRAOGO
Commandeur de l’Ordre National »


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