REPRISE DE MANIFS AU MALI
Décidée à reprendre du service après la « trêve de la Tabaski », la rue malienne a encore grondé le 11 août dernier, à l’appel de l’imam Mahmoud Dicko, pour demander le départ du président Ibrahim Boubacar Kéïta (IBK) du pouvoir. Ce, en dépit de la médiation de la CEDEAO dont le représentant, l’ancien président nigérian, Goodluck Jonathan, était, pas plus tard que la veille de la manif, encore au chevet de ce grand malade ouest-africain, à l’occasion de la prestation de serment des neuf (09) nouveaux membres de la Cour constitutionnelle, nommés la semaine dernière pour tenter de mettre fin à la crise. Le moins que l’on puisse dire, c’est que l’on assiste à une dégradation continue de la situation sociopolitique au Mali où les protagonistes rechignent encore à fumer le calumet de la paix, malgré les nombreuses intercessions et autres missions de bons offices. Chaque camp campant sur sa position. En effet, d’un côté, le pouvoir donne l’impression de vouloir couper l’herbe sous les pieds de l’opposition à travers des concessions a minima, notamment le renouvellement au pas de course de la Cour constitutionnelle qui est l’un des points de crispation de la situation, l’ouverture à la formation d’un gouvernement d’union nationale tout en embouchant la trompette de possibles négociations avec les djihadistes ; position dont on se demande si ce n’est pas pour amadouer l’imam Dicko qui n’a jamais caché son penchant pour une telle option. De l’autre, les contestataires réunis au sein du M5-RFP et galvanisés par les fortes mobilisations, semblent ne pas vouloir se laisser conter fleurette en exigeant ni plus ni moins que la démission du président IBK, doublée, depuis quelque temps, de celle du Premier ministre, Boubou Cissé. La question que l’on peut, dès lors, se poser, est celle de savoir jusqu’où ira le bras de fer entre IBK et la rue. Bien malin qui pourrait en prévoir l’issue.
Il appartient aux Maliens de savoir tirer leçon de leur propre histoire
D’autant qu’à l’étape actuelle des choses, tout porte à croire que le pouvoir, fort du soutien de la communauté internationale, à travers la CEDEAO qui a clairement indiqué que la question de la démission du chef de l’Etat, est une ligne rouge à ne pas franchir, veut avoir l’opposition à l’usure. L’opposition, de son côté, croyant trouver légitimité dans l’impopularité du président IBK aux yeux des croquants, se croit fondée à demander le départ du chef de l’Etat sans condition, ici et maintenant. Dans ce dialogue de sourds, on n’est pas loin du clash ; tant la situation reste fortement explosive. Et en continuant de raidir la nuque et en poussant IBK dans ses derniers retranchements, l’imam Dicko et ses ouailles ne lui offrent finalement pas d’autre solution que taper du poing sur la table pour sauver son fauteuil ou sortir de l’histoire par une porte dérobée. C’est dire si avec la reprise des manifs, le Mali entre véritablement dans une zone d’incertitudes, avec un risque élevé d’affrontements, dans un scénario du « ça passe ou ça casse ». Mais à ce jeu, c’est le pays tout entier qui sort perdant. Car, la violence n’a jamais rien arrangé en politique si ce n’est qu’à conduire à la radicalisation et creuser davantage le fossé de la division. Il appartient donc aux Maliens de savoir tirer leçon de leur propre histoire, suffisamment mouvementée, pour se ressaisir pendant qu’il est encore temps. Il y va de l’intérêt de tous.
Outélé KEITA