HomeFocusDEMANDE DE PARDON DE L’ADF/RDA : Le peuple acceptera-t-il ce mea culpa ?

DEMANDE DE PARDON DE L’ADF/RDA : Le peuple acceptera-t-il ce mea culpa ?


L’ADF/RDA (Alliance pour la démocratie et la fédération-Rassemblement démocratique africain), l’un des partis alliés à Blaise Compaoré, a animé, ce samedi 6 décembre 2014, une conférence de presse. Cette sortie, qui intervient plus d’un mois après la chute du régime Compaoré, a été marquée par deux faits majeurs. La demande de pardon à l’unisson et l’absence du premier responsable du parti, Me Gilbert Noël Ouédraogo. Ces deux faits pourraient susciter les observations suivantes.

Les principales marques de fabrique de cette formation politique, sont le clair-obscur et l’incohérence

Par rapport à la demande de pardon de l’ADF-RDA, l’on peut dire que dans le principe, cela est une bonne chose, parce que, simplement le pardon est une valeur cardinale dans les relations interhumaines. Même une institution noble comme l’Eglise catholique a eu l’humilité et le courage de demander pardon pour le rôle trouble et controversé qu’elle a joué dans la   déportation des juifs, conduite par les nazis et leurs alliés,   pendant la Deuxième Guerre mondiale. De ce point de vue, le mea culpa de l’ADF/RDA pourrait être recevable. Mais, dans le même temps, l’on ne peut s’empêcher de se poser la question de savoir si le pardon sollicité par ce parti est à la hauteur du péché qu’il a commis. En effet l’ADF/RDA est un parti qui a toujours brouillé le jeu politique sous l’ère Compaoré au Burkina Faso.

Et c’est peu de dire que les principales marques de fabrique de cette formation politique, sont le clair-obscur et l’incohérence. Dans la même journée, elle peut soutenir une chose le matin, puis, le soir venu, sans état d’âme et avec la même conviction, elle soutient le contraire. Cette attitude qui vide la politique de toute noblesse, a considérablement entamé la crédibilité du parti de l’Eléphant et donné l’impression aux Burkinabè que la formation politique de Me Gilbert Noël Ouédraogo, ne s’est jamais positionnée comme une force alternative au système Compaoré, mais comme une entité politique dont les prises de position obéissaient   à des considérations oesophagiques. Cette ligne politique  a dû faire se retourner plusieurs fois dans leurs tombes, de grands hommes comme Ouezzin Coulibaly, qui ont porté sur les fonts baptismaux le
RDA en 1946 sur les bords du fleuve Djoliba  à Bamako. A l’époque, et l’on peut éprouver de la nostalgie, le RDA portait de grands idéaux pour l’Afrique. Au fil des ans, il s’en est démarqué dans certains pays comme le Burkina où l’opportunisme politique, sous le régime Compaoré, l’a réduit en un parti chauve-souris, prompt dans les retournements spectaculaires juste pour glaner des strapoutins ministériels et autres privilèges.

Il a joué un jeu politique très dangereux pour la patrie et il a perdu. Il doit porter le fardeau moral et politique de ce choix

Ensuite, le mea culpa de l’ADF/RDA est d’autant plus gênant que pendant toute la période critique de l’histoire récente du pays, elle avait pris la pleine mesure de son choix d’accompagner Blaise Compaoré dans son projet d’assassiner la démocratie dans notre pays. En effet, à la veille de la journée du 30 octobre 2014 et à l’occasion d’une émission organisée par nos confrères de RFI et France 24, le premier responsable du parti, Me Gilbert Noël Ouédraogo, répondant à une mise en garde formulée par le président du parti « Le Faso, autrement », Ablassé Ouédraogo, qui attirait son attention sur le fait qu’il filait du mauvais coton en engageant son parti aux côtés de  Blaise Compaoré pour bricoler la loi fondamentale, avait dit en substance et avec conviction ceci : « Je suis de la majorité présidentielle » et plus loin, il enfonçait le clou en disant : « J’assume mon choix ». Cette prise de position est certes détestable, mais elle a au moins le mérite de la clarté. La logique aurait donc voulu que l’ADF/RDA s’assumât jusqu’au bout.

Il a joué un jeu politique très dangereux pour la patrie et il a perdu. Il doit, par conséquent, aujourd’hui porter le fardeau moral et politique de ce choix conscient, qui, rappelons-le, a provoqué ruines et larmes au Burkina. De ce point de vue, l’on peut dire avec force que la demande de pardon de l’ADF/RDA est trop facile. A ce rythme, l’on pourrait s’attendre à ce que d’autres formations politiques lui emboîtent le pas dans l’avenir, en posant en toute conscience des actes politiques gravissimes pour le pays, puis, après coup, se répandre facilement en génuflexions pour implorer la pitié et le pardon du peuple burkinabè. Ce faisant, la politique romprait  avec la vertu et la responsabilité pour devenir un instrument d’assouvissement de préoccupations bassement matérielles et personnelles.

L’autre observation qui pourrait faire douter de la sincérité de la demande de pardon de l’ADF/RDA, pourrait se résumer à la question suivante : pourquoi le premier responsable du parti n’a-t-il pas pris les devants pour exprimer cette demande de pardon solennellement au peuple burkinabè ? Le peuple du Burkina Faso, qui n’a pas encore fini de pleurer ses morts, aurait pu examiner à sa juste valeur, cette demande de pardon si elle avait émané de la bouche de la personne qui incarne le mieux l’ADF/RDA. Qu’est devenue la tête du parti pour que le genou porte le chapeau ? pourrait-on s’interroger. Cette question est d’autant plus pertinente, que l’on peut avoir l’impression qu’au fil du temps, l’ADF/RDA s’est dégénérée au point de s’apparenter aujourd’hui à un parti où la démocratie est absente, en interne. A ce que l’on dit, les autres comptent pour du beurre dans les grandes décisions du parti. A ce propos, et si l’on en croit ceux qui ont la bouche fendue au mauvais endroit, la décision assassine du parti d’accompagner Blaise Compaoré dans son attentat contre l’alternance, n’a pas été du goût de certaines personnalités de l’ADF/RDA. Me Gilbert Noël Ouédraogo aurait alors tenté d’étouffer ces voix discordantes, puisque le parti, c’est d’abord lui.

Cela dit, l’on peut rendre grâce à l’ADF/RDA, pour avoir, par son comportement, permis au peuple burkinabè d’obtenir au bout de la lutte, plus que ce qu’il espérait. En effet, plus que le renoncement de Blaise Compaoré à sauter le verrou de la limitation des mandats présidentiels, la voie de l’alternance est grandement ouverte du fait de sa démission forcée. De ce point de vue, on peut parler de l’heureuse bêtise de l’ADF/RDA.

« Le Pays »


Comments
  • bonne analyse de la demande de pardon de l’ADF RDA.
    Des vampires qui veulent boire le sang des autres. Il faut vous cacher en attendant la justice pour vous expliqué. c’est facile de tuer et venir demander pardon. Imaginer la douleur des famille endeuillé.

    9 décembre 2014

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