RETOUR AVORTE DU CANDIDAT DU MPS, YACOUBA ISAAC ZIDA
C’est fait depuis vendredi dernier, Yacouba Isaac Zida a été investi comme candidat du Mouvement du peuple pour le salut (MPS) à la présidentielle d’octobre prochain, lors du congrès extraordinaire de ce parti, à la Maison du peuple de Ouagadougou. Physiquement aux abonnés absents dans cette mythique enceinte de la capitale burkinabè pleine de militants exaltés, l’ancien Premier ministre de la transition et Général de division, s’est adressé à son auditoire par visioconférence depuis son pays d’adoption (le Canada), et l’occasion était belle pour lui de redire son ambition pour le Burkina et de tirer à bout portant sur le Mouvement du peuple pour le progrès (MPP), coupable, à ses yeux, de tous les malheurs du Burkina depuis son accession au pouvoir en fin 2015. Pour le MPS et pour Zida lui-même, le gouvernement de Roch Marc Christian Kaboré est pire que celui de Blaise Compaoré qui a été balayé comme chacun le sait en 2014, par le peuple insurgé, notamment en termes de sécurité, d’intégrité territoriale et de libertés individuelles et collectives. C’est d’ailleurs le risque de privation de sa liberté dès son atterrissage à l’aéroport de Ouagadougou, qui a été brandi par Isaac Zida pour justifier son absence à son investiture. Les autorités ayant tout mis en œuvre, selon son parti, pour procéder à son arrestation et à son « humiliation » en se fondant sur l’alibi de la désertion dont tout le monde sait le fond est purement politique. Faux, voire ridicule selon le communiqué du gouvernement qui affirme que l’exilé d’Ottawa fait du bluff pour se rappeler au bon souvenir des Burkinabè, et que son retour au bercail ne souffre d’aucune interdiction, contrairement aux allégations du président du MPS, Augustin Loada.
Il faut reconnaitre que Zida est loin d’être une mauviette politique
Alors, s’agit-il d’une auto-victimisation de Isaac Zida pour s’attirer davantage de sympathie de la part de ses compatriotes, ou d’une exclusion politique déguisée savamment orchestrée par le MPP, pour éteindre les ambitions d’un homme qui ne manque pas de soutiens au sein de l’armée, des organisations de la société civile et même de partis politiques ? Il y a sans doute un peu des deux, car l’ancien Premier ministre est conscient que les casseroles judiciaires qu’il traîne, (répression sanglante des insurgés en 2014, désertion en temps de paix, mauvaise gestion des fonds publics pendant la Transition), pourraient le conduire devant le juge et surtout à la maison d’arrêt, sans oublier qu’il a toujours des comptes non soldés avec ses anciens camarades du RSP, ce groupe de soldats dont on n’a pas besoin de développer l’acronyme pour savoir ce qu’il fut, et surtout ce qu’il fit de mal pendant la Transition et même bien avant. Comment Zida peut-il ne pas nourrir un complexe de persécution quand il se dit qu’il a risqué sa vie pour sauver le Burkina quand tout allait en vrille en 2014, et quand il pense que c’est grâce à son audace et à son courage suicidaire que les élections ont pu être organisées en 2015, concluant ainsi une Transition mouvementée et marquée notamment par des scènes de hooliganisme de la bande à Diendéré ? C’est pour toutes ces raisons que le MPS de Augustin Loada estime qu’on devrait dérouler le tapis rouge à Zida, ne serait-ce que par devoir de gratitude au lieu de l’accabler de tous les péchés d’Israël et de l’empêcher, ipso facto, de regagner librement son pays. En tout état de cause, si cette candidature était à but apotropaïque, c’est raté, d’autant qu’en lisant entre les lignes du communiqué gouvernemental, la foudre judiciaire va indubitablement s’abattre sur Isaac Zida à son retour au bercail. De là à penser qu’il y a une cabale contre leur champion par les autorités actuellement en place, il n’y a qu’un petit pas que le MPS et les autres fidèles du Premier ministre Zida franchissent allègrement. Car, même si ce dernier est militaire de carrière, il faut reconnaitre qu’il est loin d’être une mauviette politique et pourrait même apparaître comme un poil à gratter pour le pouvoir s’il venait à se présenter à la prochaine présidentielle. Si tel est le cas, pourquoi ne rentrerait-il pas pour faire face à la Justice et à son destin, lui qui se présente comme un disciple du très respecté Thomas Sankara, donc comme un parangon de la vertu et de la bravoure ? Après tout, il ne sera pas l’unique candidat à la présidentielle en Afrique à ne pas pouvoir battre campagne s’il venait à être incarcéré, parce qu’il y a eu les cas Hama Amadou au Niger et Nabil Karoui en Tunisie, pour ne citer que ceux-là. Son retour au bercail aurait pu donc, malgré les risques encourus, le grandir davantage et donner plus d’espoir à tous ses fans qui pensent qu’il pourrait revenir aux affaires grâce à une pirouette du destin, comme ce fut le cas en 2014. Ce ne sera visiblement pas pour 2020, et sa candidature de cette année, si elle venait à être validée, ne serait qu’un petit tour d’échauffement, en attendant 2025 et l’assouplissement possible, entre-temps, de ses conditions de retour, au nom de l’inclusivité et de la réconciliation nationale.
Hamadou GADIAGA