TENTATIVE DE COUP D’ETAT AU NIGER
« Tout est sous contrôle», affirmait une source autorisée au Niger, en réaction à la nuit très agitée du 31 mars qu’ont connue le quartier administratif abritant la Présidence de la République et les autres quartiers du centre-ville. En effet, des tirs nourris à l’arme lourde et à l’arme légère y ont été entendus vers 3 heures du matin. Selon les informations encore très parcellaires, les premiers tirs seraient partis de quelques éléments de l’armée, entraînant une réponse vigoureuse de la garde présidentielle. Selon de nombreux observateurs, il s’agit d’une tentative de coup d’Etat dans ce pays qui, depuis l’indépendance, a connu trois putschs, notamment en 1974, 1996 et 2010, si l’on écarte les tentatives étouffées dans l’œuf. En attendant que l’évolution de la situation apporte des réponses aux nombreuses questions que soulèvent ces bruits de bottes, l’on ne peut que déplorer cette mauvaise publicité que des esprits rétrogrades ont orchestrée pour salir la transition politique au Niger que la communauté a unanimement saluée.
A qui profite le crime ?
La situation est d’autant plus déplorable que les conséquences de ce coup de force manqué, auraient été non seulement désastreuses pour ce pays en pleine tourmente sécuritaire, mais aussi pour l’ensemble de la sous-région ouest-africaine avec ce cas qui viendrait s’ajouter au précédent malien, ouvrant ainsi une nouvelle ère des putschs militaires en Afrique de l’Ouest. La question que l’on peut, en tout cas, se poser en pareille situation, est la suivante : à qui profite le crime ?En attendant que des éléments de preuves soient apportés, tous les regards sont tournés vers le candidat malheureux du second tour de l’élection présidentielle du 21 février dernier, Mahamane Ousmane. Et pour cause. D’abord, le leader du RDR-Tchanji avait ouvertement appelé l’armée à prendre ses responsabilités suite à l’annonce des résultats du scrutin qu’il conteste. Ensuite, la tentative de coup de force intervient précisément pendant les manifs qu’il organise sur toute l’étendue du territoire national pour rejeter la validation des résultats de l’élection présidentielle par les « sages » de la Cour constitutionnelle. Tout cela fait de lui le coupable parfait et à la vérité, ce ne sont pas les motivations qui lui manquent. En effet, l’homme a tout à gagner en empêchant l’investiture du nouveau président Mohamed Bazoum, prévue pour le 2 avril prochain. Non seulement, en poussant la transition politique vers le vide juridique, il crée une période de non-droit favorable au rapport de forces avec une rue debout. Mais aussi, un coup d’Etat réussi aurait remis le processus démocratique à plat, ouvrant la voie à l’organisation de nouvelles élections. Car, l’on imagine aisément que si Bazoum s’installe au pouvoir, ce serait sans doute pour une dizaine d’années ; ce qui, du coup, met fin au rêve présidentiel de Mahamane Ousmane. Surfant sur la fibre ethnique, il est tout à fait plausible qu’il ait pu instrumentaliser des éléments de l’armée pour servir ses sombres desseins politiques.
Mohamed Bazoum a du pain sur la planche
Cela dit, il n’est pas exclu que ce coup de sang de la soldatesque nigérienne, soit causé par un malaise interne. L’on sait que « les guerriers du désert du Ténéré » ont été très sérieusement éprouvés par les attaques des groupes terroristes qui les harcèlent de façon permanente sans qu’ils ne puissent disposer de la logistique nécessaire pour leur apporter la réponse adéquate. Cette situation qui porte de sérieux coups au moral des troupes, peut effectivement pousser à des mutineries. Dans ce cas de figure, ces tirs à l’arme lourde en plein centre de Niamey, pourraient constituer un avertissement sans frais pour le nouveau président. Cela dit, cette manifestation bruyante de la Grande muette nigérienne vient rappeler la fragilité de tout processus démocratique. Même les grandes nations démocratiques ne sont guère à l’abri des menaces permanentes sur la démocratie comme l’a prouvé l’exemple des Etats-Unis avec l’attaque du Capitole par les partisans de l’ex-président, Donald Trump. Et au Niger, les périls pour la démocratie sont bien connus : il s’agit de la manipulation de la fibre ethnique par les hommes politiques au service de leurs ambitions personnelles, des irruptions fréquentes sur la scène politique d’une armée qui a pris goût au pouvoir et qui a du mal à se muer en une véritable armée républicaine. Et tout cela fait penser qu’il faut une véritable catharsis sociale au Niger pour chasser définitivement les vieux démons, de la maison. Et c’est en cela que l’on peut dire que Mohamed Bazoum a du pain sur la planche. Mais en attendant cette grande cérémonie d’exorcisation, l’on peut, sans risque de se tromper, dire que le mal est déjà fait. En effet, l’armée ne peut que sortir affaiblie de cette crise qui a mis aux prises des frères d’armes et l’image démocratique du pays prend un sérieux coup. Et tout cela fait l’affaire des groupes armés qui rient sous cape. Mais le plus à plaindre dans cette affaire, est le président entrant qui, non seulement, se doit de mettre le pied à l’étrier avec le moral au talon, mais aussi d’utiliser ce coup d’Etat manqué pour réduire définitivement son adversaire au silence.
« Le Pays »