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NOUVEAU GOUVERNEMENT MALIEN


Moins d’une semaine après la désignation de Choguel Kokalla Maïga comme Premier ministre par le président de la Transition, le colonel Assimi Goïta, les deux nouvelles têtes de l’Exécutif ont cosigné, vendredi dernier, un décret actant la nomination de 28 membres du gouvernement dont 25 de plein exercice et 3 ministres délégués. Sans surprise, on y retrouve les membres de la junte et du M5-RFP aux postes-clés, le reste des portefeuilles ayant été attribué aux autres acteurs du monde politique et de la société civile. Ce nouveau gouvernement voit le jour dans un contexte marqué par d’énormes défis internes à relever, notamment sur les plans sécuritaire et social, et par un très fort coup de pression de la France qui, à en croire son président,  «ne resterait pas aux côtés d’un pays où il n’y a plus de légitimité démocratique ni de transition». Malgré ces immenses adversités, le colonel Goïta et son gouvernement semblent   décidés à garder le cap et à conduire la Transition jusqu’à son terme prévu pour le début de l’année prochaine. La question est de savoir si dans les huit mois qui nous séparent des prochaines échéances électorales, les autorités de la Transition pourront, malgré leur volontarisme, créer les conditions d’un retour au calme et à la sécurité dans ce pays dont plus de la moitié échappe toujours au contrôle de l’Etat. Rien n’est moins sûr, quand on sait que la crise sécuritaire ne fait que s’aggraver, que le nombre de victimes ne fait qu’augmenter, que les opérations militaires visant à pacifier les régions du Nord et du Centre, sont dans l’impasse et le seront davantage avec la décision française de suspendre les opérations conjointes avec l’armée malienne depuis le coup d’Etat du 24 mai dernier. Bien que les défis soient immenses, les Maliens, dans leur grande majorité, ne semblent pas ébranlés outre mesure à l’idée de voir les troupes françaises plier bagage.

 

C’est à l’aune des résultats obtenus que le colonel-président sera jugé à la fin de son « mandat »

 

Car, ils estiment qu’après autant d’années de collaboration avec l’ancienne puissance colonisatrice pour des résultats aussi mitigés, le temps est venu de changer de cap et d’option dans la lutte contre l’insécurité et pour la préservation de la paix et de la cohésion sociales. Dans cette perspective, ils pourraient voir d’un bon œil que les autorités maliennes s’entichent avec les Russes connus pour ne pas faire dans la dentelle quand il s’agit de casser du terroriste, si le colonel Goïta décidait de continuer la guerre contre les groupes djihadistes qui se multiplient par scissiparité au nord et au centre du Mali depuis une bonne dizaine d’années. Aucun officiel malien n’a, pour le moment, publiquement envisagé la carte russe, et l’option la plus privilégiée reste la négociation avec les « méchants » afin de trouver une solution endogène et acceptable à la crise. Il est fort probable que Assimi Goïta et son gouvernement fassent fi des menaces de la France qui s’oppose fermement aux pourparlers de paix avec les terroristes, fussent-ils Maliens d’origine, pour prendre langue avec tous les groupes enclins à la négociation afin d’épargner les vies humaines et de restaurer l’autorité de l’Etat sur tout le territoire. C’est à l’aune des résultats obtenus et des avancées sur le plan sécuritaire, que le colonel-président sera jugé à la fin de son « mandat », et il sait très bien qu’il est attendu au pied du mur non seulement par ses compatriotes, mais aussi par les partenaires du Mali qui voient dans son deuxième coup d’Etat en moins d’une année, rien moins qu’une entourloupe pour prendre le pouvoir et le conserver envers et contre tous. Ces partenaires, la France en tête, sont d’autant plus dubitatifs sur la capacité des nouvelles autorités à pacifier ce pays pris dans le tourbillon des violences djihadistes et intercommunautaires depuis 2012, par la voie de la négociation, que certains groupes comme l’EIGS et AQMI sont dirigés par des étrangers et sont moins disposés à s’asseoir autour de la même table que ceux qu’ils combattent et qu’ils considèrent comme des apostats. L’option du dialogue même avec la Katiba Macina de Amadou Koufa, qui a été prise depuis 2017 à l’occasion de la Conférence d’entente nationale, est contre-productive, selon la France, parce que les exigences des islamistes seront fatalement contraires aux valeurs d’une république laïque et donc inacceptables pour les bien-pensants. Pour certains, la meilleure manière d’éradiquer ce fléau est de supprimer les chefs de ces groupes, comme l’opération Barkhane l’a fait le 5 juin dernier dans les alentours d’Aguelhok, en bombardant une horde de terroristes dirigée par Baye Ag Bakabo, l’organisateur du rapt et de l’assassinat des deux journalistes de RFI, Ghislaine Dupont et Claude Verlon, en 2013. C’est vrai que ce n’est pas la première fois que de telles opérations d’éclat ont lieu sur le sol malien depuis 2013. Mais elles n’ont pas empêché la situation sécuritaire de se dégrader avec le déplacement de l’épicentre de la crise du Nord vers le Centre. C’est fort de ce constat que le colonel Goïta sera sans doute moins malléable que ses prédécesseurs, au risque d’effaroucher l’ancienne puissance tutélaire.

 

Hamadou GADIAGA

 


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