RETOUR TRIOMPHAL DES LIONS AU BERCAIL: Djerdjef !
« L’émotion est nègre et la raison Hélène », a écrit Léopold Sédar Senghor qui deviendra plus tard le premier président du Sénégal. Cette affirmation a été vivement combattue par son compatriote Cheikh Anta Diop. Quoi qu’il en soit, il y a eu beaucoup d’émotions au Sénégal avec le retour au bercail des Lions de la Téranga après leur victoire bien méritée sur l’Egypte à la Coupe d’Afrique des nations (CAN). La journée du 7 février dernier est décrétée fériée, chômée et payée par le président Macky Sall qui a lui-même annulé un déplacement aux Comores pour recevoir les héros d’un moment. Les joueurs seront décorés et recevront les honneurs de la République. A l’arrivée des joueurs, il y aura inévitablement des bousculades ; chacun voulant être le plus près possible des vainqueurs. Quoi de plus normal ? L’émotion est peut-être nègre, mais il faut aussi savoir raison garder.
Gagner la Coupe d’Afrique des nations, ce n’est pas rien. Etre le meilleur de toute l’Afrique dans une discipline, est un exploit qui mérite d’être salué. C’est le résultat de l’engagement de toute une équipe qui a su se donner les moyens et coordonner ses efforts et ses talents. C’est un travail de rigueur individuelle et collective, et de discipline générale qui a fini par porter ses fruits. Les Etalons du Burkina devraient en prendre de la graine. La victoire ne se proclame pas, elle se mérite. Elle est toujours au prix d’une volonté réelle de gagner. Et quand on veut gagner, on se pose les bonnes questions à temps.
Il faut savoir définir les priorités pour ne pas prendre l’accessoire pour le principal
Le Sénégal est au sommet de la pyramide du football en Afrique. Les vrais gagnants, ce sont le Sénégal et le peuple sénégalais. Mais aussi, ne l’oublions pas, le président Macky Sall. Nul ne peut nier sa contribution à cette victoire, car en tant que chef de l’Etat, il a dû faire le nécessaire pour faciliter les choses, et surtout mettre les joueurs dans des conditions matérielles et psychologiques favorables. Il va de soi qu’il en recueillera, du moins dans l’immédiat, des dividendes politiques. Les querelles partisanes seront, pour un temps, étouffées par l’euphorie générale qui s’est emparée de tout le pays.
Il convient cependant de ne pas perdre de vue que tout ne se résume pas au football et à la CAN. D’ailleurs, pour remporter la CAN, il faut des joueurs bien nourris, bien équipés et bien entraînés. Ce qui suppose au préalable des moyens. Les moyens, ce sont les priorités actuelles de l’Afrique où une grande partie de la population manque parfois de tout. Remporter la CAN est incontestablement une très bonne chose. Mais c’est encore mieux de pourvoir aux besoins essentiels des populations. La CAN n’a aucune signification pour un analphabète qui n’a aucune idée de l’Afrique et dont l’horizon se limite aux frontières de son village. Des pays comme le Canada, la Norvège, la Finlande ne brillent pas particulièrement dans le football, mais ils ont su se construire dans un processus de dynamisme continu. Ce n’est pas un hasard si les Burkinabè se ruent actuellement vers le Canada soit pour des études, soit pour y résider. En Afrique même, des pays comme le Botswana, l’Île Maurice, la Tanzanie ou même le Kenya sont dans un état de développement relativement avancé tout en restant de véritables nains dans le domaine du football.
Pour l’empereur Néron, le peuple ne demandait que du pain et des jeux. Alors, il amusait le peuple dans des combats de gladiateurs, le détournant ainsi des vrais problèmes. Mais à force de jouer, le pain peut venir à manquer. Il faut donc savoir définir les priorités pour ne pas prendre l’accessoire pour le principal. Cela dit, toutes nos félicitations aux Lions de la Téranga qui font honneur à l’Afrique de l’Ouest.
Apolem
*Djerdjef : merci en wolof, la langue dominante au Sénégal.