PRESSION DE PARTIS POLITIQUES POUR PLUS DE TRANSPARENCE DANS LA GESTION DE LA TRANSITION EN GUINEE : L’étau se resserre-t-il autour de Doumbouya ?
Quelque sept mois après le renversement du président Alpha Condé par la junte conduite par le lieutenant colonel Mamady Doumbouya, l’impatience commence-t-elle à gagner la classe politique guinéenne ? C’est ce que l’on est tenté de croire, suite à la déclaration d’une soixantaine de partis politiques et pas des moindres, qui appellent à plus de transparence dans la conduite de la transition qui continue de souffrir d’un manque de calendrier clair pour le retour à l’ordre constitutionnel normal. Au nombre de ces partis politiques qui commencent à ruer dans les brancards, l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG) de Cellou Dalein Diallo et l’Union des forces républicaines (UFR) de Sidya Touré. C’est dire si en face de la junte au pouvoir, se dresse une coalition qui est loin de compter pour du beurre sur l’échiquier politique guinéen. D’autant que le Rassemblement du peuple guinéen (RPG), le parti du président déchu, Alpha Condé, n’entend pas rester en marge, même s’il a encore des difficultés à s’allier avec ses anciens contempteurs qui « continuent de noircir le bilan d’Alpha Condé ».
Les griefs ne manquent pas contre le CNRD
En effet, le RPG entend lancer, de son côté, dans les toutes prochaines semaines, une vaste coalition pour « harmoniser les positions sur la transition ». Car, outre le manque de dialogue et d’inclusion relevé par les signataires de cette déclaration, l’absence de chronogramme, « les violations répétées de la charte de la Transition », les griefs ne manquent pas contre le CNRD (Comité national du rassemblement et du développement) du Colonel Doumbouya qui veut conférer à l’organe législatif de la Transition, le pouvoir de décider de la durée de la transition. Ce à quoi s’opposent les signataires de la déclaration qui trouvent plus indiqué que le débat se mène entre « les forces vives de la Nation et le CNRD ». Alors question : l’étau se resserre-t-il autour du nouvel l’homme fort de Conakry, le lieutenant-colonel Mamady Doumbouya ? La question est d’autant plus fondée qu’au-delà des divergences, c’est toute la classe politique guinéenne qui semble mue par une volonté commune de voir plus clair dans le calendrier de la transition. Mieux, au-delà de la publication de la liste complète des membres du CNRD, qui reste jusque-là inconnue du grand public, certains vont même jusqu’à réclamer la création d’une juridiction indépendante pour traiter des crimes de sang, allusion au coup d’Etat du CNRD qui ne fait l’objet d’aucune information judiciaire alors même que plusieurs sources font état de pertes en vies humaines. Ce, au moment où la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) maintient la pression de son exigence d’une durée de transition « raisonnable » sous peine de sanctions.
Le lieutenant-colonel Doumbouya et ses camarades doivent se garder de pousser les Guinéens et la communauté internationale à bout
L’institution sous-régionale en a d’ailleurs rajouté une couche lors de son sommet extraordinaire du 25 mars dernier à Accra, en lançant un ultimatum d’un mois à la junte pour présenter un calendrier. Même si cette mise en garde ne semble pas ébranler outre mesure Conakry qui a répondu que « cela n’engage que ceux qui ont parlé », le colonel Doumbouya et ses camarades auraient tort, pour autant qu’ils ne soient pas dans une logique de confiscation du pouvoir, de snober à la fois et la CEDEAO et la classe politique guinéenne qui ne semble pas non plus prête à se laisser conter fleurette. Car, quand bien même les hommes en treillis pensent tenir fermement la situation en main, leur sommeil pourrait bien être troublé en cas de démarcage manifeste, du peuple guinéen, de leur action. C’est dire si sept mois après sa prise du pouvoir, il est temps, pour la junte à Conakry, de clarifier son jeu et de fixer les Guinéens sur le chronogramme du retour à l’ordre constitutionnel. Comparaison n’est pas raison, mais si en moins de deux mois, la junte au Burkina a pu le faire, il n’y a pas de raison que plus de six mois après son coup de force, son homologue guinéenne continue de tergiverser au point de se mettre à dos et la CEDEAO, et la classe politique qui commence à donner de la voix. Ce, dans un contexte où l’ex-parti au pouvoir, le RPG, après avoir accusé dignement le coup de la perte du pouvoir, est en train de se réorganiser en vue des futures échéances électorales. C’est dire si au-delà des appels à la transparence, les attentes des Guinéens sont grandes par rapport à cette transition. En tout état de cause, le lieutenant-colonel Doumbouya et ses camarades doivent se garder de pousser les Guinéens et la communauté internationale à bout. Il y va de l’intérêt de la Guinée.
« Le Pays »