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REELECTION DE MACRON : Jupiter saura-t-il relever le défi de la montée du sentiment anti-français en Afrique ?


Les électeurs et les électrices de la France métropolitaine se sont rendus aux urnes, le 24 avril dernier pour le second tour de l’élection présidentielle. Ceux et celles de l’Outre-mer et de l’étranger l’ont fait la veille. L’objectif était de choisir entre les deux finalistes, c’est-à-dire Emmanuel Macron et Marine Le Pen. Les Français et les Françaises ont accordé majoritairement leurs suffrages à Emmanuel Macron. Le bail de ce dernier à l’Elysée, a été ainsi renouvelé pour 5 ans. Le scénario de 2017 s’est donc répété. Marine Le Pen, pour la deuxième fois consécutive, a été battue par le même rival. Le scrutin s’est déroulé sans incident susceptible d’entacher sa régularité. Et les Français ont connu le nom de leur numéro 1 seulement, peu après que le dernier électeur a déposé son bulletin dans l’urne. Au Gondwana, on a été tout simplement ébahi par  la manière diligente dont les choses se sont passées. Dans bien des pays africains, en effet, après un scrutin, l’attente des résultats peut durer une semaine. Et c’est dans le meilleur des cas.

 

Le projet de société que Marine Le Pen propose fait peur aux Français

 

Dans le pire des cas, cela prendra un mois, voire plus. Un autre aspect de la présidentielle française qui n’a pas manqué de fasciner du côté de l’Afrique, c’est le fait que le candidat malheureux a accepté de bon coeur sa défaite. En Afrique, il serait monté sur ses grands chevaux  pour crier, à tort ou à raison, que sa victoire lui a été volée.  Et bonjour les crises post-électorales ! Cela dit, avant de s’arrêter sur la victoire  de Macron, on peut se permettre de dire un mot sur la défaite de Marine Le Pen. C’est une dame vaillante qui a su se défaire de la tutelle avilissante de son père, pour se frayer un chemin dans la forêt de la politique de son pays. La preuve, c’est qu’à deux reprises, elle est arrivée en deuxième position dans deux élections présidentielles. Et à chacune de ces présidentielles, son score n’a pas été ridicule. En tout cas, comparativement aux autres, elle peut se targuer de ne pas être une candidate quelconque. En Afrique, on dira un candidat « motard », c’est-à-dire, chargé d’accompagner celui dont tout le monde sait qu’il remportera le scrutin. Cela dit, on peut se risquer à dire que la probabilité pour que cette dame accède à l’Elysée par les urnes, est nulle. Et pour cause. Le projet de société qu’elle propose fait peur aux Français et aux Françaises. Que deviendrait la France sous le magistère d’une telle personnalité qui, sur les questions sensibles, a une posture franchement rétrograde ? Marine Le Pen présidente, est-ce que la France ne perdrait pas plus que ce qu’elle gagnerait en termes de prestige et de respectabilité dans le concert des Nations ? Ce sont probablement ce genre de questions que bien des électeurs et électrices françaises se sont posées en 2017 et en 2022. Dès lors, l’on peut dire que ces derniers n’ont pas voté pour Macron, mais contre Marine Le Pen. En 2027, dans l’hypothèse où elle solliciterait pour la 3e fois le suffrage des Français, elle gagnerait à travailler à dissiper d’abord la peur que suscite son projet de société.

 

Il y a urgence pour la France à repenser en profondeur ses relations avec l’Afrique

 

En attendant, l’on peut s’arrêter sur la victoire du président sortant en se posant la question de savoir si celui-ci saura relever le défi de la montée du sentiment anti-français en Afrique en général et en Afrique francophone en particulier. En effet, dans les pays africains anciennement colonisés par la France, il ne peut pas se passer un mois sans qu’il y ait, ici ou là, une manifestation au cours de laquelle on traite l’ancienne puissance coloniale de tous les noms d’oiseaux. Dans certains pays même, l’on pousse la défiance jusqu’à infliger au drapeau tricolore, une sorte d’autodafé. Tout cela est le signe que la France a mal à ses anciennes colonies. Lors de son premier mandat, et pour être plus précis, le 28 novembre 2017, Emmanuel Macron, à partir de Ouagadougou, avait annoncé devant un parterre d’étudiants, la mort de la Françafrique, de ses réseaux obscurs et de ses liens malsains. Et pour montrer sa volonté à aller dans ce sens, il avait promis que les archives françaises sur l’assassinat de Thomas Sankara seraient transmises à la Justice burkinabè. Dans la foulée, il avait annoncé le processus de restitution du patrimoine culturel africain. Pour traduire, dans les faits, sa vision sur les relations entre son pays et le continent noir, un Conseil présidentiel pour l’Afrique (CPA) a été mis en place par ses soins. En résumé, on peut dire que Ouagadougou a servi de tribune à Macron, pour refonder les relations de la France avec l’Afrique en général et les pays de son ancien pré-carré colonial en particulier. Pour reprendre l’expression de ses conseillers, il s’agissait de « changer de logiciel ». Visiblement, « ce changement de logiciel » a été un trompe-l’œil. Car, depuis lors, le sentiment anti-français à Ouagadougou, à Bamako, à Bangui ou encore à Niamey, ne faiblit pas. Et l’on ne se contente pas seulement de demander le départ des Français de ces pays. L’on exige aussi que les autorités regardent du côté de la Russie, de la Chine et de la Turquie. De ce qui précède, l’on peut déduire qu’il y a urgence pour la France à repenser en profondeur ses relations avec l’Afrique, de sorte à tenir compte véritablement des intérêts des populations africaines. Cela pourrait passer par exemple, par la révision de fond en comble des accords de coopération qu’elle avait noués avec le continent noir, à l’époque où les Africains percevaient De Gaulle comme un demi-dieu. Ce changement de logiciel pourrait passer aussi par la mort de cet instrument colonial et néocolonial qu’est le Franc CFA. En attendant et en souhaitant que Macron y pense, il doit déjà faire face au dilemme que représentent les coups d’Etat dans ses anciennes colonies comme le Tchad, le Niger, le Mali, la Guinée et le Burkina Faso. Si elle ferme les yeux sur ces signaux, elle court le risque de contribuer à mettre à mal la démocratie dans ces pays. Si elle va dans le sens exigé par la CEDEAO, elle risque de se mettre à dos une bonne partie des opinions publiques de ces pays, qui croient dur comme fer, à tort ou à raison, que la CEDEAO est l’autre nom de la France.

 

« Le Pays »


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