CRISE POLITIQUE EN TUNISIE : Le Front du salut national pourra -t- il flinguer Roboccop ?
« Sauver » la Tunisie à tout prix, tel est l’objectif que s’est fixé le nouveau groupe politique qui vient de voir le jour et dont le principal initiateur n’est autre que l’opposant Ahmed Nejib Chebbi, un avocat de 78 ans, une figure de la gauche au profil de rassembleur. Pour réussir cet objectif en vue de rétablir le processus démocratique mis à mal depuis l’accession au pouvoir du president Kais Saied, Ahmed Nejib Chebbi a choisi le slogan « l’union fait la force ». Il s’est associé aux deux poids lourds de la scène politique tunisienne présentement en disgrâce. Il s’agit du parti Ennehda qui traverse en ce moment une phase tumultueuse suite à la dissolution du Parlement en mars dernier et celui de Qalb Tounes critiqué pour la gestion du Covid-19 et le scandale de corruption qui a entaché son image. Une belle initiative à saluer à juste titre et à encourager, un combat noble qui mérite d’être mené surtout dans un Etat où le déficit de démocratie est criard, les libertés d’expression bafouées, les institutions en berne. Le président Kais Saied qui s’est arrogé tous les pleins pouvoirs, gouverne par ordonnance après avoir dissous le Parlement. Que faire face à une telle situation ? Laisser faire ou mener le combat noble qui vaille la peine d’être mené ? L’opposition a choisi de mener ce noble combat. L’objectif, faire fléchir Roboccop dans ses prises de positions tranchées. Pour le réussir, le Front du salut national doit se donner pour mission de rester uni, de chasser en son sein les démons de la division. La création de ce groupe politique est une source d’espoir pour l’opposition et les populations. Ce front constitue aujourd’hui un défi majeur au président Kais Saied car, il instaure une polarisation politique et un rapport de force avec le chef de l’Etat.
L’opposition tunisienne devrait maintenir la pression
Et c’est pour cela que dès sa mise en place terminée, les leaders politiques que sont Ahmed Nejib Chebbi, ceux du parti Ennahda et de Qalb Tounès devraient prendre leur bâton de pèlerin et ratisser large afin de convaincre les petits partis qui hésitent, parce que méfiants, à les rejoindre afin de mener cette lutte. Ce nouveau groupe politique pourrait bénéficier du soutien et de l’accompagnement de la Communauté internationale dans ce combat noble pour le rétablissement du processus démocratique vacillant depuis plus d’un an suite aux « maladresses » du président Kais Saied. Les Etats-Unis, un des partenaires privilégiés de la Tunisie, qui observe depuis un bon moment cette impasse politique a déjà donné de la voix. Les Américains n’ont pas hésité à interpeller le président Kais Saied afin qu’il travaille à rédonner confiance à son opposition et à œuvrer à la mise en place des institutions qui manquent au pays. Il est vrai que la feuille de route du Président Kais Saied prévoit un référendum constitutionnel en juillet puis des législatives en décembre, mais que valent les promesses et les paroles d’un président qui n’est plus en phase avec son opposition et son peuple qu’il a tant brimé et roulé dans la poussière ? L’opposition tunisienne qui ne croit plus aux intentions de Roboccop, devrait maintenir la pression. Par ailleurs, dans ce combat, on entend un autre son de cloche, celui de Ahmed Nejib Chebbi qui demande un dialogue national et la nomination d’un gouvernement de salut pour une transition qui mènera à un nouveau scrutin. Si l’intention de Nejib Chebbi est bonne, il faut cependant préciser que ce schéma, tel que proposé, ferait plus de mal que de bien à l’opposition. Kais Saied, en fin stratège politique, pourrait appeler certains membres de ce Front du salut à ce gouvernement de salut, pour diviser cette opposition afin d’assouvir pendant longtemps ses ambitions. Ainsi, il renverrait aux calendes tunisiennes les désidératas de cette opposition qui se serait laissée prendre au piège. Ahmed Nejib Chebbi qui est un opposant de longue date, qui dispose d’un crédit politique et d’une respectabilité, devrait le comprendre. Alors, opposition tunisienne vigilance, vigilance car Roboccop a plus d’un tour dans son sac. En embuscade, il vous attend et la moindre erreur pourrait vous être fatale.
Ben Issa TRAORE