AHDESION DU TOGO ET DU GABON AU COMMONWEALTH : La Francophonie en perte de vitesse ?
Depuis le 20 juin et ce, jusqu’au 26 juin 2022, les drapeaux des 54 pays membres du Commonwealth flottent au pays des mille collines, précisément à Kigali au Rwanda. En effet, les dirigeants de cette organisation regroupant les pays anglophones de la planète, tiennent un sommet autour du thème : « renforcer la coopération multilatérale, explorer de nouvelles opportunités et adresser des défis communs pour le bien-être des générations futures ». Initialement prévu pour juin 2020 mais reporté à maintes reprises du fait de la Covid-19, ce sommet a lieu dans un contexte difficile. En effet, le rôle et la pertinence du Commonwealth sont de plus en plus critiqués par des Etats membres dans un climat de remise en cause du passé colonial de l’empire britannique. Par ailleurs, la cheffe de l’organisation, la Reine Elizabeth II, qui présidait les rencontres au sommet, a dû céder, du haut de ses 96 ans, sa place à son fils, le prince Charles, pour tenir le bâton de commandement en terre rwandaise. Au-delà de ces réalités internes à l’organisation, qui risquent d’alourdir l’ambiance du sommet, l’on doit reconnaitre que le choix du pays de Paul Kagamé pour abriter la rencontre, n’est pas du goût de tout le monde. Les griefs invocables ou invoqués sont nombreux. On le sait, depuis quelques semaines, le Rwanda ploie sous les critiques acerbes vis-à-vis de l’accord passé avec le gouvernement britannique sur l’expulsion de migrants de Londres. De même, les ONG et autres organisations de la société civile ne lâchent pas les… bottes à Kagamé, accusé de ne pas respecter les valeurs du Commonwealth, telle que la démocratie, l’Etat de droit, les droits humains et la liberté d’expression. Et comme pour ne rien arranger, le voisin congolais l’accuse de soutenir la rébellion du Mouvement du 23-Mars (M23), qui sévit à l’Est de la République démocratique du Congo (RDC).
La Francophonie a de quoi s’interroger
Connaissant l’homme mince de Kigali, il fera le dos rond face à tout ce contexte quelque peu défavorable pour lui. Mieux, il pourrait en faire même une force. C’est cela d’ailleurs qui lui a permis de placer sa compatriote à la tête de la Francophonie, rivale du Commonwealth. C’est une leçon diplomatique que Paul Kagamé est en train d’enseigner à ses homologues africains. Les faits parlent d’eux-mêmes. Pendant que Louise Mushikiwabo occupe depuis le 1ᵉʳ janvier 2019, la tête de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF), Paul dirigera le Commonwealth pour deux ans. L’OIF, c’est 88 Etats, 7 membres associés et 27 observateurs. Quant au Commonwealth, ce sont 54 Etats membres, 2,6 milliards d’individus, soit un tiers de l’humanité. En montrant sa capacité à jouer sur les deux tableaux, le Rwanda se trouve donc à occuper la tête des deux organisations internationales, aussi puissantes que rivales : l’une politique et francophone et l’autre économique et anglophone. Le dernier évènement de ce sommet du Commonwealth à Kigali concerne un phénomène nouveau qui voit de plus en plus de pays francophones se tourner vers cette organisation. L’on s’attend ainsi à voir le Togo, le Gabon et certainement le Maroc intégrer l’organisation anglophone dans les prochaines heures. En voulant la rejoindre, ces pays veulent-ils aussi, comme le Rwanda l’a déjà fait, « s’approprier » l’OIF et le Commonwealth « au lieu de demeurer dans des logiques néocoloniales qui ont jadis façonné les rapports au sein de ces organisations » ? Les présidents Faure et Bongo ont-ils pour objectif de contrebalancer la prépondérance française dans ses ex-colonies ? Ou fuient-ils les exigences de l’OIF en matière de respect de la démocratie et des droits de l’Homme ? L’un dans l’autre, en voyant ses membres se mettre dans le giron du Commonwealth, la Francophonie a de quoi s’interroger car cela comporte des risques de perte de vitesse.
Michel NANA