LEGISLATIVES SUR FOND DE PROCES D’OPPOSANTS AU SENEGAL : La démocratie sénégalaise à rude épreuve
Le 31 juillet prochain auront lieu les élections législatives au Sénégal. Rien de nouveau a priori. Sauf que, pour ces élections, des candidatures ont été invalidées, et pas des moindres. La plus emblématique est celle de Ousmane Sonko, l’actuel leader de l’Opposition sénégalaise. Il est vrai que des candidatures de la majorité ont aussi été invalidées, mais cela revêt moins d’importance et a moins d’impact que l’invalidation de la candidature d’Ousmane Sonko et de ses amis. Une Assemblée nationale, sans la participation involontaire du leader de l’Opposition, est-elle crédible ? Que les invalidations soient fondées ou pas, cela relève d’un autre débat qui nécessite la connaissance des lois électorales sénégalaises. Pour protester contre les invalidations, l’Opposition, malgré l’interdiction, avait appelé à des manifestations le 17 juin dernier. A cette occasion, un grand nombre de manifestants avaient été appréhendés dont deux personnalités, Déthié Fall, mandataire national de la coalition Yewwi Askan Wi, et Diarra Fam, députée de la coalition Wallu Sénégal. Trois personnes avaient trouvé la mort. Les deux personnalités susmentionnées et certains de leurs collègues ont comparu le 27 juin 2022, devant la Justice. L’un a été condamné avec sursis tandis que l’autre a été relaxé. Le patron du Parti socialiste français, Olivier Faure, dénonce une « liberté de manifester entravée » et une « justice instrumentalisée ». Pour lui, « la démocratie sénégalaise est piétinée ». En réaction, le pouvoir en place à Dakar qualifie cela de « réflexes paternalistes de donneurs de leçons ». Papa Mahaw Diouf, porte-parole de la coalition présidentielle Benno Book Yaakar, quant à lui, s’interroge : « A quand la fin de ce néocolonialisme mental qui vous autorise à vous mêler des affaires internes de notre pays ? »
Le président Macky Sall devrait se surpasser et essayer d’ouvrir un dialogue politique avec l’Opposition
La réaction du camp présidentiel est compréhensible. Mais, est-elle pertinente ? Il convient d’abord de relever qu’il s’agit, ici, de respect des droits de la personne humaine. Ces droits sont universels et sont garantis par des instruments internationaux. Toute personne, et surtout toute autorité, a non seulement le droit, mais surtout le devoir de veiller à leur respect en tous lieux et en toutes circonstances. Olivier Faure est donc dans son droit quand il donne son avis sur l’état des droits de la personne au Sénégal. Aux Africains de savoir se départir de la subjectivité frileuse qui consiste à voir le loup partout, chaque fois qu’ils sont contrariés. Il convient aussi de relever que les Etats francophones d’Afrique sont sous perfusion financière dans le cadre de leurs coopérations bilatérales et multilatérales avec les pays occidentaux et les institutions internationales qu’ils ont créées et qu’ils supervisent. Il est donc tout à fait logique que celui qui te donne à manger, te loge et t’habille, ait son mot à dire dans la façon dont tu te comportes. Sur ce plan également, Olivier Faure est dans son rôle, car si la situation venait à déraper sérieusement au Sénégal, la contribution française au fonctionnement de l’Etat sénégalais pourrait augmenter. Si les Africains ne veulent plus du « néocolonialisme mental » dont parle Papa Mahaw Diouf, il leur revient de s’assumer entièrement et de ne plus dépendre des subsides de l’Occident. C’est la condition sine qua non. L’Opposition sénégalaise a annoncé une autre manifestation monstre pour le 29 juin prochain. Tout est à craindre, car des débordements sont possibles. Ceux qui sont en prison, ou iront en prison, sortiront un jour. Les blessés pourront être soignés et/ou indemnisés. Mais les morts, pourra-t-on les ramener à la vie ? Assurément, non ! Or, comme l’a dit Jean-Jacques Rousseau, « Rien, ici bas, ne vaut d’être acheté au prix du sang humain. » nLe Sénégal est le seul pays d’Afrique occidentale à n’avoir pas encore connu de coup d’Etat. Mais il a connu bien des troubles politiques, surtout à l’époque où l’ancien président Abdoulaye Wade, le mentor de Macky Sall, était dans l’Opposition. On peut donc dire que le pays a déjà capitalisé des expériences en résolution de crises politiques. Il n’en demeure pas moins que toute crise est une crise, et nul ne peut toujours en prévoir l’issue. Le président Macky Sall devrait donc se surpasser et essayer d’ouvrir un dialogue politique avec l’Opposition afin de trouver une solution à la crise. Ce qui éviterait au pays des troubles aux conséquences imprévisibles.
Apolem