CONCERT DE CASSEROLES CONTRE LA VIE CHERE AU BURKINA : Un acte que l’autorité ne doit pas banaliser
Pour exprimer au gouvernement de la Transition, leur ras-le-bol face à la flambée des prix des hydrocarbures et plus globalement des produits de première nécessité, trois associations de défense des consommateurs du Burkina Faso ont organisé un concert de casseroles dix minutes durant et à l’heure du dîner, dans la nuit du vendredi 9 et du samedi 10 septembre 2022 à Ouagadougou. Cette forme inédite de protestation fait suite au refus des autorités communales d’autoriser le sit-in initialement prévu par les organisateurs, pour interpeller le gouvernement par rapport au désarroi des Burkinabè, de plus en plus asphyxiés par la tendance inflationniste des prix des produits de grande consommation, qui ne risquent malheureusement pas de décroître, malgré une saison des pluies particulièrement abondante et la chute récente du prix du baril de pétrole au niveau mondial. Si l’objectif était de faire du vacarme pour se faire entendre par les décideurs et polariser l’attention des médias avides de sensationnel, d’images fortes et de formules choc, eh bien, c’est raté, d’autant que la mobilisation des Ouagalais pour cet événement a été manifestement faible, probablement en raison d’une insuffisance de communication et des conditions météorologiques rédhibitoires de ces derniers jours. En clair, ce fut presqu’un pétard mouillé et les milieux proches de la junte au pouvoir n’ont pas hésité à railler ce qu’ils considèrent comme le « flop du mois », puisqu’en dehors d’un petit groupe de chômeurs, de fumeurs de « yamba » et de quelques talibés qui auraient échappé à la vigilance de leur maître, personne d’autre n’aurait participé à cette ‘’gaminerie’’ dans la plupart des quartiers de la capitale, si l’on en croit un activiste bien connu sur les réseaux sociaux.
Nous avons là une bombe atomique à retardement
Un autre porte-étendard de la Transition a quant à lui affirmé sans sourciller que dans le secteur où il réside, 1 ‘’rastaman’’, 2 pelés et 3 tondus ont tenté de faire du bruit avec des marmites et des bouilloires métalliques, mais se sont vite évanouis dans la fraicheur du soir sans laisser le moindre message aux riverains, encore moins aux autorités. Pour autant, le gouvernement burkinabè ne devrait pas sous-estimer cette première alerte depuis la double augmentation des prix des hydrocarbures de mai et d’août derniers, qui a eu des répercussions sur toute la chaîne d’approvisionnement et de consommation, car elle pourrait servir de prélude ou de catalyseur à des scènes de mécontements comme ceux auxquels on a assisté récemment à Solenzo dans la Boucle du Mouhoun et à Bombofa dans le Sahel où un camion transportant des vivres destinés à la zone sinistrée d’Arbinda, aurait été vidé de son contenu par des populations affamées. C’est vrai que ces dernières années ont été marquées au Burkina Faso par une instabilité chronique des prix, que les produits vivriers ont connu une succession d’excédents sporadiques et de pénuries fréquentes, mais jamais les populations, surtout urbaines, n’ont autant oscillé entre espoirs déçus et précarités vécues comme c’est le cas aujourd’hui avec cette inflation record de près de 18%. A vrai dire, nous avons là une bombe atomique à retardement qui reste pour le moment inoffensive, mais pour combien de temps encore, quand on sait que la cherté de la vie et la misère crasse dans laquelle vit la majorité des Burkinabè et qui contraste avec le comportement capitalistique de certains dignitaires de la Transition, pourraient à tout moment servir de détonateur à cette bombe. La sagesse africaine enseigne que « quand quelque chose peut t’avaler, il ne faut pas le laisser te lécher ». Le gouvernement, qui ne connait apparemment pas la direction du vent, ne devrait pas jouer avec la poudre de piment versé en fin de semaine dernière par Vigi Consommateurs, le Réseau national des consommateurs du Burkina Faso et l’Association des consommateurs du Burkina, dont se marrent ses griots de service qui ne se doutent pas qu’il pourrait s’agir du début d’une révolte sociale très dangereuse. Le président Damiba qui, dans sa recherche frénétique de solution à la crise sécuritaire, s’est rendu hier à Niamey, devrait dès son retour, tourner le dos à tous ces brasseurs de vent qui lui font croire que « tout va bien dans le meilleur des mondes possibles », et se concentrer sur la reconquête des territoires perdus, en n’oubliant pas de soulager ses compatriotes autour desquels l’étau se resserre de plus en plus, coincés qu’ils sont entre le marteau des terroristes et l’enclume de l’inflation. C’est vrai que les ressources financières du Burkina ne sont pas extensibles à souhait et que la priorité aujourd’hui, est à la défense nationale, mais des actes symboliques comme la réduction du train de vie de l’Etat et la mise au pas des commerçants véreux et autres spéculateurs, pourraient faire baisser le mercure et calmer les velléités de révolte sociale de plus en plus perceptibles et possiblement désastreuses dans ce contexte où des appels à l’union sacrée sont lancés tous azimuts, pour sauver le pays en perdition.
Hamadou GADIAGA