REUNION SUR LE PROJET DE NOUVELLE CONSTITUTION AU MALI : On voit venir Goïta et compagnie
Au Mali, les partis d’opposition aux autorités de la transition sont vent debout contre le projet de nouvelle Constitution que le gouvernement compte soumettre à référendum, dans quelques mois. En effet, invités par le ministère de l’Administration territoriale à participer, le 12 janvier dernier, à une réunion pour « échanger sur les pistes » pour « une meilleure organisation du référendum », certains acteurs politiques ont tout simplement décidé de boycotter ladite réunion. Sont de ceux-là, les partis de l’Alliance Espérance nouvelle « Jigiya Kura », un regroupement d’Organisations de la société civile et de partis politiques qui, non seulement renient la légitimité des autorités de la transition à entreprendre une telle réforme, mais aussi estiment que « le temps [avant la fin annoncée de la période de transition, ndlr] ne nous permet pas d’aller à une nouvelle Constitution ». D’autres, par contre, à l’instar du parti PS-Yelen Koura de Amadou Koïta, ont choisi d’y aller pour défendre leur position et contester de vive voix, le projet de nouvelle Constitution dont ils disent ne pas voir la nécessité et en dénoncent le caractère « aventureux ».
Il faut éviter de tomber dans le scénario tchadien d’un pseudo-dialogue dit national, inclusif et souverain
Mais tous s’accordent à rejeter le projet de nouvelle Constitution tout en prônant un retour rapide à la légalité constitutionnelle. Le moins que l’on puisse dire, c’est que ce projet de nouvelle Constitution porté par les autorités de la transition, divise profondément les Maliens. Non seulement dans la forme, au regard de la remise en cause de la légitimité des autorités intérimaires par l’opposition, mais aussi dans le fond, en raison de certains points sensibles comme, par exemple, la question de la laïcité de l’Etat sur laquelle des personnalités et pas des moindres comme le très influent imam Mahmoud Dicko, portent encore le débat. Toutefois, on ne peut pas reprocher à la junte au pouvoir à Bamako, de s’atteler à respecter l’agenda de la transition dans lequel elle a inscrit en bonne place un référendum avant les élections. Mais encore faudrait-il que la question fasse consensus au sein de la classe politique et de l’opinion nationale et que les acteurs puissent s’accorder sur l’essentiel pour avancer. Ce qui est loin d’être le cas. En tout cas, avec la polémique entretenue autour du sujet, tout porte à croire qu’on est encore loin de la concorde nécessaire à la tenue d’assises nationales fécondes et fructueuses sur cette question référendaire. Ce, au moment où certains soupçonnent la junte de multiplier les signes d’une volonté de se maintenir aussi longtemps que possible à la tête de l’Etat, alors que la classe politique, dans son ensemble, piaffe d’impatience de renouer avec l’ordre constitutionnel au plus tôt. Or, il faut éviter de tomber dans le scénario tchadien d’un pseudo-dialogue dit national, inclusif et souverain, tenu au forceps à Ndjamena par les autorités de la transition malgré les récriminations et le boycott d’une importante partie des acteurs, et qui n’a contribué qu’à creuser le fossé de la méfiance entre concitoyens.
L’adoption d’une nouvelle Constitution risque de remettre les pendules à zéro
Les conséquences ont consisté en une cinquantaine de morts au Tchad dès la première manifestation de contestation des conclusions dudit dialogue qui autorisaient la prolongation de la transition en ouvrant un boulevard à la candidature de Deby fils qui a pris la succession de son père dans les conditions que l’on sait, à la prochaine présidentielle. Si un tel scénario devait se répéter au Mali, on en imagine les conséquences pour un pays qui peine déjà à se remettre de la grave crise sécuritaire qui est toujours préoccupante et qui demeure aujourd’hui encore un véritable handicap pour son développement. A preuve, pas plus tard que le 10 janvier dernier, une quinzaine de soldats maliens ont perdu la vie dans une attaque terroriste qui a fait une trentaine de morts du côté des assaillants. On peut d’autant plus avoir des appréhensions que la nouvelle Constitution que la junte militaire malienne veut soumettre à référendum, en plus d’élargir les pouvoirs du président, n’exclut pas la candidature des dirigeants de la transition. En plus, son adoption risque de remettre les pendules à zéro, comme il est de coutume en pareille situation. Dans ces conditions, on ne voit pas ce qui pourrait empêcher le colonel Assimi Goïta, par exemple, de se défroquer de son treillis au dernier moment pour satisfaire aux conditions de candidature et d’éligibilité, alors qu’aux termes de la Charte de la transition révisée en février 2022, il est clairement dit que « le Président de la Transition n’est pas éligible aux élections présidentielle et législatives qui seront organisées pour marquer la fin de la Transition. La présente disposition n’est pas susceptible de révision ». C’est dire si l’on voit venir Assimi Goïta et compagnie. Le Mali n’a pas besoin de ça !
« Le Pays »