PRESTATION DE SERMENT DU NOUVEAU PRÉSIDENT NIGÉRIAN : Bola Tinubu face à des défis himalayesques
Elu en février dernier, au terme d’un scrutin très disputé qui l’a vu remporter la victoire devant son principal challenger, Atiku Abubacar du Parti démocratique populaire, le nouveau président nigérian, Bola Ahmed Tinubu, a prêté serment le 29 mai dernier à Abuja, la capitale fédérale, devant un parterre d’invités de marque et de chefs d’Etat du continent venus lui apporter leur soutien. Une investiture qui semble sceller définitivement le recours des quatre candidats de l’opposition qui ont intenté, en mars dernier, une action en justice demandant la révision des résultats du scrutin. C’est dire si le porte-étendard du parti au pouvoir, le Congrès des progressistes (APC), à la dernière présidentielle, prend les rênes du pays dans un contexte plutôt difficile. Un contexte où, au-delà de l’opposition qui est toujours dans la contestation, les défis restent à la hauteur de la taille du pays le plus peuplé d’Afrique. Parmi ces défis himalayesques, la lutte contre l’insécurité sous toutes ses formes, à commencer par le grand banditisme et surtout le terrorisme qui n’a eu de cesse de troubler le sommeil de ses prédécesseurs au palais d’Abuja, jusqu’à Muhammadu Buhari qui lui a transmis le flambeau sans avoir pu tenir sa promesse de mettre fin à l’insurrection islamiste de Boko Haram.
A côté du défi sécuritaire, la lutte contre la corruption ne paraît pas un chantier moins important
Aujourd’hui encore, la capacité de nuisance de la bête immonde reste pratiquement intacte malgré les efforts des gouvernements successifs, qui peinent encore à se traduire en résultats probants sur le terrain. A côté du défi sécuritaire, la lutte contre la corruption ne paraît pas un chantier moins important. D’autant que les différents chefs d’Etat qui se succédé à la tête du pays, en ont régulièrement fait un thème de campagne, sans véritablement parvenir à faire bouger les lignes une fois parvenus au pouvoir. Bola Tinubu fera-t-il l’exception ? Ils sont nombreux ses compatriotes à l’attendre sur le chantier de ce fléau qui se présente comme une véritable gangrène qui entrave le développement de ce géant d’Afrique de l’Ouest. Un géant anglophone ouest-africain qui dispute le leadership du continent noir à des nations comme l’Afrique du Sud et l’Egypte dans bien des domaines. Bola Tinubu sera-t-il alors ce président-là qui marquera significativement ce leadership ? En attendant de juger le maçon au pied du mur, le challenge s’annonce des plus ardu pour l’ex-gouverneur de Lagos qui ne fait pas encore l’unanimité au sein de ses compatriotes et qui a besoin de se montrer plutôt rassembleur s’il veut se donner les meilleures chances de conduire son pays vers des lendemains qui chantent. L’autre enjeu et non des moindres de cette passation de charges, reste la relance économique du pays qui a besoin de prendre un nouvel élan. Surtout après l’épreuve, en début d’année, de la pénurie de liquidités qui a mis de nombreuses entreprises en difficulté quand cela n’a pas créé, par endroits, de véritables émeutes dans ce pays qui n’a pas toujours su tirer le meilleur parti de la manne pétrolière pour booster son économie, malgré sa position de premier pays producteur d’or noir en Afrique.
Avec cette dévolution pacifique du pouvoir sur fond de respect des principes de l’alternance, c’est la démocratie nigériane qui gagne
A ce sujet, si les perspectives économiques s’annoncent plutôt prometteuses avec la récente inauguration de la première méga-raffinerie privée du pays lancée par celui-là qui passe pour être la plus grosse fortune du continent noir, Aliko Dangote, il n’en demeure pas moins que, globalement, Bola Tinubu hérite d’un pays malade, et aura du pain sur la planche face à la montagne de défis qui se dresse devant lui. Déjà, le septuagénaire nouveau président qui a montré des signes de fragilité durant la campagne, devra travailler à dissiper les doutes de ses compatriotes sur sa santé et sur ses capacités à diriger la première puissance économique du continent noir. D’autant que les Nigérians restent encore largement marqués par les interminables voyages à l’étranger de son valétudinaire prédécesseur, Muhammadu Buhari, pour des soins médicaux. C’est le lieu, soit dit en passant, de tresser des lauriers au natif de Daura qui a su faire valoir ses droits à la retraite, après ses deux mandats constitutionnels. Une attitude que les démocrates du continent noir aimeraient voir de plus en plus dans le giron francophone où certains chefs d’Etat ont encore bien du mal à supprimer de leur logiciel, la tentation du troisième mandat. Autant dire qu’en la matière, les pays anglophones montrent une fois de plus, le chemin. Et avec cette dévolution pacifique du pouvoir sur fond de respect des principes de l’alternance, c’est la démocratie nigériane qui gagne. En tout état de cause, avec la prestation de serment de Bola Tinubu qui entame son premier mandat, c’est une nouvelle ère qui s’ouvre pour le Nigeria où un homme d’affaires succède à un ancien officier militaire. Et maintenant qu’il a pris les rênes du pouvoir, le multimillionnaire homme d’affaires a quatre ans pour se montrer à la hauteur des attentes de ses compatriotes. Et c’est peu dire qu’il lui appartient d’écrire son histoire à la tête de son pays dans les plus belles lettres, s’il veut mériter la confiance de son peuple au-delà de son premier quadriennat.
« Le Pays »