PLAINTE CONTRE ISRAEL POUR GENOCIDE A GAZA DEVANT LA COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE : Pretoria peut-elle faire plier Tel-Aviv ?
Depuis l’attaque du groupe militant palestinien Hamas contre Israël le 7 octobre 2023, c’est l’escalade entre les deux parties. Et la tension est d’autant plus vive que la réaction d’Israël a été énergique. Avec des opérations quasi quotidiennes ciblées qui ont fait près de 22 000 morts côté palestinien, en représailles au raid meurtrier du commando palestinien qui a laissé 1400 macchabées sur le carreau en Israël, auxquels s’ajoutent plus de deux cents otages toujours détenus par le Hamas. Une violente riposte qui traduit toute la volonté des autorités israéliennes, d’en finir avec le Hamas qu’elles se sont, du reste, promis d’« anéantir». D’où ce pilonnage en règle, depuis lors, du territoire palestinien par l’armée israélienne qui a décidé de traquer le groupe islamiste palestinien jusque dans ses derniers retranchements. C’est dans ce contexte de fortes tensions que le 29 décembre dernier, l’Afrique du Sud a porté plainte contre Israël pour « génocide » à Gaza auprès de la Cour internationale de Justice, le tribunal de l’Organisation des Nations unies (ONU) chargé de régler les différends entre Etats. Une plainte qui sera examinée ces 11 et 12 janvier 2024 par l’organe judiciaire principal des Nations unies basé à la Haye aux Pays-Bas, au cours d’une audience publique qui se penchera aussi sur les « mesures conservatoires » demandées par l’Afrique du Sud à l’effet d’obtenir la fin des hostilités.
Le conflit israélo-palestinien est devenu un os en travers de la gorge de la communauté internationale
Le moins que l’on puisse dire, c’est que cette action judiciaire de la Nation arc-en-ciel contre Israël ne manque pas d’audace, dans un contexte où le conflit israélo-palestinien est devenu un os en travers de la gorge de la communauté internationale plus que jamais divisée sur la question. Mais elle est aussi loin d’être surprenante, quand on voit comment l’Afrique du Sud post-apartheid, n’a jamais marchandé son soutien à la cause palestinienne. La question qui se pose est de savoir si la plainte de Pretoria fera plier Tel-Aviv ou, à tout le moins, l’arrêtera dans son action punitive contre le Hamas. Rien n’est moins sûr. D’autant que dans ce conflit, Israël a toujours bénéficié du soutien sans faille de Washington qui, du reste, n’a pas manqué de critiquer l’initiative de Pretoria, qualifiée de « requête infondée, contre-productive et totalement dénuée de tout fondement factuel. ». Et puis, dans cette nouvelle escalade de la violence, il faut dire que l’Etat hébreu se sent plus dans la peau de l’agressé que de l’agresseur et entend se défendre dans ce dossier par tous les moyens, y compris en montrant des vidéos du massacre de civils israéliens par le Hamas lors de l’assaut du 7 octobre dernier. Toujours est-il que, réagissant aux accusations de l’Afrique du Sud, le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, avait énergiquement réfuté les accusations de génocide portées à l’encontre de son pays. Rejetant plutôt la responsabilité sur le Hamas qui a déclenché les hostilités et dont Israël serait la victime expiatoire, à ses yeux. C’est dire si en restant droit dans ses bottes, le Premier ministre israélien n’est pas dans des dispositions d’esprit d’une cessation immédiate des opérations militaires à Gaza.
C’est une plainte de l’Afrique du Sud qu’Israël gagnerait à prendre au sérieux
Et le tribunal de la Haye a d’autant plus du pain sur la planche qu’au-delà de la procédure qui peut traîner en longueur, il ne dispose pas de moyens coercitifs pour faire respecter ses décisions. En tout cas, rien ne garantit que bien qu’elles soient juridiquement contraignantes, ses ordonnances seront suivies dans le cas d’espèce de ce conflit qui cristallise les attentions depuis de longues années. Et l’exemple de la Russie qui a royalement foulé au pied la décision, en mars 2022, de la même Cour internationale de justice, l’enjoignant de cesser les hostilités en Ukraine, est d’autant plus éloquent que près de deux ans après cette décision, la guerre dans ce pays n’est pas prête à connaître son épilogue. C’est pourquoi on se demande si la requête de l’Afrique du Sud a des chances de stopper la guerre à Gaza. Rien n’est moins sûr. C’est pour cela aussi qu’elle sonne comme une double interpellation à la communauté internationale : celle, à très court terme, de l’urgence d’éteindre le feu qui brûle à Gaza, et celle, à moyen ou plus long terme, de trouver une solution définitive au conflit israélo-palestinien. Autrement, tant que la crise perdurera et qu’un modus vivendi acceptable par toutes les parties, ne sera pas trouvé, tout porte à croire que les Israéliens et les Palestiniens continueront de compter leurs morts. Car, il est bien connu que la violence appelle la violence. En attendant, c’est une plainte de l’Afrique du Sud qu’Israël gagnerait à prendre au sérieux. D’autant que l’impact d’une éventuelle condamnation pour génocide, pourrait être catastrophique pour l’image de l’Etat hébreu, aux yeux de l’opinion internationale.
« Le Pays »