REPORT DE LA PRESIDENTIELLLE AU SENEGAL : Macky Sall entre le marteau des Sages et l’enclume de son clan
Alors que la tension était montée de plusieurs crans et que l’atmosphère se crispait sur fond d’appels à manifester au Sénégal, le Conseil constitutionnel a décidé de calmer le jeu. En effet, dans son arrêt rendu le 15 février dernier, la plus haute juridiction, sur saisine de l’opposition, a décidé d’annuler le décret pris par le président Macky Sall de reporter la présidentielle, et invite ce dernier à prendre les dispositions nécessaires pour la tenir dans de « meilleurs délais ». Il n’en fallait pas plus pour que certains, tout en appelant à maintenir la pression sur le locataire du Palais de la République, crient à la victoire là où d’autres font montre de prudence. Pour ces derniers, le Conseil constitutionnel, en se contentant d’appeler à l’organisation dans « de meilleurs délais » de la présidentielle, sans expressément exiger le respect des délais constitutionnels, laisse des marges de manœuvre au président Macky Sall. Du reste, ce dernier, visiblement acculé a vite saisi la balle au bond en annonçant des concertations tous azimuts en vue de parvenir à une nouvelle date consensuelle.
Le Conseil constitutionnel aurait voulu tendre une perche au président Sall qu’il ne s’y serait pas pris autrement
C’est dire si Macky Sall reste toujours maître du jeu d’autant plus que les Sages, eux-mêmes, reconnaissent que la date du 25 févier n’est plus tenable. En tout cas, le Conseil constitutionnel aurait voulu tendre une perche au président Sall qu’il ne s’y serait pas pris autrement. C’est ce qui fait, du reste, dire à certains que le scénario semblait déjà tout tracé. Cela dit, maintenant que le chef de l’Etat a annoncé des concertations avec l’ensemble de la classe politique, à quoi faut-il s’attendre ? Combien de temps cela prendra-t-il ? Va-t-on vers un compromis politique qui permettrait le repêchage de certains candidats recalés, en l’occurrence Ousmane Sonko et Karim Wade ? S’il est encore tôt de répondre par l’affirmative à cette dernière question, il faudra cependant saluer l’élargissement de bien des prisonniers politiques arrêtés lors des violentes manifestations qui ont secoué le pays de la Téranga depuis le début des ennuis judiciaires du leader du PASTEF. Pour un geste d’apaisement, c’en est un. Toutefois, au regard de l’évolution de la situation au Sénégal, on se demande si Macky Sall ne mise pas sur une implosion du PASTEF qui, même dissous, pèse sur l’échiquier politique sénégalais. En effet, à supposer qu’Ousmane Sonko soit autorisé à prendre part à la présidentielle, le parti risque de se retrouver avec deux candidats. Car, rien ne dit que Diomaye Faye, considéré comme un candidat par défaut du parti, accepterait de se désister au profit de son mentor Ousmane Sonko. Il pourrait décider de tenter aussi sa chance. On attend de voir. Toujours est-il que Macky Sall, même s’il est vrai que l’étau semble se desserrer autour de lui, reste entre le marteau du Conseil constitutionnel et l’enclume des radicaux de son clan.
Macky Sall redoute une éventuelle furie vengeresse si l’un de ses opposants lui succède au palais de la République
En effet, non seulement le temps joue en sa défaveur mais aussi il devra travailler à se trouver un dauphin qui puisse faire consensus au sein de la majorité aux fins de remplacer Amadou Ba très ouvertement contesté. Parviendra-t-il à le faire aussi rapidement que possible ? Il a tout intérêt. Car, on le sait, la décision prise de reporter la présidentielle tient beaucoup moins de la volonté du natif de Fatick de s’accrocher au pouvoir que de son souci de se trouver un successeur qui puisse tenir la dragée haute aux poids-lourds de l’opposition et ce, afin de s’assurer une retraite paisible. En fait, pour avoir fait voir des vertes et des pas mures à Ousmane Sonko, et tailler des croupières à Karim Wade et Khalifa Sall, Macky Sall redoute une éventuelle furie vengeresse si l’un de ses opposants lui succède au palais de la République. Mais à qui la faute si après douze ans de pouvoir, il n’a su se choisir l’homme ou la femme qu’il faut en vue de le remplacer à la tête du pays ? En réalité, Macky Sall ne devrait s’en prendre qu’à lui-même plutôt que de chercher à malmener la démocratie sénégalaise qui, en dépit de ses insuffisances, reste un exemple sur le continent africain.
« Le Pays »