MANDAT D’ARRET CONTRE IYAD AG GHALY : Le chacal s’enfoncera-t-l dans son terrier ?
La Cour pénale internationale (CPI) a rendu public, en fin de semaine écoulée, le mandat d’arrêt international contre le chef djihadiste malien, Iyad Ag Ghali. L’homme est inculpé depuis sept ans de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre et cela, en raison de son rôle présumé dans les atrocités commises à Aguelhok et Tombouctou au Mali, entre 2012 et 2013, alors qu’il était le leader du mouvement Ansar Eddine. Torture, persécution pour des motifs sexistes et religieux, détention illégale, viols, violences sexuelles, actes inhumains, attaques contre des édifices religieux…les griefs sont nombreux contre celui qui se terre, depuis des années, dans le désert malien ou dans le Sud de l’Algérie. Le moins que l’on puisse dire, c’est que cette nouvelle traque lancée par la Justice internationale contre le fennec du Sahara, est bien méritée. Car, elle n’est que la conséquence de l’ensemble de ses œuvres. En effet, en quatre décennies, Iyad Ag Ghali, ce Touareg de la tribu des Ifoghas, n’a fait que se repaitre du sang de ses concitoyens et des Sahéliens et cela, en multipliant les casquettes. D’abord, combattant pour la légion islamique du colonel Mouammar Kadhafi en Libye, l’homme s’est enrôlé au sein de plusieurs rebellions contre l’Etat central malien avant de devenir l’émir du Groupe de soutien à l’Islam et aux musulmans (GSIM ou JNIM).
Le mandat d’arrêt émis par La Haye, est une avancée majeure dans la lutte contre l’extrémisme violent dans les pays du Sahel
Ce groupe extrêmement violent est le principal auteur des violences djihadistes dans la bande sahélo-saharienne, en particulier au Mali et au Burkina Faso. Le mandat d’arrêt émis par La Haye, est donc une avancée majeure dans la lutte contre l’extrémisme violent dans les pays du Sahel et dans la traque des auteurs des violences terroristes. Mais la question que l’on se pose, est la suivante : cette nouvelle traque lancée contre Iyad Ag Ghali, sera-t-elle plus efficace que les précédentes ? L’on peut légitimement en douter. Et pour cause. Il faut se rappeler que la tête de celui que l’on présente comme l’ennemi numéro un des Occidentaux, a été mise à prix par les Etats-Unis, à 5 millions de dollars et depuis des années, les services de renseignement français et américains tentent de la capturer ou de l’éliminer sans y parvenir. L’on se demande si les armées les plus puissantes au monde ne sont pas arrivées à mettre la main sur l’homme en usant des moyens technologiques les plus modernes, un simple mandat d’arrêt émis par la CPI pourrait mettre fin à la course de l’un des criminels les plus recherchés au monde. En tout cas, la probabilité que l’homme soit arrêté, est d’autant plus faible que ce dernier aurait toujours bénéficié de la protection de l’Algérie et rien ne prouve d’ailleurs qu’Alger se montrera plus coopérative aujourd’hui plus qu’hier. Et l’autre argument qui permet de douter de l’efficacité du mandat d’arrêt lancé par la CPI, est que Bamako considère que dans la lutte contre les groupes armés terroristes et dans la perspective de la réconciliation nationale, Iyad Ag Ghali peut être un interlocuteur.
Le mandat a aussi le mérite d’engager toute la communauté internationale dans la traque contre le leader djihadiste
L’on se souvient d’ailleurs que dans les recommandations des Assises nationales au Mali, figure la nécessité de poursuivre les négociations avec le leader du GSIM. Dans cette perspective, l’on imagine difficilement comment le Mali pourrait participer à la traque du chef incontesté du GSIM. Toutefois, le mandat d’arrêt de la Justice internationale ne fera pas que l’effet de l’eau sur les plumes d’un canard, sur cet homme qui est entré dans la clandestinité depuis l’intervention française au Mali. Il accroît nécessairement la pression sur l’homme et ses troupes engagées dans les violences dans le Sahel. Avec cette traque, les combattants djihadistes reçoivent clairement le message selon lequel leurs actes ne seront pas impunis et cela devrait les amener à réfléchir par deux fois avant de poser certains actes. Par ailleurs, le mandat a aussi le mérite d’engager toute la communauté internationale dans la traque contre le leader djihadiste. L’on sait que si l’homme échappe jusque-là à ses poursuivants, c’est parce qu’il bénéficie de la complicité certes de populations, mais aussi et surtout de l’appui financier de certaines organisations et de certains Etats du golfe arabique. Il faut donc espérer que le mandat de la CPI mettra la pression sur ces pays qui sont véritablement les seuls capables de mettre fin à la cavale de l’homme. Cela dit, si l’on veut véritablement mettre fin aux violences dans le Sahel, la traque des leaders, à elle seule, ne suffit pas. L’on sait d’ailleurs que les nébuleuses djihadistes sont comme une hydre. Quand on en coupe une tête, il en pousse une autre plus dangereuse. Il faut donc mettre en place des stratégies plus efficaces qui permettront non seulement d’assécher les sources de financement des groupes armés terroristes, mais aussi qui permettront de briser les circuits de vente et de circulation des armes dans toute la bande sahélo-saharienne. Cela nécessite une synergie d’action qui n’est malheureusement pas gagnée d’avance en raison de la divergence des intérêts. Et tant que prévaudront les intérêts des Etats qui produisent les armes, il continuera de courir dans le désert des chacals féroces comme Iyad Ag Ghali et autres sicaires qui ne vivent que d’orgies sanglantes.
« Le Pays »