BURUNDI : Quand un évadé fait trembler le pouvoir de N’kurunziza
Au Burundi, c’est un ouf de soulagement que poussent enfin la société civile et les organisations de défense des droits de l’Homme. Et pour cause : Hussein Radjabu, du nom de cet ancien homme fort du parti au pouvoir dont l’évasion de prison avait donné lieu à toutes les supputations, vient de donner signe de vie à tous ceux qui craignaient pour sa vie. A tous ceux pour qui son évasion n’était probablement qu’un enlèvement que les autorités de Bujumbura auraient tout simplement ainsi maquillé en attendant de pouvoir le trucider. Mais si cette nouvelle réjouit tous les Burundais épris de paix et de démocratie, on ne peut pas en dire autant du clan du pasteur président, Pierre N’kurunziza, pour qui cette sortie est plutôt un mauvais signe pour la paix au Burundi. C’est pourquoi d’ailleurs, on se mobilise pour, dit-on, « l’empêcher de déstabiliser le pays. » Une levée de boucliers qui pousse à s’interroger sur ce que le pouvoir de Pierre N’kurunziza peut bien craindre de cet homme. Pourquoi cet évadé fait-il tant trembler le régime de N’Kurunziza qui cherche par tous les moyens à se maintenir au pouvoir ?
L’une des réponses probables vient certainement de l’appel que Hussein Radjabu a lancé depuis sa cachette, à tous les Burundais, les invitant à se soulever contre le régime du Pasteur N’ Kurunziza. Un appel qui tombe au pire moment pour N’Kurunziza, car il fait écho à un autre appel, celui de l’Eglise catholique qui, dans un message, a appelé au « respect strict de la limitation du nombre de mandats à deux ». Dans un pays largement à l’écoute de l’Eglise, une telle déclaration à seulement quatre mois des élections, fait sans aucun doute le miel de l’opposition burundaise qui ne manquera pas, le moment venu, d’en tirer profit.
La deuxième raison qui suscite la panique dans le camp présidentiel est directement liée à l’évasion même de Hussein Radjabu de la prison. En effet, Hussein Radjabu n’était pas n’importe quel prisonnier. Pour preuve, le régime de N’kurunziza a toujours reconnu la grande capacité de nuisance de cet homme, surtout quand on l’a contre soi. En tant que tel, Hussein était donc surveillé comme du lait sur le feu et ses propos et gestes, enregistrés et décryptés jusque dans les moindres détails. Il est notoire que lorsqu’on entre dans les prisons des dictateurs africains, on court généralement le risque d’en ressortir les pieds devant, plutôt que debout comme l’a fait Hussein Radjabu. De cette évasion, on dira qu’il y a forcément une grosse anguille sous roche. Car Hussein n’aurait jamais réussi tout seul cet exploit. C’est le ministre de la Justice qui décide de qui sera jeté en prison et c’est le maître de Bujumbura en personne qui tient la clé du pénitencier. Si cette célèbre évasion a pu avoir lieu, cela signifie forcément que quelqu’un avait le double de la clé. L’existence de ce troisième larron n’est pas du tout faite pour faciliter le sommeil du pasteur président. L’existence de ce complice est d’autant plus inquiétante qu’il pourrait se trouver dans l’entourage immédiat du président, parmi ses hommes de … confiance. On comprend alors la fébrilité qui s’est emparée du régime de Pierre N’Kurunziza et pourquoi ce dernier considère Radjabu comme un danger pour la paix au Burundi.
L’opposition aurait tort de penser que cette avalanche de désappointements aura raison du régime de N’kurunziza
Pourtant, Hussein, tout comme l’Eglise catholique, ne demandent rien moins que le respect pur et simple de l’accord d’Arusha, lequel justement a permis à Pierre N’kurunziza d’accéder au pouvoir. Mais si exiger le respect de cet accord fait de Hussein un danger pour la République, c’est donc tout le peuple burundais dans son ensemble qui doit être considéré comme un danger pour la paix au Burundi. Il faut croire donc que N’kurunziza a atteint le stade où un dictateur ne fait plus la différence entre lui-même et son pays.
Cela dit, l’opposition burundaise aurait tort de penser que cette avalanche de désappointements aura raison du régime de N’kurunziza. En effet, comme dans toute dictature, les sbires et autres éminences grises du régime sont déjà à pied d’œuvre pour trouver la stratégie appropriée qui leur permettra de reprendre la main. C’est dans cette logique d’ailleurs qu’il faut comprendre l’interprétation que le régime fait du message des évêques burundais. Il affirme tout simplement que la déclaration du clergé n’est ni plus ni moins qu’un soutien à la candidature de N’kurunziza, pour un troisième mandat. Sacré pasteur, sacré dictateur. Seulement demain, lorsque le peuple burundais se dressera comme un seul homme pour le pousser à la sortie, il ne trouvera plus trace de tous ces courtisans. Mais, ainsi vont les dictateurs ; ils ne retiennent jamais aucune leçon, jusqu’à ce que le ciel leur tombe sur la tête.
Dieudonné MAKIENI