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ACCUSATION DE LAXISME AU SOMMET DE L’ETAT CONGOLAIS


Vital Kamerhe, le directeur de cabinet du chef de l’Etat congolais, Félix Tshisekedi, placé en détention préventive depuis le 8 avril dernier par le tribunal de Paix de Kinshasa/Matete pour surfacturations et détournements présumés de deniers publics dans le cadre de l’enquête sur le programme présidentiel des 100 jours, vient de passer sa première semaine en tant que pensionnaire de la prison de Makala. Alors que cette affaire qui promet encore des vagues, n’en est qu’à ses débuts, des voix s’élèvent pour accuser le plus haut sommet de l’Etat, en l’occurrence le président de la République lui-même, de laxisme voire de collusion avec le prévenu dans cette scabreuse affaire qui étale sur la place publique, les draps sales de la présidence. En effet, à en croire certains ténors de la scène politique congolaise, l’attention de Félix Tshisekedi a été, à maintes reprises, attirée sur les agissements de son « Dircab », sans qu’il ne daigne lever le petit doigt, ne serait-ce que pour le rappeler à l’ordre.

On peut féliciter le président Tshisekedi pour avoir laissé la Justice faire son travail

Or, de l’avis de ceux qui portent ces griefs contre le chef de l’Etat, sa réaction aurait pu freiner les ardeurs de son poulain et limiter ainsi le nombre des casseroles sales.  Sans prendre parti dans cette guéguerre, l’on peut, tout de même, féliciter le président Tshisekedi pour avoir laissé la Justice faire son travail. Une telle attitude aurait été difficilement imaginable sous le pouvoir totalitaire de son prédécesseur, Joseph Kabila, qui aurait tout simplement étouffé l’affaire dans l’œuf. Il n’y a pas, en tout cas, en apparence, plus belle preuve de séparation des pouvoirs et d’indépendance de la Justice que de laisser les juges fouiner dans les dossiers de la présidence au point d’alpaguer de gros rats que l’on jette aux fers. Le chef de l’Etat est d’autant plus à féliciter que son attitude a une forte valeur pédagogique. En effet, elle sonne comme un avertissement à l’endroit de tous les délinquants à col blanc qui sont tapis dans les administrations et dont le sport favori est la surfacturation dans les dépenses de l’Etat et le détournement des deniers publics. En acceptant de livrer à la Justice son directeur de cabinet et allié politique, Félix Tshisekedi donne à méditer cette parole biblique : «Si l’on traite ainsi le bois vert, qu’en sera-t-il du bois sec ? » Cela dit, ce serait donner le bon Dieu sans confession au président de la République, que de croire qu’il a agi sans calculs politiques. En effet, l’on peut se demander, avec certains ténors de la scène politique congolaise, pourquoi Félix Tshisekedi n’a pas réagi plus tôt aux accusations portées contre Vital Kamerhe par la suite. Est-ce parce qu’il est lui-même mouillé dans cette affaire comme le soupçonnent certains ? A-t-il voulu protéger un allié politique dont les déboires judiciaires impacteraient négativement la coalition au pouvoir ? Ou alors a-t-il voulu pousser à la faute un allié politique devenu encombrant pour pouvoir s’en débarrasser? Cette dernière hypothèse semble un peu plus plausible si l’on en croit certains bruits qui font cas de mésententes entre le chef de l’Etat et son directeur de cabinet dans la gestion de l’épidémie du Covid-19.

On peut se poser des questions sur les conséquences politiques des déboires judiciaires de Vital Kamerhe

Mais quelles que soient les raisons que l’on peut évoquer pour expliquer la réaction un peu tardive du président Tshisekedi, il y a un appel à la Justice à aller plus loin dans ses investigations pour ratisser large. Et si à l’issue du traitement judiciaire, le président n’a rien à se reprocher, il réussira, une fois de plus, à surprendre agréablement l’opinion publique congolaise et internationale. En effet, au regard des conditions de son arrivée au pouvoir, ils n’étaient pas nombreux les observateurs de la scène politique congolaise à parier sur le moindre succès de Tshisekedi. L’homme réussira-t-il à faire mentir tous les pronostics pour marquer de la plus belle des manières, son passage à la tête de l’Etat congolais ?  En attendant que l’avenir apporte la réponse à cette question, l’on peut se poser des questions sur les conséquences politiques des déboires judiciaires de Vital Kamerhe. Cette affaire constitue–t-elle la fin des haricots pour cet homme politique dont toute la carrière s’est bâtie sur l’art du retournement de veste ? Et si tel était le cas, cette situation ne risque-t-elle pas de fragiliser la coalition au pouvoir face aux appétits gargantuesques des partisans de Joseph Kabila qui attendent dans l’ombre leur heure ? Ou alors, en mettant à l’écart son allié, le président Tshisekedi se donne-t-il une plus grande marge de manœuvre dans la gestion des affaires de l’Etat ? Faute de réponse, pour l’heure, à toutes ces questions, ils sont nombreux les Congolais qui se félicitent de cette descente aux enfers de Vital Kamerhe qui n’en est pas à sa première légèreté. A ce que l’on dit, son passage à la tête de l’Assemblée nationale aurait aussi laissé de gros trous. Pour l’opposition politique congolaise, l’homme est devenu le symbole de la félonie et beaucoup ne sont pas loin de penser qu’il paie pour ses turpitudes. Mais pour l’instant, en attendant l’épilogue de ce feuilleton judiciaire, l’on ne peut qu’espérer que le président Tshisekedi puisse tirer toutes les leçons de cette affaire en termes de bonne gouvernance et de transparence dans la gestion des affaires de l’Etat.

« Le Pays »


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