HomeA la uneADAMA WYA, A PROPOS DE LA CONFERENCE DE PARIS SUR LE CHANGEMENT CLIMATIQUE : « La COP 21 est une opportunité pour le Burkina »

ADAMA WYA, A PROPOS DE LA CONFERENCE DE PARIS SUR LE CHANGEMENT CLIMATIQUE : « La COP 21 est une opportunité pour le Burkina »


Du 30 novembre au 12 décembre 2015, s’est tenue à Paris la 21e Conférence des parties (COP 21) sur les changements climatiques. Comme toutes les parties de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, le Burkina Faso y a pris part, en y envoyant une délégation composée d’autorités politiques et d’Organisations de la société civile. Celui que nous avons rencontré, était membre de la délégation burkinabè pour le compte des OSC. Même si sa participation à la COP 21 était due au soutien de la Coopération française, il a défendu la position du Burkina. Dans l’interview qui suit, Adama Wya, chargé des projets, programmes et partenariat du Réseau national pour la promotion des évaluations environnementales (RENAPEE) et membre du Cadre de concertation des organisations de la société civile sur les changements climatiques, nous donne son appréciation des résolutions prises à la COP 21.

« Le Pays » : Comment vous vous êtes préparés en tant qu’organisation de la société civile pour prendre part à la COP 21 ?

Adama Wya : Le RENAPEE, en partenariat avec des organisations de la société civile intervenant dans le domaine de l’environnement, le changement climatique et le développement du monde rural, a mis en place un cadre de concertation. Nous avons ensuite entrepris un certain nombre d’activités dont l’élaboration d’un programme d’activités, entre autres, pour la préparation de la COP21 et pour la sensibilisation des OSC sur toute l’étendue du territoire sur les enjeux des changements climatiques et les enjeux de la COP 21. Nous avons mené des campagnes de sensibilisation sur les différentes négociations sur le climat qui avaient eu lieu avant la COP 21. L’accent a aussi été mis sur ce que le Burkina pouvait attendre comme profit de la COP 21. Tout ceci nous a amenés à élaborer un projet que nous avons soumis à la Coopération française qui nous a donné son accord pour le financement. Ce qui nous a permis d’organiser des ateliers de formation au profit des membres du cadre de concertation que sont, le RENAPEE, l’INADES-FORMATION Burkina, l’AFEP-Burkina, l’ORCADE, l’ANAREF, l’APN-SAHEL et le RAJIT-BF. Nous avons initié un autre atelier de renforcement des capacités et de sensibilisation sur les enjeux des changements climatiques et sur la COP 21 au profit des acteurs. Nous avons ensuite adressé une lettre ouverte au président du Faso. Dans cette lettre, nous avons décliné les enjeux des changements climatiques et notre position par rapport à la COP 21. Nous avons, dans cette lettre, invité les autorités à peser de leur poids pour qu’à l’issue de la COP 21, on puisse aboutir à un accord juridiquement contraignant au profit des générations actuelles et futures. Nous avons demandé que le Burkina, par la voix de son président, intervienne pour que les pays qui se sont engagés pour alimenter le fonds vert honorent leurs engagements. Mais aussi, que les modalités de gestion de ce fonds soient transparentes avec l’implication de la société civile. Le cadre de concertation a également demandé au président du Faso de faire en sorte que tous les projets de développement prennent en compte la question des changements climatiques dans leur mise en œuvre. A la suite de cette lettre ouverte, nous avons rencontré les Hommes de médias pour partager avec eux les informations sur les changements climatiques, leurs conséquences et ce que nous attendons des résolutions de la COP 21.

Toutes ces recommandations que vous avez eu à formuler ont-elles été prises en compte dans la résolution finale de la COP 21 ?

Pour nous, les résolutions prises à la COP 21 sont bonnes mais insuffisantes. Autrement, je dirai que : « C’est bon mais ce n’est pas arrivé ». C’est bon dans la mesure où l’ensemble des parties ont abouti à un cadre international avec, pour objectif final de maintenir la hausse de la température de la planète en-dessous de 2°. La conférence des parties a également encouragé l’ensemble des pays à redoubler d’efforts afin qu’on puisse parvenir au maintien de la température en-dessous de 1.5°. Nous félicitons donc la conférence des parties pour cet objectif qu’elle s’est fixé car c’est très ambitieux. Mais, il faut dire que pour l’atteinte de cet objectif, il y a beaucoup d’implications allant dans le sens de la transition énergétique. C’est dire qu’il faudra, désormais, utiliser de plus en plus les énergies fossiles pour aller vers les énergies renouvelables telles que le solaire, l’éolienne et la géothermie. Un autre point de satisfaction, pour nous, c’est le fait qu’à la conférence des parties, tous les pays étaient présents. Cela a contribué à la sensibilisation sur les conséquences liées aux changements climatiques. Les Etats ont donc compris la nécessité d’abandonner les énergies fossiles pour les énergies renouvelables. Ce qui est une bonne chose dans notre contexte, car le Burkina dispose du soleil en grande quantité. C’est une opportunité, car le monde entier va abandonner le fossile dont nous, nous ne disposons pas pour aller vers l’énergie renouvelable, qui inclut le solaire que nous avons en quantité. C’est un aspect très important et nous nous réjouissons du fait que la COP 21 ait invité les parties prenantes à aller vers ce sens. En outre, la COP 21 a invité les Etats à mettre l’accent sur les droits de l’Homme dans leurs différentes politiques. Il s’agit, du droit à la santé, du droit des migrants, du droit des personnes vivant avec un handicap, de l’autonomisation des femmes et de l’équité des générations. C’est une avancée significative que nous saluons. Mais, la conférence des parties devrait aller au-delà de cela en prenant des engagements forts de sorte à indemniser toutes les personnes victimes des catastrophes naturelles. Nous attendions que les Etats aillent dans ce sens. Sinon, les appels et les recommandations ne sont guère contraignants. C’est en cela que nous pensons que le fait de vouloir amener la température terrestre en dessous de 1.5°C est un objectif politique et irréaliste. Parce que, cet objectif est contrebalancé par la réduction à long terme de l’émission des gaz à effet de serre. Donc, pour nous, cet objectif devrait être accompagné par des indicateurs. Nous estimons que les différentes parties ont commis une grosse erreur. Ce qui avait été proposé par les experts et certaines délégations, c’était de réduire de 40 à 70% d’ici à 2050, les émissions des gaz à effet de serre. Certaines délégations ont même fait des propositions de réduction des gaz à effet de serre de 90 à 95%. Malheureusement, toutes ces propositions ont été gommées par des parties qui ont jugé cela très contraignant. L’accord de paris vise plutôt un plafonnement des émissions de gaz à effet de serre au niveau mondial sans pour autant préciser le délai et des indicateurs chiffrés. Plus loin, l’accord stipule qu’à long termes, les parties doivent parvenir à un équilibre entre les émissions anthropiques de gaz à effet de serre et l’absorption des puits carbone. Ces émissions anthropiques de gaz à effet de serre sont, entre autres, le dioxyde de carbone, le méthane et le protoxyde d’azote.

« Les différentes Contributions prévues et déterminées au niveau de chaque pays (INDC) ne permettent pas d’atteindre l’objectif de baisse de température à 1.5°C »

Mais, le problème à ce niveau, c’est qu’il n’y a pas non plus de délai ni de données chiffrées pour atteindre cet équilibre. D’ailleurs, sur ce point, on peut, dans l’avenir, assister à des situations fâcheuses. C’est-à-dire que certains pays peuvent continuer à polluer tout en faisant des compensations. Par ailleurs, les différentes Contributions prévues et déterminées au niveau de chaque pays (INDC) ne permettent pas d’atteindre l’objectif de baisse de température à 1.5°C. Par exemple, dans sa communication, le Gabon s’est engagé à réduire de 50% ses émissions de gaz à effet de serre. Il en est de même pour la Suisse. Pour la Russie, c’est entre 25 et 30% et pour les Etats-Unis, c’est entre 26 et 28%. L’ensemble de ce qui a été présenté par les parties ne permet pas de réduire la température à 2°C, voire 1.5°C, mais plutôt à environ 3°C. Pourtant, notre préoccupation c’est la baisse de la température à 1.5°C. Au regard de la situation climatique au niveau mondial, nous avons voulu que chaque pays ait une politique de réduction, proportionnellement à ses émissions de gaz à effet de serre. En Afrique, le taux est d’environ 4% ; ce qui est peu par rapport aux taux de gaz émis dans certains pays. En 2010, 49 Gigatonnes de gaz à effet de serre ont été émis au niveau mondial. Donc, chaque entité devrait être affectée d’un coefficient dans sa politique de réduction. D’ailleurs, il y a des pays qui n’ont pas fait de déclaration sur la baisse de leur émission de gaz à effet de serre. Certains Etats, notamment ceux en voie de développement qui ont fait leur déclaration ne disposent pas de moyens qui puissent accompagner leur politique de réduction de gaz à effet de serre. Pour le cas du Burkina, il est prévu, entre autres, la récupération du méthane au niveau des centres de traitement des déchets, la réduction de la consommation du carburant, de mettre en œuvre des projets hydroélectriques et l’investissement dans le solaire. Mais, les moyens pour y parvenir sont limités et il en est de même pour bien d’autres pays. Si fait que ces derniers seront obligés de se tourner vers les pays développés pour demander des financements sans oublier que ces pays doivent aussi chercher des financements pour mener des politiques de réduction des émissions de gaz à effet de serre à leur niveau. C’est dire qu’en plus de travailler à réduire les émissions de gaz à effet de serre, les pays développés doivent également financer les pays en voie de développement pour qu’ils puissent mener à bien leurs politiques. Le mardi 1er décembre 2015, à l’occasion d’un mini-sommet au Bourget, où se déroulait la COP 21, qui a rassemblé une douzaine de dirigeants du continent africain, le président français s’est engagé à verser 6 milliards d’euros à l’Afrique pour développer les énergies renouvelables et l’électricité d’ici à 2020. Au regard de tout cela, je dirai que, certes on est parvenu à un accord avec des avancées mais, il y a un travail de fond qui doit être abattu pour que les objectifs puissent être atteints.

Quelle appréciation faites-vous de la participation du Burkina à la COP 21 ?

La délégation burkinabè a contribué, à travers le groupe Afrique et les pays les moins avancés, à défendre la position de l’Afrique. Le point focal sur les changements climatiques nous rendait compte chaque jour de l’évolution des négociations. Le Cadre de concertations des organisations de la société civile, en partenariat avec l’ITIE Burkina, a organisé une conférence sur les mines et le changement climatique. Nous avons donc fait des propositions et des recommandations sur la question des mines afin que les mines puissent contribuer à investir dans le solaire et à diminuer leur consommation des énergies fossiles. A ce titre, la participation a été très satisfaisante. Mais, en termes de représentation, je dirai que les jeunes, les femmes et les médias étaient faiblement représentés. Nous invitons les dirigeants à se pencher sur cette question pour que les médias puissent relayer l’information et sensibiliser les populations.

Avez-vous un appel à lancer ?

La COP 21 est une opportunité pour le Burkina dans la mesure où, la tendance est d’aller vers les énergies renouvelables alors que nous disposons du soleil en quantité. Il appartient au Burkina d’anticiper en mettant en place un fonds pour renforcer les capacités des acteurs sur l’énergie et sur la question des changements climatiques. Nous ne devons pas attendre les partenaires pour qu’ils viennent financer le renforcement des capacités au niveau local. Des partenaires viendront plutôt exploiter notre soleil et nous revendre l’énergie. Donc, il nous appartient de saisir cette opportunité et exporter notre expertise.

Propos recueillis par Adama SIGUE


Comments
  • Sur quelles bases proposez vous une politique de réduction des GES au FASO, avez vous un bilan actualisé des gaz à effet de serre ? le bilan 2003 fourni par le CONNED fait ressortir un bilan négatif de 580000 tonnes de CO2, c’est dire qu’il importait à l’époque du gaz carbonique pour la production verte à plus de 4 milliard de francs CFA au prix de 29 dollars us la tonne CO2( c’était le prix du marché 2009). Dans le rapport si dessus référencé, le secteur des hydrocarbures était le secteur producteur du CO2 avec prime le secteur des transports. comment comprendre une volonté politique de recuire actuellement notre de production en gaz carbonique si ce n’est qu’un renoncement au développement industriel .
    Un tel renoncement fera de nous l’éternel dépotoir des industries pollueuses des grandes puissances économiques et des pays émergents. c’est pour ça qu’ils acceptent payer à travers les mécanismes bien connus des escrocs intellectuels au nom du principe du pollueur payeur. Pour tous ceux qui ont vision anti-impérialiste sont vaincus que la néo-colonisation passera désormais par le secteur de l’environnement comme masque, les changements climatiques naturellement expliqués entre 80-90 % et la pauvreté matérielle et d’esprit servent d’appoint par la culture de la peur.
    QUE L’ON PUISSE RIEN FACE A LA FÉROCE DES NÉO-COLONS D’ACCORD, MAIS QU’ON SE TAISE COMME SI L’ON ÉTAIT AVEUGLE NON.

    9 janvier 2016

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