HomeA la uneAFFAIRE DE LA SANTE DU PRESIDENT CAMEROUNAIS : Biya malade ? Non…mais du pouvoir, oui

AFFAIRE DE LA SANTE DU PRESIDENT CAMEROUNAIS : Biya malade ? Non…mais du pouvoir, oui


Depuis quelques semaines, les rumeurs les plus folles courent sur la santé du président camerounais, Paul Biya, aujourd’hui âgé de 91 ans, obligeant le gouvernement à sortir du silence. L’Exécutif, après avoir vigoureusement démenti ces rumeurs alarmantes en annonçant le Chef de l’Etat en « excellent état de santé », a formellement interdit aux médias d’évoquer sa santé. En effet, dans une note ministérielle adressée aux gouvernements régionaux, le ministre de l’Administration territoriale avance que « le chef de l’Etat est la première institution de la République et les débats sur son état relèvent du domaine de la sécurité nationale ». Par conséquent, pour Atanga Njii, le Monsieur Sécurité du régime, « tout débat dans les médias sur l’état du président de la République, est interdit et les contrevenants devront faire face à la rigueur de la loi ».  La question que l’on peut tout de suite se poser après cette sortie, est la suivante : pourquoi le gouvernement fait-il montre d’autant de frilosité ? Faute d’être dans le secret des dieux au Cameroun, l’on ne peut qu’émettre des hypothèses pour tenter d’apporter une réponse à cette question.

 

Quelles que soient les raisons du gouvernement à interdire les débats sur la santé du chef de l’Etat, l’on peut tout de même déplorer cette décision

 

 

La première de ces hypothèses peut paraitre ridicule pour les esprits cartésiens, mais nous sommes en Afrique où les croyances ont la peau dure et cela est particulièrement vrai quand on est au Cameroun. En Afrique, les périodes de maladie sont des moments de faiblesse de l’être humain, que les sorciers peuvent mettre à profit pour s’emparer de l’âme du souffrant. Dans une contrée forestière réputée pour ses mystères comme le Cameroun et en présence d’un pouvoir quasi paranoïaque et nourri aux sources du mysticisme, il n’est pas impossible que ces croyances ancestrales aient milité en faveur de la décision du gouvernement. Mais plus sérieusement et de façon plus rationnelle, l’on peut convoquer deux autres hypothèses pour expliquer la montée d’adrénaline de l’Exécutif camerounais. La première est la crainte d’un putsch. Ce n’est un secret que la maladie du Chef de l’Etat, dans les républiques bananières, en raison de la quasi vacance du pouvoir, sont des moments propices aux coups de force. L’on peut prendre à titre illustratif, le cas du Gabon où une révolte de palais conduite par le chef de la garde présidentielle, le général Brice Oligui Nguema, a eu raison du président Ali Bongo perclus depuis fort longtemps par la maladie. Et même si l’on n’a pas de preuve qu’un tel scénario peut se produire au Cameroun, l’on ne peut pas non plus écarter le risque. Il faut donc éviter que les médias camerounais dont on connait la pugnacité dans les débats, ne viennent réveiller des instincts pour le moment endormis. La seconde hypothèse est que le gouvernement, en interdisant les débats sur la santé du président Paul Biya, veut éviter de mettre de l’huile sur le feu dans les querelles successorales que la disparition du Chef de l’Etat, au pouvoir depuis 40 ans, ne peut manquer d’entraîner. L’on sait, en effet, que dans les cercles du pouvoir, il s’est engagé une querelle de positionnement qui ne dit pas son nom.

 

Dans les grandes démocraties, l’état de santé du président est un des éléments clés de la gestion du pouvoir

 

Il est à craindre que toutes les rumeurs sur la santé du président, souvent alimentées par les médias, ne viennent donc raviver les tensions au point de lézarder la bâtisse du pouvoir et cela dans un contexte où, il faut le dire, le vieux président, au-delà du symbole, n’est plus totalement en pleine possession de toutes ses capacités.  Cela dit, quelles que soient les raisons supposées ou avérées du gouvernement à interdire les débats sur la santé du chef de l’Etat, l’on peut tout de même déplorer cette décision qui, contrairement à l’effet recherché, prouve que le président Paul Biya ne se porte pas bien. Malade ? Non, de source officielle. Mais malade de pouvoir ? Oui, certainement.  Lui qui, jusqu’au crépuscule de sa vie et à plus de quarante ans de règne, ne s’est jamais imaginé une vie en dehors du pouvoir et qui, sans doute caresse le rêve d’y rester jusqu’à son dernier souffle. Dans les grandes démocraties, l’état de santé du président est un des éléments clés de la gestion du pouvoir d’Etat car le peuple veut savoir si le leader jouit de toutes ses facultés pour opérer les choix qui guident la marche de la Nation. Et cela est particulièrement décisif dans des moments comme ceux en cours au Cameroun où le président usé par l’âge et le pouvoir, s’apprête à briguer un nouveau mandat. Même si comparaison n’est pas raison, dans des moments identiques aux Etats-Unis, le président Joe Biden, poussé par son parti, a dû se retirer de la course à la Maison blanche en cédant sa place à Kamala Harris. Mais nous ne sommes pas aux Etats-Unis mais au Cameroun, l’une des plus vieilles mares de la dictature en Afrique où règne en maitre un vieux saurien qui n’a jamais imaginé de vie après le pouvoir. Mais faut-il véritablement plaindre les Camerounais qui semblent s’accommoder de la situation ? A cette question, l’on est tenté de répondre par la négative car dit-on, chaque peuple mérite ses dirigeants. Et cela est particulièrement vrai pour les Camerounais, notamment les activistes et intellectuels qui n’ont pas leur langue dans la poche quand il s’agit de traiter et commenter l’actualité dans les autres pays africains mais qui sont perclus de la langue face à la dictature politique qui dure depuis quatre décennies dans ce pays de l’Afrique centrale. Mais tant que durera cette myopie feinte ou réelle, Paul Biya, malade ou pas, continuera de diriger son pays depuis sa tour d’ivoire dans son village de Mvomeka’a quand il n’est pas en voyage de plaisance avec Chantal, sa toute puissante et flamboyante épouse.

 

« Le Pays »


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